Les Guinéens lancent un cycle électoral délicat en choisissant leur président

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Crédit: AFP.

Près de cinq millions et demi de Guinéens ont commencé dimanche à voter pour choisir leur prochain président, premier rendez-vous sous tension d’un calendrier électoral ouest-africain chargé, scruté avec inquiétude par les avocats de la démocratie.

A l’école Federico Mayor de Kaloum, oasis éducatif au bord de l’Océan atlantique dans ce quartier de Conakry où se trouvent les centres de décision guinéens, des dizaines d’électeurs ont commencé à voter avec plus d’une demi-heure d’avance sur l’horaire prévu.

On entre, on donne son nom avec sa carte d’électeur et les agents le cherchent sur des listes interminables. Puis ils donnent les bulletins, on se retire derrière l’isoloir, on met celui de son choix dans une enveloppe, puis dans l’urne transparente. On trempe ensuite son doigt dans un pot d’encre violette indélébile, pour ne pas aller voter ailleurs.

La température est clémente et il est même tombé quelques gouttes de pluie, une bénédiction. Les forces de sécurité sont en nombre mais restent discrètes.

Les bureaux de vote doivent en principe rester ouverts jusqu’à 18H00 (GMT et locales).

 

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Cette élection, la première d’une série de cinq présidentielles en Afrique de l’Ouest avant fin 2020, se déroule dans un climat de crispation qui fait redouter des troubles, surtout autour de l’annonce des résultats, dans un pays accoutumé à ce que les antagonismes politiques fassent couler le sang.

– « On veut la paix » –

Mohamed Fode Camara, électeur à Kaloum, qui juge que le président sortant, Alpha Condé, « a déjà fait beaucoup », dit effectivement « craindre le jour de la proclamation des résultats. « On veut la paix, pas la bagarre ».

Douze candidats et candidates sont en lice pour diriger ce pays de 12 à 13 millions d’habitants, parmi les plus pauvres du monde malgré ses immenses ressources naturelles.

L’issue devrait se jouer entre Alpha Condé, 82 ans, et son adversaire de longue date, Cellou Dalein Diallo, 68 ans.

L’un sanguin, l’autre policé, ils s’étaient affrontés en 2010, premières élections jugées démocratiques après des décennies de régimes autoritaires, puis en 2015. M. Condé l’avait emporté les deux fois.

M. Condé, 4e président seulement qu’ait connu la Guinée indépendante (outre deux présidents par intérim), revendique d’avoir redressé un pays qu’il avait trouvé en ruines et d’avoir fait avancer les droits humains.

M. Diallo propose de « tourner la page cauchemardesque de 10 ans de mensonges », fustigeant répression policière, corruption, chômage des jeunes et pauvreté.

« Nous attendons beaucoup de changements, surtout pour l’emploi des jeunes », explique à l’AFP Alpha Barry, T-shirt clair, oreillettes sur la tête, un des très rares à porter un masque. A 37 ans, il affirme avoir fini ses études de médecine en 2013 et n’avoir toujours pas trouvé d’emploi.

Le scrutin de 2020 n’échappe pas aux tensions des précédents. Pendant des mois, l’opposition s’est mobilisée contre la perspective d’un troisième mandat de M. Condé. La contestation a été durement réprimée. Des dizaines de civils ont été tués.

Le nombre de mandats présidentiels est limité à deux. Mais pour M. Condé, la Constitution qu’il a fait adopter en mars pour, dit-il, moderniser le pays remet son compteur à zéro.

L’opposition a remis en cause la légitimité de cette Constitution. Mais M. Diallo a décidé de participer à la présidentielle, faisant valoir que pour gouverner, il fallait passer par les urnes.

Menée à coups de grands meetings fiévreux, la campagne a été émaillée d’invectives, d’incidents et d’obstructions, et de heurts qui ont fait plusieurs blessés entre militants.

L’importance des appartenances ethniques ajoute à la volatilité de la situation.

– Ne pas se laisser « voler » la victoire –

Pas question de se laisser « voler » à nouveau la victoire, répète le camp de Cellou Dalein Diallo, qui se méfie des organes jugés inféodés au pouvoir, malgré l’envoi d’observateurs africains.

 

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Le ministère de la Sécurité a prévenu vendredi qu’il était « interdit » à quiconque d’autre que les institutions « reconnues » de publier un résultat.

« Nous ferons exactement comme le président Obama. (Si) nous avons nos propres résultats, nous pouvons faire un tweet », explique le bras droit de M. Diallo, Fodé Oussou Fofana.

La publication d’un résultat national devrait prendre quelques jours au moins.

Un éventuel second tour est programmé le 24 novembre.

Le recours aux distorsions électorales ou aux modifications constitutionnelles figure parmi les reculs de la démocratie constatés par ses défenseurs ces dernières années en Afrique de l’Ouest, autrefois jugée pionnière.

A la suite de la Guinée, des présidentielles sont prévues d’ici à fin 2020, en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, au Ghana et au Niger. Dès le 31 octobre, la présidentielle en Côté d’Ivoire, où le sortant Alassane Ouattara postule également à un troisième mandat, s’annonce elle aussi à hauts risques.

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