France: un accord avec le Maroc facilite l’expulsion des mineurs isolés

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En visite au Maroc le 7 décembre dernier, le ministre de la Justice français, Eric Dupond-Moretti a signé avec son homologue marocain, Mohamed Ben Abdelkader, un accord qui permet de renvoyer plus facilement les mineurs isolés au Maroc. Tenus secrets jusqu’ici, les termes de cet accord auraient été révélés dans un document partagé par le GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés).

Presque trois mois après la visite du ministre de la Justice français au Maroc, le GISTI partage sur son site internet un document intitulé « Schéma de procédure pour la prise en charge de mineurs non accompagnés (MNA) marocains  » et qui relaterait les fondements de cet engagement mutuel, rapporte le journal français L’Humanité dans un article publié en ligne le 1er mars.

Juriste au sein de l’association, Jean-François Martini a qualifié la teneur de ce document de « montage juridique, sous couvert d’assistance éducative, qui instaure la possibilité de faire des renvois forcés de mineurs marocains ». L’accord signé entre les deux pays avait d’ailleurs alerté les associations de défense des intérêts des Droits de l’Homme, alors même qu’aucune information n’avait été communiquée de la part des chancelleries.

Long de cinq pages, le document en question révélerait ainsi plusieurs modalité prévues pour faciliter le retour des mineurs isolés marocains dans leur pays d’origine, selon les cas, en particulier lors de « graves situations ».

 

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En effet, le document explique qu’un mineur marocain peut être renvoyé dans son pays sans son consentement ni celui de sa famille. « Lorsqu’un juge des enfants français est saisi de la situation d’un mineur non accompagné marocain et que celui-ci ne souhaite pas retourner au Maroc, il peut néanmoins considérer qu’au regard de la situation, il pourrait être de l’intérêt du mineur de retourner dans sa famille au Maroc ou d’être placé au Maroc », lit-on dans ce document.

Dans ce cas, « il est juridiquement possible pour le procureur de la République de requérir le concours de la force publique (art. 375-3 du code de procédure civile) ».

« En tout état de cause, ce recours devra être limité aux situations les plus graves et lorsqu’il n’existe pas de perspective de convaincre le mineur, ni de possibilité pour le service auquel l’enfant est confié de procéder autrement. Ces situations, par nature exceptionnelles, nécessiteront une coordination fine entre la personne à laquelle l’enfant est confié et les forces de l’ordre requises, afin de garantir une mise en œuvre la moins traumatisante pour le mineur », poursuit le document.

« Risque de prison au Maroc »

En cas de procédure pénale, le mineur marocain isolé sera jugé en France où il purgera, « de préférence », sa peine avant d’être expulsé et placé au Maroc. « Une fois le mineur pris en charge par le juge des enfants français et l’éventuelle procédure pénale à son encontre terminée, la question de son retour au Maroc peut se poser, afin de déterminer les modalités de prise en charge les plus appropriées à sa situation », abonde le texte.

Toutefois, « les procédures en cours au parquet pourront soit être classées sans suite soit faire l’objet de dénonciations aux fins de poursuite aux autorités marocaines (…) », c’est-à-dire que les enfants « risqueraient la prison », alerte Saïd Tbel, un responsable au sein de l’Association marocaine des Droits de l’Homme (AMDH). « Et il n’y a pas dans ce pays de système carcéral spécifiquement aménagé pour les mineurs. Ils sont enfermés sans distinction parmi d’autres détenus adultes », ajoute le militant.

 

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Par ailleurs, le document rappelle que « la France et le Maroc sont liés par la convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants, applicable dans les relations entre les deux États depuis le 1er février 2011 ».

En juin 2018, le Maroc avait initié une première tentative de venir en aide à la France, déboussolée par la hausse de la délinquance chez les MNA marocains la même année. Les deux pays avaient signé une convention d’assistance de la police marocaine à la police française, intitulée «arrangement administratif relatif au renforcement de la coopération policière opérationnelle et à l’accueil de la police marocaine en mission en France» .

Quatre policiers marocains avaient alors été dépêchés pour une durée d’un mois et demi afin «d’auditionner les mineurs isolés marocains et de recueillir les informations permettant de lancer les investigations en vue de leur identification et de leur retour au Maroc». Cette mesure collaborative avait permis l’expulsion de certains « faux mineurs » du territoire français.

Selon les estimations des pouvoirs publics et des ONG, l’Hexagone enregistre entre 16.000 et 40.000 mineurs clandestins.

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