France: «l’obsession» syrienne d’une ex-jihadiste marocaine en quête de «liberté»

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AP - Michel Euler

« Il n’y avait rien d’autre qui comptait pour moi ». Jugée à Paris pour avoir rejoint les rangs du groupe Etat islamique (Daech), une « revenante » est longuement revenue mardi sur son « obsession » de partir vivre en Syrie, mue par une envie de « liberté ». 

Silhouette longiligne, les bras appuyés sur le box vitré, Douha Mounib « dit les choses +cash+ », s’engluant parfois dans les détails, et cette certaine franchise contraste avec beaucoup d’autres affaires de terrorisme.

L’accusée de 32 ans comparaît depuis lundi devant la cour d’assises spéciale pour association de malfaiteurs terroriste (AMT) criminelle, pour deux séjours en zone irako-syrienne entre 2013 et 2017, entrecoupés de tentatives répétées de rallier de nouveau ce théâtre de guerre.

Douha Mounib change radicalement fin 2012. Après une soirée avec des amis à parler de religion, elle s’abreuve de vidéos sur l’islam, commence à porter le voile, et arrête assez rapidement ses études de sage-femme.

Pour l’ex-étudiante brillante, c’est la fin de la « soumission » à sa famille « déstructurée » et à « l’emprise » de sa belle-mère « toxique », et le début de « l’émancipation », d’une « liberté ».

Radicalisée, ou selon ses propres mots « auto-embrigadée », Douha Mounib s’installe en 2013 au Maroc, avec un « seul objectif: partir en Syrie ».

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Sans l’amie qu’elle n’a pas réussi à retrouver en Espagne, elle poursuit son périple jusqu’en Turquie. On lui propose un passeur en mariage, elle accepte, mais à une « condition: aller en Syrie », martèle Douha Mounib.

Celle qui rêvait d' »intégrer un camp d’entraînement pour femmes » se contentera d’un rôle moins « actif », rester « à la maison », alors située à Atma, ville proche de la frontière turque, gagnée par des conflits entre deux groupes jihadistes devenus rivaux, le Front al-Nosra et l’EIIL, devenu Etat islamique.

Après deux mois, Douha Mounib quitte, « déçue » et enceinte la Syrie, et rentre en Turquie avec son mari. Elle accouche en mai 2014 en France de son premier enfant, qui meurt à la naissance.

« Objectif »

Séjournant tour à tour en Mauritanie, au Maroc et en Macédoine, et toujours déterminée à regagner la Syrie, elle sera refoulée à plusieurs reprises par les autorités turques.

« Je me sentais enfermée du fait de ne pas arriver à cet objectif », relate l’accusée, son haut de survêtement bariolé zippé jusqu’au cou.

Elle divorce de son premier mari turc, épouse un second, tunisien, dont elle est tombée « follement amoureuse » sur Internet. Elle partira à l’été 2015 en Syrie avec ce compagnon et le fils de ce dernier âgé de moins de 2 ans, pour qui elle sera jusqu’à leur retour en France fin 2017 sa « maman ».

Là encore, Douha Mounib affirme avoir été le « moteur » de ce nouveau départ, qui était son « projet personnel ».

« Je voulais rejoindre l’Etat islamique, (…) il n’y avait rien d’autre qui comptait pour moi », assène l’accusée.

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Le récit qu’elle livre ensuite de ce second séjour syro-irakien d’une quinzaine de mois, le plus incriminant, laisse au mieux « sur sa faim » le président de la cour Laurent Raviot et pleine d' »interrogations » circonspectes l’avocate générale Alexa Dubourg.

Premier étonnement: à Mossoul, puis Raqqa, où l’EI mettait particulièrement « en scène la terreur », Douha Mounib n’a-t-elle vraiment vu ni « exécution publique » ni « cadavre » ? Droite dans le box, l’accusée maintient que non.

« Vous devez comprendre que, pour nous, c’est difficilement audible », la tance l’avocate générale.

De même, pour la magistrate, il paraît incongru que le mari de Douha Mounib, dont elle continue d’affirmer qu’il n’a jamais combattu pour l’EI, ait pu « se maintenir sur zone » si longtemps « sans être inquiété ».

L’accusée elle-même avait pratiqué plusieurs accouchements pendant son séjour – « six, sept » tout au plus – mais, assure-t-elle, « pas pour servir les desseins » natalistes de l’EI, « juste exercer (son) métier » de sage-femme.

Douha Mounib avait finalement quitté fin 2016 les territoires contrôlés par l’organisation Etat islamique, « en colère contre les injustices sur place », soutient-elle après près de cinq heures d’interrogatoire.

Elle avait été arrêtée par les Turcs en mars 2017 alors qu’elle passait la frontière avec sa fille âgée de quelques mois et son beau-fils.

Verdict attendu mercredi soir.

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