Marketing. « Influenceurs « : le début de la fin d’une époque?

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Depuis environ cinq ans a émergé une nouvelle forme de marketing. Le « marketing d’influence », qui consiste pour l’entreprise à acheter l’influence supposée de l’internaute auprès de sa communauté afin de gagner en visibilité.

Les marques et les consommateurs se méfient de plus en plus des internautes qui promeuvent des produits sur les réseaux sociaux. C’est la thèse d’un article publié le 2 avril dernier par le média français L’Obs qui évoque une « rupture » entre les marques (surtout lifestyle) et les « influenceurs ».

Ces entreprises, qui vendent des produits et des services bien réels, travaillent avec des personnalités dans l’espoir de bénéficier de leurs réseaux de fans. Elles leur envoient gratuitement les produits en question, leur offrent des services, collaborent avec elles ou les invitent à des événements afin qu’elles en parlent sur les réseaux sociaux, explique le site français, citant pour exemple les 150 influenceurs présents au défilé Chanel le mois dernier, hommage à Karl Lagerfeld.

La publicité via « collab' » interposée s’est développée à vitesse grand V, propulsée par le succès du réseau social Instagram. Selon les estimations les plus optimistes, ce marché devrait atteindre les 10 milliards d’euros l’an prochain. Certaines marques consacrent une part majeure de leur budget en communication à ces collaborations, à l’instar de L’Oréal qui travaille depuis quelques années avec des centaines d’influenceurs.

 

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La marque de cosmétiques conçoit notamment avec certains d’entre eux des produits vendus en grande surface, soit un « budget influenceurs » pouvant aller jusqu’à 40% de son budget média. Ainsi, de nombreux jeunes connectés ont fait de « l’influence digitale » leur profession.

Certains sont très célèbres, comme la mannequin Chiara Ferragni (16,2 millions d’abonnés), d’autres moins comme la styliste et rédactrice de mode Jeanette Madsen (158 000 abonnés). S’ils sont moins puissants, les micro-influenceurs sont très utiles pour qui veut atteindre une cible précise, explique l’article de nos confrères français.

« L’ère du doute »

Aujourd’hui, des cours d’ « influence » sont dispensés dans les écoles de marketing et des entreprises gérant ce business comme L’Agence des Influenceurs, Social Zoo ou Reech, des agences ayant désormais pignon sur rue.

Certains relèvent tout de même quelques fausses notes. En janvier dernier, Elinor Cohen, consultante en marketing américaine, publiait un texte retentissant sur le fait que « les influenceurs n’influencent personne » au contraire d’individus « disposant de savoir et d’expertise ».

Elle remettait notamment en question le nombre de followers comme indicateur de puissance. En France, le quotidien les Echos a, le premier, alerté sur ce phénomène en publiant un article intitulé « Les influenceurs à l’ère du doute », relatant comment les marques, devenues méfiantes à cause de soupçons de tricherie et de complaisance à leur égard, prennent leurs distances. Le journal s’appuie notamment sur les conclusions de l’étude « les Tendances Social Media 2019 » de Kantar Media.

 

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En 2017, Dolce & Gabbana faisait défiler une cinquantaine d’influenceurs à Milan, en lieu et place de mannequins professionnels. Retournement de situation, la marque leur a cet hiver fermé l’accès à son défilé femme. Autre élément salissant le tableau, les affaires répétées d’achat de faux abonnés qui a valu des procès à quatre sociétés basées en Chine, la vente de faux abonnés ayant été déclarée illégale il y a deux mois par le parquet de New York.

Cap sur les « milennials »

Peu à peu, le désenchantement du conte digital se fait ressentir. En 2017, le monde entier assiste au lancement du Fyre Festival, présenté comme un luxueux festival de musique aux Bahamas et promu par Bella Hadid, Emily Ratajkowski ou encore Kendall Jenner (plus de 150 millions de followers à elles trois).

L’événement est une véritable catastrophe (voir le documentaire « Fyre, the greatest party that never happened » sur Netflix). Les premiers clients arrivés sur l’île de Great Exuma ont révélé que le ticket d’entrée à 1.000 euros minimum donnait droit sur place à des installations très anciennes dignes d’un camping et des transports en bus scolaires. Sur les réseaux sociaux, les internautes s’en sont donnés à cœur joie pour partager leur mécontentement avec le hashtag « expectations vs reality » (« attentes contre réalité »).

Selon Vincent Cocquebert, journaliste et auteur du livre « Millennial burn-out » (éditions Arkhé), la méfiance est plus profonde qu’elle n’en a l’air. A ses yeux, c’est le début d’un dialogue de sourds entre deux générations, les anciennes marques et les « millenials » (nés entre 1980 et 1999) étant des « cibles fantomatiques », changeant « très vite de comportement d’achat ». Selon lui, ces derniers « ont bien plus confiance dans les conseils de leur famille et de leurs amis que dans ceux des influenceurs… ». « On est face à une stratégie désespérée de rattraper le wagon de la modernité », conclue-t-il.

Et au Maroc ?

Au Maroc, la sphère des influenceurs (surtout des influenceuses) ne semble pas encore battre de l’aile. De nombreuses Marocaines en ont fait leur métier, c’est le cas de Yasmina Olfi alias Fashionmintea qui a commencé son blog en 2012 et compte actuellement sur Instagram plus de 150.000 abonnés. A son actif, de nombreux partenariats avec de grandes marques telles que Cartier, Mauboussin ou encore Mounier & Bouvard.

On nomme également Mounia Senhaji, 226k abonnés et ambassadrice pour la marque L’Oréal Pro Maroc, ou encore Rawaa beauty, passionnée de maquillage, qui a animé l’année dernière l’émission YouTube « Khôl in the city » avec Maybelline New York Maroc, et dépassé le million d’abonnés sur Instagram.

Lors de la 3e édition du « Global Influencers Summit », rendez-vous international des « nouveaux leaders d’opinion » qui a eu lieu à Essaouira le weekend dernier, la qualification de métier pour l’activité d’influenceur était à l’ordre du jour. Dans une déclaration à nos confrères du site LesEcos, la productrice Leila Ghandi a parlé de cette activité comme étant « un métier qui se cherche, encore flou au Maroc », mais qui a « vocation à devenir un vrai métier ».

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