En Turquie, les élections de tous les dangers pour Erdogan

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Le président turc affronte le scrutin le plus incertain de ses quinze années de pouvoir. Quatre scénarios sont envisageables.
La tenue le même jour, pour la première fois en Turquie, d’une double élection présidentielle et parlementaire multiplie les possibles pour Recep Tayyip Erdogan, qui remet en jeu son pouvoir plus de seize mois avant le terme de son mandat.
L’affaire est d’autant plus risquée que ces scrutins parfaitement simultanés – les électeurs mettront leurs deux bulletins dans la même enveloppe – n’ont pas les mêmes modalités. Les élections législatives (proportionnelles de liste) seront limitées à un tour, tandis que la présidentielle pourra donner lieu à un second tour si aucun des six candidats ne dépasse 50 % des voix dimanche. Pour l’actuel président, quatre issues sont possibles, de la plus favorable à la plus redoutée.
Scénario idéal pour Tayyip Erdogan: il est réélu au premier tour et son Parti de la justice et du développement (AKP), allié au Parti d’action nationaliste (MHP), remporte la majorité absolue des sièges au nouveau Parlement. L’institut de sondage Konda, de bonne réputation, prédisait un tel résultat dans une enquête publiée jeudi. S’il est évidemment possible, ce scénario gagnant-gagnant pour le chef de l’État surprendrait la plupart des observateurs. L’état de santé chancelant de l’économie et l’union de l’opposition – deux facteurs inédits pour Recep Tayyip Erdogan – jouent en sa défaveur.
Le deuxième scénario ferait dire au chef de l’État – si l’expression existait en turc – qu’il a au moins «sauvé les meubles». Dimanche, l’alliance AKP-MHP pourrait conquérir la majorité absolue aux législatives, sans que Recep Tayyip Erdogan s’impose dès le premier tour à la présidentielle. Un second tour serait organisé le 8 juillet, avec le titulaire du poste en position de favori. Le président turc pousserait un demi-soupir de soulagement, mais cette issue aurait tout de même un goût d’humiliation. «S’il y a un second tour, cela voudra dire qu’Erdogan a été tenu en échec, ce qui serait une première, observe le politologue Samim Akgönül, enseignant à l’université de Strasbourg. Il n’a jamais connu de remise en doute de son pouvoir, à part en juin 2015, où l’AKP avait perdu sa majorité absolue, mais pas lui-même.»

Cohabitation à la turque

Les législatives de juin 2015: tel est le scénario que le chef de l’État redoute de voir se répéter. À l’époque, sa formation n’avait remporté que 40 % des suffrages. En plus de ce score décevant, le parti prokurde HDP avait fait son entrée au Parlement en dépassant le seuil électoral de 10 %, arrachant à l’AKP la plupart des sièges dans les provinces du Sud-Est. Dimanche, si le HDP parvient à se maintenir dans l’hémicycle et si l’alliance formée par les autres partis d’opposition convainc suffisamment d’électeurs, Recep Tayyip Erdogan pourrait voir se former une législature hostile.
Le troisième scénario possible serait donc celui où l’actuel président, minoritaire au Parlement, serait néanmoins reconduit dans ses fonctions présidentielles, sans qu’il soit besoin d’un second tour. La Turquie se réveillerait lundi en pleine cohabitation, «ce qui serait du jamais-vu», souligne Samim Akgönül.
Quatrième scénario – une variante du précédent encore moins favorable à Recep Tayyip Erdogan: celui où non seulement l’AKP perdrait sa majorité absolue, mais où le chef d’État sortant devrait affronter un second tour à la présidentielle. Commenceraient alors deux semaines haletantes jusqu’au scrutin du 8 juillet, où l’opposition entreverrait pour la première fois la fin de l’hégémonie de Recep Tayyip Erdogan et de sa formation. Difficile à imaginer après plus de quinze ans de règne sans partage, mais beaucoup d’opposants y croient plus que jamais. Une telle issue paraît en tout cas plus probable qu’un dernier scénario que personne n’ose envisager: celui où l’opposition triompherait dimanche à la présidentielle.
 

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