Invasion de l’Ukraine: pourquoi la guerre n’épargne pas la science

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Denis Guthleben, attaché scientifique au Comité pour l'histoire du CNRS./Crédits : DR

Internationale par essence, la recherche ne peut qu’être touchée par un conflit mondial, comme le montre la mise au ban de la Russie par plusieurs organismes scientifiques occidentaux, en riposte à l’invasion de l’Ukraine.

Denis Guthleben, attaché scientifique au Comité pour l’histoire du CNRS, explique à l’AFP pourquoi et comment les guerres de l’époque contemporaine ont frappé la communauté des chercheurs.

Question: La guerre en Ukraine a entraîné la suspension de nombreuses collaborations scientifiques avec Moscou. Ne sont-elles pourtant pas censées transcender les conflits, au nom de la paix?

Réponse: « On a souvent tendance à faire des chercheurs des gens perchés dans leur tour d’ivoire: c’est parfaitement faux, la science est totalement imbriquée dans la société. La recherche contemporaine est par nature internationale: avant l’époque des Lumières on parlait déjà de +communauté des lettrés+, puis d’une +République des savants+ au-delà des frontières. Cette communauté a beaucoup grandi, et représente aujourd’hui des millions de personnes à l’échelle planétaire.

Donc dès lors que surgit un conflit international, la science est la première à être touchée. Cela la dessert forcément puisque les échanges sont son essence même ».

Q: Cette rupture n’est pas nouvelle ?

R: « Non, il y a eu des précédents pendant la guerre de 1870 et bien sûr les deux guerres mondiales du XXe siècle.

A la veille de la Guerre de 14-18, les liens étaient extrêmement proches avec la recherche allemande, qui était très avancée. Mais dès les premières semaines du conflit, 93 grands scientifiques allemands, dont le physicien Max Planck, se sont rangés sous la bannière de leur nation. On assiste alors à un vrai repli national: la rupture est brutale, les échanges d’informations cessent, d’autant plus qu’émergent des recherches sur des sujets sensibles comme les gaz de combat.

Lire aussi: Guerre en Ukraine: Biden promet une «réponse» de l’Otan si la Russie utilise l’arme chimique

Après la Grande Guerre, l’Allemagne reste maintenue à l’écart. Dès les années 1930, la recherche s’était coupée du monde, se concentrant sur le militaire. De nombreux scientifiques juifs (comme Albert Einstein, NDLR) avaient par ailleurs fui.

En revanche, après la Seconde guerre mondiale, les liens se sont assez rapidement remis en place ».

Q: Quels sont les précédents avec la Russie ?

R: « Il y a eu des interruptions des relations scientifiques avec l’URSS lors du Printemps de Prague en 1968, au début des années 1980 avec l’invasion de l’Afghanistan…

Depuis 1945, la Russie est considérée comme une grande nation scientifique, avec de grandes pointures notamment en physique, en chimie et en mathématiques.

En 1958, le CNRS signait une convention sur des échanges. On était au lendemain de Spoutnik (premier satellite envoyé dans l’espace, NDLR), qui fut un coup de tonnerre: les nations occidentales se sont rendues compte que la Russie était à la pointe, poussant De Gaulle à se démarquer des Etats-Unis.

La France a depuis tissé des liens forts avec Moscou, même s’ils ne sont pas aussi intenses qu’avec les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou l’Allemagne. A titre d’exemple, il y a environ 2.000 co-publications par an (dans des revues à comité de lecture entre équipes du CNRS et équipes russes, NDLR), sur environ 50.000.

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