Un ex-directeur du FBI va enquêter sur les liens entre la Russie et les équipes Trump

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Robert Mueller, très respecté patron du FBI de 2001 à 2013, a été nommé mercredi procureur spécial pour garantir l’indépendance de l’enquête sur une éventuelle collusion entre les proches de Donald Trump et la Russie.

Un revers pour la Maison-Blanche. Le ministère de la Justice américain a nommé mercredi un procureur spécial pour enquêter sur une éventuelle collusion entre les équipes de campagne de Donald Trump et la Russie. Le numéro deux de la Justice, Rod Rosenstein, a annoncé la nomination de Robert Mueller, très respecté directeur du FBI de 2001 à 2013, sous George W. Bush puis Barack Obama. Le ministre de la Justice, Jeff Sessions, proche du président, s’était récusé en mars dans l’enquête sur les ingérences russes dans la campagne présidentielle de 2016.

Les soupçons, qui ont plané pendant toute la campagne présidentielle, ont été corroborés trois semaines à peine après l’investiture de Donald Trump. Le Washington Post et le New York Times ont révélé le 10 février que Michael Flynn, conseiller à la sécurité nationale du président, avait évoqué fin décembre la question des sanctions imposées à la Russie par l’Administration sortante avec l’ambassadeur russe aux États-Unis. Fin décembre, Barack Obama annonçait une série de mesures contre les services de renseignement russes, destinées à sanctionner Moscou accusé d’ingérence dans l’élection présidentielle américaine. Michael Flynn aurait alors fait valoir à son interlocuteur que le futur gouvernement ne ferait pas preuve d’autant de sévérité. Après avoir reconnu qu’il a menti au vice-président Mike Pence à qui il avait juré ne pas avoir eu de lien avec la Russie, Michael Flynn est contraint à la démission.

Eviter les pression du pouvoir politique

La crise ouverte a éclaté le 9 mai, lorsque Donald Trump a annoncé le limogeage brutal du directeur du FBI James Comey. Depuis cette éviction, la presse a rapporté que Donald Trump aurait fait pression sur Comey pour qu’il classe le volet de l’enquête concernant Michael Flynn. Le policier aurait refusé, mais consigné cette conversation dans des notes qui ont commencé à fuiter dans les médias. James Comey a été invité à s’expliquer lors d’auditions publiques au Congrès mais n’avait pas encore accepté mercredi soir. Le milliardaire a aussi admis dans une interview que le limogeage était lié à son exaspération vis-à-vis de l’enquête sur les ingérences russes.

La nomination du procureur spécial vise à isoler les investigations du pouvoir politique en réduisant au minimum la supervision du ministère de la Justice, qui exerce la tutelle du FBI et donc sur les agents qui enquêtent depuis l’été dernier dans cette affaire mêlant politique et espionnage. Le milliardaire républicain, qui se plaignait encore le mercredi matin d’être maltraité par les médias, a réagi sèchement par voie de communiqué, sans mentionner Robert Mueller. «Comme je l’ai dit à de nombreuses reprises, une enquête complète confirmera ce que nous savons déjà: il n’y a eu aucune collusion entre mon équipe de campagne et une entité étrangère», a-t-il déclaré, ajoutant: «Je suis impatient que cette affaire se conclue rapidement».

Les élus démocrates crient victoire

La nomination représente un revers et une surprise pour la Maison-Blanche, pour qui l’enquête actuelle se suffisait à elle-même. Dans un consensus rare, à l’inverse, élus républicains et démocrates ont applaudi la nomination de Robert Mueller. «Bob était un bon procureur fédéral, un grand directeur du FBI et on ne pourrait pas trouver de meilleure personne pour assumer cette fonction», a déclaré la sénatrice démocrate Dianne Feinstein. «Mueller est un superbe choix. Un CV impeccable. Il sera largement accepté», a tweeté l’élu républicain Jason Chaffetz. «Un choix excellent», a abondé la sénatrice républicaine Susan Collins.

Concrètement, Robert Mueller devient le chef de l’enquête et sera beaucoup plus indépendant qu’un procureur normal ou que le patron du FBI. Il ne peut être démis que pour faute. Son périmètre d’investigations inclut «tout lien et/ou coordination entre le gouvernement russe et des individus associés à la campagne du président Donald Trump», mais aussi «tout sujet» découlant de ces investigations, ce qui lui donne de facto les coudées franches. C’est un magistrat équipé de pouvoirs similaires, Kenneth Starr, qui avait failli faire tomber le président Bill Clinton dans l’affaire Whitewater, devenue affaire Monica Lewinsky, dans les années 1990.

Les républicains mal à l’aise

Les élus démocrates du Congrès ont crié victoire, bien que certains estiment qu’il ne s’agisse que d’une première étape et réclament la création d’une commission spéciale sur la Russie, au mandat plus large que la stricte enquête policière. Au Congrès, la majorité républicaine avait rejeté les appels à un procureur spécial mais exprimait depuis des jours son malaise face aux interventions du président dans l’enquête. L’inquiétude a atteint les milieux d’affaires et Wall Street a terminé la journée de mercredi sur sa plus forte baisse depuis l’élection de novembre. Jeudi matin, les Bourses de Tokyo, Shanghai et Hong Kong ont ouvert en nette baisse, plombées par la chute du dollar découlant des déconvenues politiques du président Trump.

À ces événements s’ajoutait une affaire distincte, reflétant selon les détracteurs de l’homme d’affaires son incapacité à exercer la fonction suprême. Donald Trump aurait donné au chef de la diplomatie russe et à l’ambassadeur de Moscou, dans le Bureau ovale le 10 mai, des informations secrètes sur un projet d’opération du groupe État islamique, déclenchant la consternation parmi les élus et dans les milieux du renseignement. Pour le chef d’État, le calendrier est particulièrement inopportun, car il doit s’envoler vendredi pour une tournée internationale de huit jours.

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