Les Kényans aux urnes pour des élections très serrées

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Uhuru Kenyatta et Raila Odinga. (c)DR

Les Kényans votaient mardi en nombre et dans le calme pour des élections générales âprement disputées et notamment une présidentielle serrée entre le sortant Uhuru Kenyatta et son rival de l’opposition Raila Odinga.

De Kisumu, la grande ville de l’ouest, à Nakuru dans la vallée du Rift en passant par Kibera, le plus grand bidonville de Nairobi, les bureaux de vote ont ouvert leurs portes peu après 06H00 (03H00 GMT).

Des files d’attentes de plusieurs centaines de mètres et les nombreux témoignages d’électeurs ayant passé la nuit devant les bureaux de vote attestaient d’une ferveur démocratique que les accusations de fraudes lors des précédentes élections n’ont pas entamée.

« J’ai patienté pendant de nombreuses heures, beaucoup de gens ont afflué ici bien avant le lever du soleil. Nous avons le droit de vote et nous espérons vraiment que nos voix feront une différence », résumait Rose Lida, 48 ans, emmitouflée dans une couverture masaï à carreaux rouge pour se protéger de la fraîcheur et de l’humidité ambiantes dans le bidonville de Kibera.

« La vie est de plus en plus chère, notamment la farine (de maïs) et le sucre. C’est difficile pour les gens pauvres comme nous et nous espérons qu’Odinga changera cela », a ajouté l’électrice, qui vit de « petits boulots ».

A Kilimani, un quartier mieux nanti de Nairobi, Evelyn Sum, fonctionnaire de 32 ans, souhaitait pour sa part la réélection du président Kenyatta: « Il a fait beaucoup pour le pays (…) Il a construit des infrastructures comme le train (Nairobi-Mombasa), il a créé des emplois ».

Spectre de 2007

Quelque 19,6 millions d’électeurs sont appelés jusqu’à 17H00 (14H00 GMT) à départager Uhuru Kenyatta, fils du premier président du Kenya indépendant, et Raila Odinga, vétéran de la politique kényane, candidat pour la quatrième et probablement dernière fois à la présidentielle.

Ce dernier a accusé le pouvoir de vouloir truquer l’élection tout au long d’une campagne acrimonieuse qui a fait ressurgir le spectre des violences électorales de 2007-2008, les pires enregistrées dans cette ex-colonie britannique depuis son accession à l’indépendance en 1963.

L’opposition, déjà emmenée par Raila Odinga, avait crié à la fraude à l’annonce de la réélection du président Mwai Kibaki. Le Kenya avait plongé dans deux mois de violences politico-ethniques et de répression policière, qui avaient fait au moins 1.100 morts et plus de 600.000 déplacés, et traumatisé un pays jusque-là réputé stable.

Lundi, le président, 55 ans, a demandé à ses concitoyens de voter en nombre et « en paix », tandis que son rival M. Odinga, 72 ans, l’a félicité pour sa campagne et a appelé à ce que « le candidat le plus fort l’emporte ». L’ex-président américain Barack Obama, dont le père est né au Kenya, a appelé les dirigeants kényans « à respecter la volonté du peuple ».

Outre la présidentielle, les électeurs, répartis dans quelque 41.000 bureaux de vote, doivent élire leurs députés, sénateurs, gouverneurs, élus locaux et représentantes des femmes à l’Assemblée, sous la surveillance de missions électorales de l’Union africaine et de l’Union européenne notamment.

Les autorités électorales auront une semaine pour publier des résultats officiels définitifs.

Une fois de plus, c’est la présidentielle, réédition de l’affiche de 2013, qui concentre le plus de passions. Les sondages, quelque peu discordants, augurent d’un duel serré.

Un second tour entre les deux hommes est techniquement possible mais jugé peu probable par les instituts de sondages, qui créditent les six autres petits candidats d’à peine 1% des voix au total.

Identification biométrique

Le vote au Kenya se joue plus sur des sentiments d’appartenance ethnique que sur des programmes, et Kenyatta (un Kikuyu) et Odinga (un Luo) ont mis sur pied deux puissantes alliances électorales. La capacité de chaque camp à mobiliser ses supporteurs sera une des clés du scrutin.

Candidats à un nouveau mandat de cinq ans, le président sortant et son vice-président William Ruto (un Kalenjin) ont mis en avant leur bilan économique.

Depuis 2013, le pays a aligné des taux de croissance à plus de 5% et développé ses infrastructures, dont la nouvelle ligne ferroviaire entre Nairobi et le port de Mombasa, sur l’océan Indien.

Raila Odinga a dénigré ce bilan et s’est de nouveau posé comme le garant d’une croissance économique mieux partagée.

Comme en 2013, le pays utilise un système biométrique d’identification des électeurs et de transmission électronique des résultats. Pour de nombreux observateurs, la crédibilité du scrutin repose sur la fiabilité du système.

En 2013, une partie du système électronique s’était effondrée, alimentant les soupçons de fraude à l’annonce de la victoire, dès le premier tour, de M. Kenyatta. La Cour suprême, saisie par l’opposition, avait validé le résultat.

Le scrutin va donner lieu au déploiement sans précédent de plus de 150.000 membres des forces de sécurité. A Nairobi, les bureaux de vote étaient solidement encadrés tandis que dans la ville, des petits groupes de policiers étaient visibles aux carrefours des grands axes.

 

Par Nicolas DELAUNAY (AFP)

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