Lafarge en Syrie: deux ONG accusent l'entreprise de «complicité de crimes contre l'humanité»

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Vue de la cimenterie LafargeHolcim de Jalabiya (Syrie) C.Employés de l'usine |

Deux ONG ont porté plainte contre le cimentier Lafarge, soupçonné de «financement d’une entreprise terroriste» et de «violation du règlement européen» concernant l’embargo sur le pétrole syrien.

Deux ONG ont demandé aux juges de mettre l’entreprise Lafarge en examen pour «complicité de crime contre l’humanité». La multinationale est notamment accusée d’avoir pris part entre novembre 2013 et septembre 2014 au financement de l’organisation État islamique (EI). Dans une note transmise récemment aux magistrats, les associations Sherpa et le Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits de l’Homme (ECCHR) expliquent que Lafarge se serait rendu coupable de «complicité de crimes contre l’humanité» en finançant l’EI pour pouvoir maintenir l’activité de son usine syrienne de Jalabiya (Nord).
«À ce stade de l’information judiciaire», la mise en examen du cimentier pour ce chef de poursuite est «inéluctable», estiment les associations dans un communiqué commun. «Les entreprises ont les moyens d’alimenter des conflits armés en collaborant avec des régimes ou des groupes armés qui se rendent coupables de crimes de guerre et contre l’humanité. La lutte contre l’impunité des multinationales devra passer par la mise en cause de leur responsabilité», a déclaré Sandra Cossart, directrice de Sherpa, dans le communiqué.
Paiement de «taxes»
Enlèvements de salariés, exactions contre les populations civiles, crimes ciblés sur les minorités yézidies ou chrétiennes… Pour les associations, le groupe et ses dirigeants ne pouvaient ignorer qu’ils «contribuaient» financièrement aux crimes contre l’humanité imputés à l’EI «dans la région de l’usine mais aussi dans le reste du monde», selon le communiqué. Ce financement, «à hauteur de plusieurs millions d’euros», facilité par des intermédiaires, a pris la forme, d’après les investigations, de paiements de «taxes» pour permettre la circulation des marchandises et des salariés et d’achats de matières premières dont du pétrole à des fournisseurs proches de l’EI.
À ces canaux de financement, s’ajoute selon les associations, une «nouvelle source cruciale»: la «vente directe de ciment» au groupe djihadiste. Les deux associations, avec onze anciens salariés, avaient été les premières à lancer une plainte pour «financement du terrorisme» contre Lafarge, qui a fusionné avec le Suisse Holcim en 2015, en visant aussi la «complicité de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre».
Huit anciens dirigeants mis en examen
Il y a un an, le géant des matériaux de construction reconnaissait que des pratiques «inacceptables» avaient été employées pour maintenir l’activité et la sécurité de son usine. Face aux enquêteurs, l’ancien directeur général adjoint opérationnel de Lafarge, Christian Herrault, avait notamment reconnu que le groupe s’était plié à une «économie de racket». Pour l’heure, huit anciens cadres ou dirigeants du groupe ont été mis en examen dans ce dossier, dont l’ex-PDG Bruno Lafont pour «financement d’une entreprise terroriste».
Les premières mises en examen ont été prononcées début décembre 2017. Trois cadres du groupe sont soupçonnés de «financement d’une entreprise terroriste», «violation du règlement européen» concernant l’embargo sur le pétrole syrien et «mise en danger de la vie d’autrui». Il s’agit de Frédéric Jolibois, directeur de l’usine de Jalabiya à partir de l’été 2014, de Bruno Pescheux, son prédécesseur, et Jean-Claude Veillard, directeur de la sûreté du groupe. Également mis en examen, Christian Herrault, ex-directeur général adjoint. Ce dernier est soupçonné – tout comme Bruno Lafont – de «financement d’une entreprise terroriste» et «mise en danger de la vie d’autrui». Ils ont été placés sous contrôle judiciaire. Éric Olsen, DRH à l’époque des faits puis directeur général, est lui aussi mis en examen pour les mêmes chefs d’inculpation.

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