Iran: port du voile, le pouvoir minimise la protestation des femmes
Publié leDes Iraniennes continuent de dénoncer, via les réseaux sociaux, l’obligation de se couvrir dans l’espace public.
Tout débute mercredi 27 décembre 2017, rue Enghelab («Révolution» en persan), à Téhéran. Juchée sur sur une armoire électrique, immobile, avec son foulard blanc accroché au bout d’un bâton, Vida Movahedi, 31 ans, est photographiée bravant l’interdit. Après son arrestation, les Iraniennes ont pris d’assaut les réseaux sociaux via le hashtag #WhereIsShe («où est-elle?»).
Coordinating Committee for Women's Right in Iran calls on all women to collectively join the demonstrations everywhere without Hejab.
The end of the Rule of Hejab is here; unveil the protests.
We do not want this anti-women regime!
End compulsory veiling now! pic.twitter.com/f20yN61q7f
— fariborz pooya (@fariborzpooya) December 31, 2017
Cette photo est devenue un symbole des manifestations qui ont éclaté à travers le pays dès le lendemain dénonçant la situation socio-économique du pays. Vingt-cinq personnes ont été tuées lors de ces protestations, selon les autorités. Vida Movahedi, quant à elle, a finalement été libérée, lundi 29 janvier,après environ un mois de détention.
La loi en vigueur en Iran depuis la Révolution islamique de 1979 impose aux femmes, étrangère ou non, de sortir tête voilée et le corps couvert d’un vêtement ample plus ou moins long. «Le port du voile n’est pas une tradition iranienne, c’est quelque chose qui a été imposé aux femmes», précise au Figaro, Irène Anfri, coordinatrice de la Ligue des Femmes Iraniennes pour la Démocratie (LFID), association laïque et démocratique fondée à Paris. «Depuis la révolution islamique, les femmes n’ont cessé de défendre leurs droits mais elles finissent toujours en prison ou en exil», ajoute Irène Anfri.
Elle est belle, elle savoure sa liberté, elle savoure de ne plus porter ce voile obligatoire, elle savoure d'être une femme libre. Merci les guerrières, le combat continue et on va le gagner ensemble ? #FreeIran #IranProtests pic.twitter.com/H5iLALfCWI
— Kerima (@kkerima) December 30, 2017
Malgré les risques, de nombreuses Iraniennes ont suivi le mouvement initié par Vida Movahedi. C’est notamment le cas de Narges Hosseini, détenue à la prison de Gharchak, à une trentaine de kilomètres au sud de Téhéran pour le même motif. Sa caution a été fixée à 90.000 euros. Perchée en hauteur, l’Iranienne était apparue lundi dernier, posant quelques minutes avec son foulard pendu au bout d’une perche.
Les deux stratégies du gouvernement
Cette semaine, d’autres femmes ont mis en scène le même genre de protestation, comme en témoignent des photos diffusées sur Twitter. Ce mercredi, de nouvelles images sont apparues sur le réseau social montrant des femmes en tchador semblant apporter un soutien aux contestatrices. L’une tenait un panonceau disant: «J’aime le voile islamique, mais je suis contre le voile islamique obligatoire.»
There are many conservative women who willingly wear the chador supporting our movement. Like this chador-clad woman who went on an electricity plinth to oppose compulsory veil. She is showing her support for her unveiled sisters #WhiteWednesdays pic.twitter.com/D9mWU8MIk6
— masih alinejad (@AlinejadMasih) January 31, 2018
A growing number of women are removing their mandatory head scarves & waving them on the streets of Tehran: a courageous symbol of civil protest against the hijab; forced on women in Iran for decades. Six women so far and it seems they're just starting! #دختران_خیابان_انقلاب pic.twitter.com/B8BZqNwZDQ
— Omid Memarian (@Omid_M) January 29, 2018
Le 28 décembre dernier, le général Hossein Rahimi, chef de la police de la ville de Téhéran avait concédé: «Ceux qui ne respectent pas le code vestimentaire islamique ne seront plus conduits dans des centres de détention, et aucune procédure judiciaire ne sera intentée contre eux.» Des paroles prononcées dans le seul but d’apaiser les tensions selon Irène Anfri. La coordinatrice de LFID énumère deux stratégies d’action de la part du gouvernement iranien pour faire face à ces protestations grandissantes. «Leur première stratégie est la répression, les arrestations, l’intimidation et l’usage de caution élevée. La deuxième stratégie pour contrecarrer ce mouvement consiste à faire défiler des femmes voilées revendiquant le port du voile», décrypte Irène Anfari. Pour elle, les autorités ne laisseront pas impunément courir cette vague de protestations «mais les Iraniennes n’arrêteront pas non plus de se battre pour leur liberté et leurs droits».