France: les syndicats jouent leurs dernières cartes face à la réforme des retraites

Publié le
syndicats
Photo: Thomas Samson / AFP.

Manifestations « historiques », grèves reconductibles, mais aussi ronds-points occupés ou spectacles annulés: les syndicats veulent mettre la France « à l’arrêt » ce mardi, jouant leur va-tout face au gouvernement à quelques jours d’une probable adoption de la réforme au Sénat.

Une France à l’arrêt, « c’est évidemment mauvais pour nos concitoyens », et « les premiers pénalisés, quand on a des grèves, ce sont les Français les plus modestes », a critiqué lundi soir la Première ministre Elisabeth Borne, défendant sur France 5 une réforme qui assurera la pérennité d' »un des piliers de notre modèle social ».

Dans les transports mardi matin, les usagers rencontrés par l’AFP s’armaient de patience avec plus ou moins bonne grâce.

Sur le quai du RER B, à la gare La Plaine Stade de France, le tableau d’affichage annonçait un train sur trois. Jean Dédieu, 40 ans, a anticipé en prenant « deux heures d’avance » pour un trajet de 15 minutes.

« Je soutiens le mouvement, c’est très important pour nous, je travaille dans le bâtiment », confie le quadragénaire. « Ils ont bien raison de faire grève », abonde Ali Touré, 28 ans, qui travaille lui aussi dans le bâtiment depuis ses 20 ans.

A la gare Lille-Flandres, très calme, plusieurs dizaines de voyageurs attendaient leur TGV pour Paris, annoncé avec 20 minutes de retard. Myriam Despras, commerciale de 46 ans, est « coincée ici depuis hier ». « C’est agaçant, ils annonçaient un démarrage de la grève hier soir à 19H et notre train de 18H40 a quand même été annulé, ils n’ont même pas respecté leurs annonces. Ça veut dire une chambre à trouver en dernière minute, ne pas pouvoir travailler ce matin… Je comprends la grève mais c’est énervant ».

Fabien Guillemain, 40 ans, chef de projet dans l’informatique, est lui en colère. « On parle de cheminots qui partent à la retraite à 55 ans, une minorité qui va travailler moins que les autres, et qui bloque le pays. Ils n’ont qu’à faire ch… le gouvernement, pas nous ! », s’indigne-t-il.

Le trafic perturbé

A Marseille, les habitants ont trouvé un service de transports en commun largement dégradé mardi matin, avec notamment une des deux lignes de métro et une des trois lignes de tramways totalement à l’arrêt.

Des manifestants ont commencé à bloquer dans la nuit de lundi à mardi un important axe routier de Rennes (Ille-et-Vilaine), la nationale 24, à grand renfort de poubelles et de feux de palettes, a constaté un vidéaste de l’AFP. Un barrage filtrant de routiers perturbait dès 5H00 un accès routier à Miramas (Bouches-du-Rhône).

Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a prédit lundi une « journée de mobilisation extrêmement puissante » et appelé le président de la République à ne pas « rester sourd ». « On peut faire plus fort que le 31 janvier qui était déjà la plus grosse journée de mobilisation depuis le début des années 1990 », a-t-il affirmé.

Les syndicats avaient alors rassemblé 1,27 million de manifestants, selon les autorités, plus de 2,5 millions selon les syndicats. Les renseignements prévoient selon une source policière entre 1,1 et 1,4 million de participants mardi, dont 60 à 90.000 à Paris. La CGT prévoit au total 265 rassemblements.

La manifestation parisienne s’ébranlera à 14H00 de Sèvres-Babylone, en direction de la place d’Italie.

Solidaires espère un « tsunami social » qui amène le gouvernement à reculer sur la mesure emblématique de la réforme, le report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans.

Lire aussi: Grève du 7 mars en France: la RAM annule plusieurs vols

Sondage après sondage, les Français restent très majoritairement opposés à cette mesure, même s’ils pensent qu’elle sera mise en œuvre in fine.

Cette sixième journée depuis le lancement de la contestation marquera le lancement ou la poursuite de grèves reconductibles dans plusieurs secteurs, des transports aux raffineries en passant par l’énergie, le commerce ou les déchets.

« Semaine noire »

Outre la SNCF et la RATP, qui prévoient un trafic très perturbé mardi mais aussi mercredi, et des actions de routiers, la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) a demandé aux compagnies de réduire de 20 à 30% leurs programmes de vols pour ces deux journées.

Dans l’éducation, le Snuipp-FSU, premier syndicat du primaire, prévoit « plus de 60% » d’enseignants grévistes dans le premier degré et « plusieurs milliers d’écoles » fermées mardi. Des blocages sont prévus dans les universités.

Le secrétaire général de la CGT Energie, Sébastien Ménesplier, a prévu une « semaine noire » dans le secteur, avec des baisses de production principalement dans le nucléaire.

Pour les carburants, son homologue de la CGT-Chimie, a pour sa part annoncé « des expéditions bloquées en sortie de toutes les raffineries » mardi matin.

Trois des quatre terminaux méthaniers qui permettent d’importer du gaz naturel liquéfié (GNL) en France, ont été mis à l’arrêt pour « sept jours », a indiqué lundi soir la CGT Elengy.

Lire aussi: France: 20% à 30% des vols annulés mardi et mercredi en raison d’une grève

Les accès à la zone industrielle du Havre, sur laquelle est implantée la raffinerie TotalEnergies de Normandie, la plus grande de France qui comptait 75% de grévistes sur le premier quart selon la CGT, sont bloqués depuis 5h45, a constaté un journaliste de l’AFP. Sur le site ExxonMobil de Port Jérôme (raffinerie et pétrochimie), le piquet de grève a provoqué l’arrêt total des expéditions.

Les syndicats s’attendent en outre à des initiatives plus inhabituelles: rideaux de magasins fermés, péages ouverts, ronds-points occupés ou spectacles annulés, comme à Lille au Théâtre du Nord.

Désengagement ?

La semaine sera émaillée d’autres mobilisations, en parallèle des débats au Sénat, qui s’achèveront quoi qu’il arrive vendredi.

Le gouvernement compte sur l’adoption au Sénat de la réforme d’ici dimanche et envisage un vote le 16 mars dans les deux chambres. « Si la réforme est adoptée, il est peu probable que la mobilisation se maintienne à ce niveau », anticipe une source gouvernementale, qui escompte un désengagement des syndicats réformistes.

Interrogé lundi soir sur RTL, Laurent Escure (Unsa) a toutefois prévenu que la mobilisation ne s’achèverait pas nécessairement avec le vote du projet de loi. « Une loi adoptée, elle peut être abrogée », a-t-il pointé.

La rédaction vous conseille

Les titres du matinNewsletter

Tous les jours

Recevez chaque matin, l'actualité du jour : politique, international, société...

France: les syndicats jouent leurs dernières cartes face à la réforme des retraites

S'ABONNER
Partager
S'abonner