France: la mémoire pieds-noirs ressurgit dans la campagne à la présidentielle

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Marine Le Pen, présidente du parti politique français "Rassemblement national". Crédits : DR

Le 60e anniversaire des accords d’Evian fait ressurgir dans la campagne présidentielle la mémoire pieds-noirs toujours cultivée chez les rapatriés. Mais même à l’extrême-droite, où elle trouve encore refuge, celle-ci s’étiole.

En refusant de se « flageller devant l’Algérie » et en dénonçant le choix du 19 mars pour commémorer la fin de la guerre, la candidate RN Marine Le Pen choisit sans surprise de faire un clin d’oeil aux Français rapatriés d’Algérie, intimement liés à l’histoire de son parti co-fondé par des partisans de l’OAS, organisation clandestine opposée à l’indépendance algérienne.

« Cette date (…) n’a pas été la fin de la guerre d’Algérie, car il y a eu des dizaines de milliers de harkis qui ont été sauvagement assassinés » par la suite, fustige Mme Le Pen.

Des maires de communes RN ou proches du RN ont déjà choisi de débaptiser leurs rues « 19 mars 1962 ».

Ce discours contre « la repentance » est également régulièrement déclamé par Eric Zemmour, issu d’une famille de Français juifs d’Algérie.

Lire aussi: Guerre d’Algérie: Macron va faire un geste mémoriel envers les pieds-noirs

Pour la chercheure Emmanuelle Comtat, auteure d’une thèse sur les pieds-noirs et la politique, « Marine Le Pen s’intéresse aujourd’hui moins à ceux qui ont été marqués par la fin de l’empire qu’aux perdants de la mondialisation. Quant à Eric Zemmour, il instrumentalise ce passé pour montrer que la cohabitation entre différents groupes n’est pas possible ».

A Perpignan, où réside comme partout dans le Midi une importante communauté pieds-noirs et leurs descendants, le maire RN Louis Aliot inaugurera samedi une exposition rendant hommage aux victimes pieds-noirs et harkis.

Une histoire qui s’éteint

800.000 Européens ont quitté l’Algérie après les accords d’Evian. Certains avancent qu’eux et leurs descendants représenteraient aujourd’hui entre deux et trois millions de Français. Un chiffre impossible à vérifier.

« Dans une ville comme la mienne, ça compte », affirme M. Aliot dont la mère a été rapatriée. Plusieurs monuments controversés ont été édifiés sous les mandats de ses prédécesseurs de droite.

Pourtant l’élu en convient: le vote pieds-noirs « compte moins que ça n’a compté ».

« Les générations qui ont vécu ce drame sont de moins en moins nombreuses. C’est une histoire qui va s’éteindre », déplore M. Aliot.

Présidente du cercle algérianiste, association qui entend « sauvegarder et défendre la culture et la mémoire des Français d’Algérie », Suzy Simon-Nicaise juge que « les élus à droite et au centre sont quand même attentifs à la mémoire des Français d’Algérie ».

Via son association, celle qui fut adjointe de l’ancien maire LR de Perpignan, Jean-Marc Pujol, a envoyé un questionnaire aux candidats à la présidentielle. Quatre lui ont répondu. Tous de droite ou d’extrême droite: Valérie Pécresse, Marine Le Pen, Eric Zemmour et Nicolas Dupont-Aignan.

Elle fustige en revanche Emmanuel Macron dont elle n’a toujours pas dirigé les propos sur la colonisation « crime contre l’humanité » lors de la campagne de 2017.

Lire aussi: Colonisation: l’Algérie réclame à la France « la totalité de ses archives »

Le 26 janvier, elle avait choisi de ne pas venir à l’Elysée où le chef de l’Etat, poursuivant son projet de réconciliation mémorielle, avait reconnu le « massacre » de la fusillade de la rue d’Isly à Alger, dans laquelle des dizaines de partisans de l’Algérie française furent tués par l’armée le 26 mars 1962, sept jours après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu.

Elle dénonce le « en même temps » d’Emmanuel Macron qui présidera une cérémonie samedi à l’Elysée pour le 60e anniversaire des Accords d’Evian.

« Mes parents ont arrêté de voter en 1962, ils ne se sont jamais inscrits sur les listes électorales », se rappelle le député (UDI) de Nouvelle-Calédonie Philippe Gomès, dont la famille a fui l’Algérie. Mais celui-ci est gré à M. Macron d’avoir mis des « mots sur des choses sur lesquelles des mots n’ont jamais été mis » et poussé un texte pour la reconnaissance et la réparation des harkis.

« La génération qui est aujourd’hui en train de disparaître a été extrêmement marquée par la décolonisation. Certains qui avaient vécu le choc du rapatriement étaient aussi plus intolérants à l’égard de l’immigration », observe Emmanuelle Comtat.

Mais le vote pieds-noirs « n’a jamais existé », « il a été très divers comme celui de leurs enfants », ajoute la chercheuse. Selon elle, c’est « une mémoire de la perte qui a été transmise ». Pas un legs politique.

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