Le Texas interdit quasi tous les avortements, la Cour suprême refuse d’intervenir

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La Cour suprême des Etats-Unis a offert une victoire majeure aux opposants à l’avortement dans la nuit de mercredi à jeudi, en refusant de suspendre une loi du Texas qui interdit d’avorter après six semaines de grossesse même en cas de viol ou d’inceste.

La haute juridiction, saisie en urgence par des défenseurs du droit à l’avortement, ne se prononce pas sur la constitutionnalité de la loi entrée en vigueur 24 heures plus tôt dans ce vaste Etat conservateur, mais elle invoque « des questions de procédures complexes et nouvelles » pour la laisser en place tant que la bataille judiciaire se poursuit.

Sa décision a été prise à une courte majorité de cinq magistrats sur neuf, dont trois ont été choisis par Donald Trump pour leur opposition à l’avortement. Elle représente donc aussi une victoire a posteriori pour l’ancien président et ses alliés conservateurs.

« Les républicains avaient promis de faire tomber Roe v. Wade et ils ont réussi », a immédiatement tweeté l’élue démocrate Alexandria Ocasio-Cortez, en référence à l’arrêt emblématique de la Cour suprême qui, en 1973, a reconnu le droit à l’avortement aux Etats-Unis.

De fait, la loi texane est la plus restrictive autorisée à entrer en vigueur depuis près d’un demi-siècle.

Signée en mai par le gouverneur républicain Greg Abbott, elle interdit au Texanes d’avorter une fois que les battements de cœur de l’embryon sont détectés, soit après environ six semaines de grossesse, alors que la plupart des femmes ne savent même pas qu’elles sont enceintes. Une seule exemption est prévue: en cas d’urgence médicale.

Lire aussi. L’accès à l’avortement demeure très inégal dans le monde

Plus de 85% des avortements pratiqués jusqu’ici au Texas avaient lieu après cette date, selon les organisations de planning familial qui ont fait état mercredi de leur profond désarroi.

« Je me suis réveillée triste, inquiète, sonnée », a déclaré Amy Hagstrom Miller, directrice de l’organisation Whole Woman’s Health qui gère quatre cliniques au Texas.

L’une d’elles, à Fort Worth, a réalisé des avortements jusqu’à 23H56 mardi soir, mais a dû s’interrompre alors qu’il restait des patientes en salle d’attente. « Les médecins pleuraient et me demandaient: qu’est-ce qu’on peut faire? », a raconté Mme Miller.

 

– « Prime » à la délation –

 

Avant le Texas, douze Etats ont adopté des lois comparables mais elles ont toutes été invalidées en justice, parce qu’elles violent la jurisprudence de la Cour suprême qui a garanti le droit à avorter tant que le fœtus n’est pas viable, soit vers 22 semaines de grossesse.

Mais le Texas a formulé sa loi différemment: il ne revient pas aux autorités de faire respecter la mesure au pénal, mais « exclusivement » aux citoyens, encouragés à porter plainte au civil contre les organisations ou les personnes qui aideraient les femmes à avorter.

Le texte prévoit que ces plaignants perçoivent au moins 10.000 dollars de « dédommagement » en cas de condamnation. Les détracteurs du texte y voient une « prime » à la délation mais ses partisans ont déjà créé des sites pour collecter toute « information anonyme ».

Pour des raisons de procédure, ce dispositif rend plus difficile l’intervention des tribunaux fédéraux qui ont refusé jusqu’ici de se saisir des recours contre la loi.

La Cour suprême leur a désormais emboîté le pas, tout en soulignant que d’autre recours pouvaient être déposés contre le texte, notamment devant les tribunaux de l’Etat.

 

– « Tête dans le sable » –

 

Se distançant des autres juges conservateurs, son chef John Robert a fait savoir qu’il aurait bloqué cette loi « sans précédent », en attendant un examen de fond.

Les trois juges progressistes ont également exprimé leur opposition à une décision jugée « stupéfiante » par la magistrate Sonia Sotomayor qui a reproché à la majorité « de se mettre la tête dans le sable » face à un loi « imaginée pour empêcher les femmes d’exercer leurs droits constitutionnels et échapper à un examen en justice ».

Le président démocrate Joe Biden avait lui aussi dénoncé plus tôt une loi « radicale » qui « restreint l’accès des femmes aux soins de santé dont elles ont besoin, notamment dans les communautés de couleur ou à faibles revenus et délègue, de façon scandaleuse, à des citoyens privés les poursuites contre ceux qui pourraient aider » ces femmes.

Il a également promis de « défendre » Roe v Wade mais ses marges de manoeuvres sont limitées compte-tenu de la minorité de blocage dont disposent les républicains au Sénat.

Près d’un demi siècle après cet arrêt, le droit à l’avortement divise toujours profondément les Etats-Unis. Selon un sondage de la chaîne NBC publié mercredi, 54% des Américains estiment que l’avortement devrait être légal dans la majorité des cas et 42% illégal.

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