La Suisse vote contre le port du voile intégral dans l’espace public

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Une affiche de campagne, en faveur de l'initiative «interdiction de la burqa» qui se lit en allemand: «Stop extrémisme!», à Biberen, près de Berne, le 7 mars 2021. (Photo par Fabrice COFFRINI / AFP)

Les Suisses ont voté dimanche à une courte majorité en faveur de l’interdiction de se dissimuler le visage, un signal contre l’islam radical selon ses partisans, une initiative xénophobe et sexiste pour les autres.

Le texte, initialement proposé par le parti populiste de droite UDC, a obtenu 51,21% des voix et une majorité de cantons, selon les résultats officiels publiés par le gouvernement fédéral.

Il a été soutenu par des féministes et une partie des électeurs de la gauche laïque.

« Nous nous réjouissons. Nous ne voulons pas qu’il y ait un islam radical dans notre pays », a lancé le président de l’UDC Suisse, Marco Chiesa sur la chaîne Blick.tv.

Le texte n’évoque ni la burqa – une large pièce de tissu qui couvre de la tête aux pieds et munie d’une fente grillagée à hauteur des yeux – ni le niqab, qui couvre entièrement le corps et le visage à l’exception des yeux, mais les affiches de campagne ne laissaient pas de doute sur l’objet du referendum.

En votant contre le port du voile intégral dans l’espace public, la Suisse rejoint la France, l’Autriche, la Bulgarie, la Belgique et le Danemark, après des années de débat.

Il sera donc désormais interdit de se couvrir complètement le visage en public -ce qui vaut aussi pour des manifestants cagoulés- mais des exceptions sont prévues pour les lieux de culte par exemple.

Les Suisses se sont par ailleurs prononcés en faveur d’un accord commercial avec l’Indonésie (51,65%) mais ont rejeté largement l’introduction d’une identité électronique fédérale gérée par le privé (64,36% pour le non).

 

– Touristes –

 

Le oui risque de « banaliser l’ambiance xénophobe et raciste » à l’encontre des musulmanes, a déclaré Myriam Mastour, membre du collectif Les Foulards Violets et de la grève féministe sur la chaîne publique RTS. En revanche elle se réjouit du faible écart entre le oui et le non, alors que les premiers sondages donnaient l’initiative de l’UDC largement favorite.

Selon les opposants, le port du voile intégral n’est pas un sujet en Suisse, où on estime à quelques dizaines les femmes ainsi vêtues, en général des converties. Ce sont surtout des riches touristes que l’on voit ainsi vêtues fréquenter les boutiques chics de Genève ou Zürich.

Ce résultat, « c’est un immense soulagement », a dit Mohamed Hamdaoui, député au Grand Conseil bernois et fondateur de la campagne « A visage découvert » à l’agence ATS. « Ce vote est révélateur d’une prise de conscience », selon ce membre du PS, qui se revendique musulman laïque. C’était « l’occasion de dire stop à l’islamisme » et pas « aux musulmans, qui ont évidemment toute leur place dans ce pays », a-t-il souligné.

« L’interdiction du voile intégral n’est pas une mesure visant la libération des femmes. Il s’agit au contraire d’une dangereuse politique symbolique qui viole la liberté d’expression et de religion », accuse Cyrielle Huguenot, responsable des droits des femmes à Amnesty International Suisse, citée dans un communiqué.

Selon les chiffres de l’Office des statistiques de 2019, environ 5,5% de la population suisse est musulmane, essentiellement avec des racines en ex-Yougoslavie, où cette tradition vestimentaire est absente.

Le gouvernement fédéral et le parlement s’opposaient à cette mesure.

En 2009, les Suisses avaient déjà voté l’interdiction de la construction de minarets sur les mosquées, provoquant la colère dans les pays musulmans et l’approbation des partis nationalistes européens.

Peu après le vote dimanche quelque 150 manifestants -essentiellement des jeunes- se sont rassemblés contre l’initiative à Berne, a constaté un journaliste de l’AFP. « Il faut décoloniser la femme musulmane », pouvait-on lire en allemand sur une pancarte ou encore « Ma tête m’appartient » sur une autre arborant une tete de mannequin voilée.

– Huile de palme –

 

La population a aussi donné dimanche un court avantage à un accord commercial avec l’Indonésie.

Le plus grand pays musulman du monde est un marché très prometteur, mais c’est l’huile de palme – à la réputation écologique sulfureuse – qui avait focalisé le débat.

Signé en 2018 et approuvé par le parlement suisse en 2019, cet accord prévoit l’abolition des droits de douane sur une grande partie des produits échangés avec l’Indonésie ainsi qu’un ensemble de règles régissant les échanges de services, la propriété intellectuelle et les investissements.

Les opposants estiment que leur score démontre que les préoccupations écologiques devront être au coeur  des futures négociations commerciales.

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