Un MRE en Finlande:«Dire qu’on est Marocain n’est plus une bonne idée»

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Imad Saoudi, un jeune marocain installé en Finlande livre à H24Info son témoignage sur le climat qui règne dans ce pays après l’attaque au couteau vendredi 18 août à Turku, dans le sud-ouest, qui avait fait deux morts.

«Au lendemain de l’attaque au couteau, à peine ai-je mis les pieds dans le supermarché du coin qu’une adolescente m’a regardé les yeux écarquillés, tendant sa main vers sa bouche grande ouverte… Elle était franchement terrifiée de me voir là-bas. Il m’a fallu quelques secondes pour réaliser que la raison derrière sa réaction ne pouvait être que ma couleur de peau, de cheveux… Ma barbe aussi probablement!».

C’est ainsi qu’Imad Saoudi un jeune Marocain installé en Finlande raconte son expérience après l’attaque au couteau vendredi 18 août à Turku, dans le sud-ouest de la Finlande.
«Une expérience que certains peuvent trouver cocasse, mais que j’ai trouvée triste et préoccupante», souligne-t-il.

Selon lui, malheureusement cette tension n’est pas que latente. «Il y a eu des représailles de la part de la minorité raciste, sympathisante de Perussuomalaiset (parti d’extrême droite montée en puissance depuis les législatives de 2011) et autres groupes d’extrême droite. Des faits isolés certes, mais toutefois inquiétants, comme ce centre d’accueil de réfugiés dont les fenêtres ont été saccagées par des jets de pierres», précise Imad.

La situation est telle qu’«un ami marocain vivant à Turku m’a confié qu’avant vendredi dernier, il se targuait d’être marocain pour éviter d’être confondu avec un réfugié syrien ou irakien. Maintenant, il n’est plus sûr que ce soit une bonne idée d’afficher sa nationalité», rapporte Imad Saoudi, ancien journaliste au Maroc.

Ce lauréat de l’Institut Supérieur de l’Information et de la Communication (ISIC) de Rabat rappelle que c’est la toute première fois qu’un attentat terroriste islamique a eu lieu en Finlande, un pays paisible, classé parmi les plus sûrs au monde par le World Economic Forum.

Il souligne également que la Finlande n’a pas une longue histoire d’immigration, autre que l’Europe. La première vague remonte au début des années 90 et concerne surtout des Somaliens et des Irakiens après la chute de l’URSS et la première guerre du Golfe. «La méfiance est donc une réaction à laquelle il fallait logiquement s’attendre. J’ai même des amis proches finlandais qui m’ont confié être conscients que cette méfiance peut souvent être injustifiée, qu’ils la regrettent profondément quand ils la ressentent, mais qu’ils ne peuvent pas s’empêcher de l’éprouver dans certaines situations», raconte Imad.

Ce jeune étudiant qui poursuit actuellement ses études supérieures à Turku dans le sud-ouest de la Finlande estime qu’au fond, les différentes composantes de la société finlandaise sont dans le même bateau. «Cette attaque a rappelé que personne n’est à l’abri des conséquences d’idéologies extrémistes. Que ce soit l’islamisme ou le racisme», déclare Imad.

Ainsi pour lui, la prudence n’est qu’une réponse naturelle et immédiate à un évènement aussi traumatisant que celui de vendredi dernier. «Maintenant, on ne peut qu’espérer que cette méfiance mutuelle soit temporaire. Le gouvernement finlandais semble en tout cas partager cette opinion», fait savoir Imad.

En effet, le Premier ministre Juha Sipilä a insisté sur le fait de «ne pas répondre à la haine par la haine». Pour sa part, le Président Sauli Niinistö a souligné que «l’envie de mal comprendre [l’autre] a été plus grande que l’envie de [le] comprendre. Il faut retourner cette situation. Ce n’est qu’en restant uni qu’on pourra traverser cette crise».

La série d’agressions au couteau a coûté la vie à deux femmes et fait huit blessés la semaine dernière à Turku, en Finlande. Le principal suspect, toujours en détention, a été identifié sous le nom Abderrahman Mechkah.

Il s’agit d’un Marocain de 18 ans dont la demande d’asile aurait été rejetée et qui aurait fait appel après cette décision. Il a reconnu être l’auteur des faits mais nie tout mobile terroriste.

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