Jagmeet Singh, symbole d’un Canada multiculturel, veut s’imposer sur la scène nationale

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LA PRESSE CANADIENNE / NATHAN DENETTE

« Bonjour, je suis Jagmeet »: avec une poignée de main chaleureuse ou un trait d’humour, le chef du Nouveau parti démocratique (NPD) Jagmeet Singh, l’une des révélations de la campagne électorale au Canada, reconnaissable à ses turbans aux couleurs éclatantes, entend bien consolider sa position de « faiseur de roi » potentiel à l’issue des législatives lundi.

Résolument à gauche, cet avocat de 40 ans, élu en 2017 à la tête de son parti, bouscule le Premier ministre libéral Justin Trudeau, à qui il risque de prendre un nombre conséquent de voix le 21 octobre.

Premier membre d’une minorité dite visible à présider un parti de stature fédérale, Jagmeet Singh, qui est Sikh, est né dans l’Ontario de parents venus du Pendjab, en Inde. Il parle l’anglais et le français mais aussi le pendjabi; et dans la rue comme à la télévision, ses turbans jaunes, mauves ou turquoise font sensation.

« I love you! » lui crie une jeune passante dans le quartier populaire de Hochelaga, à Montréal. « Je vais voter pour vous. J’ai engueulé ma mère quand elle a parlé de vote stratégique », à savoir de cocher le nom de Trudeau pour ne pas laisser la voie libre aux conservateurs d’Andrew Scheer, lui dit-elle.

Le NPD est crédité de près de 20% des voix selon les sondages, en troisième position derrière les deux grands partis du pays. La formation promet notamment une « couverture publique et universelle d’assurance-médicaments et de soins dentaires », qui serait financée « en imposant les multimillionnaires et les milliardaires ».

Ces dernières semaines, M. Singh a eu des mots durs pour le Premier ministre, l’accusant de mettre le clignotant « à gauche » lorsqu’il est en campagne « mais de tourner à droite » quand il s’agit de prendre des décisions. « Le vote progressiste, c’est nous », dit Jagmeet Singh à l’AFP entre deux saluts aux passants à Hochelaga.

Justin Trudeau « protège les profits des grandes compagnies au lieu d’aider les familles. Si on veut quelqu’un qui veut vraiment lutter contre la crise climatique, annuler les subventions pétrolières et faire face aux inégalités sociales », alors c’est le NPD qu’il faut élire, assure-t-il.

Son parti, plus à gauche que les Libéraux, pourrait se retrouver en position de force à la chambre des Communes en cas de gouvernement minoritaire dirigé par Justin Trudeau, M. Singh ayant exclu de soutenir les conservateurs.

Poutine pendjabi

Alexandra, une traductrice de 32 ans, a déjà voté pour le NPD par anticipation. Fan de M. Singh, elle a du mal à cacher son émotion après l’avoir rencontré. « Je sais que je suis Blanche, par contre je suis bisexuelle donc je sais ce que c’est d’être minorisée quand même. Alors pour moi, (de voir) quelqu’un qui vient d’un groupe minorisé accéder à un poste de pouvoir, c’est très important », explique-t-elle.

Mais tout le monde ne voit pas l’émergence de M. Singh sur la scène nationale d’un aussi bon oeil, et il a essuyé nombre de remarques désobligeantes, voire racistes. Récemment, à Montréal, un homme s’est penché vers lui pour lui dire à l’oreille, devant les caméras, qu’il devrait enlever son turban « pour avoir l’air Canadien ».

Et il y a deux ans, lors d’une réunion, il a été violemment pris à partie par une femme persuadée qu’il était « de mèche avec les Frères musulmans » et qu’il cherchait à appliquer la charia, bien qu’il ne soit pas musulman.

Pour rassurer, il répète régulièrement que même s’il « porte un turban », il partage « les mêmes valeurs » que la plupart des Canadiens. « Je suis pour l’avortement, pour les droits des femmes, pour le mariage » homosexuel, affirme-t-il.

Et pour tenter de séduire les précieux électeurs francophones du Québec, celui qui est marié à une créatrice de mode explique, en français, être « tombé en amour avec la langue française » quand il avait 11 ou 12 ans, alors qu’il vivait dans une ville anglophone.

Une question gêne toutefois certains de ses soutiens. Le Québec a adopté en juin une loi controversée sur la laïcité, interdisant les signes religieux à certains fonctionnaires. M. Singh, qui en porte un lui-même, a dit juger cette législation « blessante » mais a affirmé qu’il ne la contesterait pas s’il arrivait au pouvoir, suscitant l’incompréhension.

Mais signe de la « fusion » des identités qu’il veut promouvoir, M. Singh s’est mis en scène en cuisine afin de préparer « quelque chose de spécial » pour le Thanksgiving canadien lundi dernier. Il a donc « mélangé la culture » de sa famille « avec la culture québécoise » et a mitonné une poutine, plat typiquement québécois, « unique ». Une « poutine pendjabi ».

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