Crise en Italie: on vous explique ce qui se passe et ce qui pourrait arriver

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FOCUS – Le ministre italien de l’Intérieur Matteo Salvini a réclamé, dans la soirée du 8 août, des élections législatives anticipées, actant la fin de la majorité de son gouvernement. Et maintenant, que va-t-il se passer? Nous faisons le point sur les scénarios possibles.

La crise a débuté quelques minutes avant 20h jeudi 8 août, soit quelques heures avant que beaucoup d’Italiens encore au travail puissent prendre la fameuse semaine de vacance de «Ferragosto», le sacro-saint week-end du 15 août. À cet instant précis, le communiqué de cinq lignes de Matteo Salvini est tombé, comme un couperet: le ministre de l’Intérieur réclame des élections législatives anticipées au plus vite. Son parti, la Ligue (extrême droite), est prêt à faire tomber le gouvernement né il y a tout juste 14 mois, et à rompre l’alliance avec le Mouvement 5 étoiles (M5S). Le président du Conseil Giuseppe Conte se souviendra longtemps du jour de ses 55 ans, ironisait vendredi Il Fatto Quotidiano .

Les désaccords entre la Ligue et son allié populiste du M5S sur des sujets cruciaux auront donc eu raison du fragile gouvernement «jaune-vert» né d’une autre crise politique, en juin 2018. Le vote du M5S, mercredi, contre le projet de train à grande vitesse entre Lyon et Turin défendu par la Ligue, a été le déclencheur. Giuseppe Conte a eu beau rappeler à Matteo Salvini que ce n’est pas au ministre de l’Intérieur de convoquer des élections anticipées mais à l’Assemblée (c’est la Constitution qui le dit), la crise gouvernementale est bien actée. Et maintenant, que va-t-il se passer? Voici le ou les scénarios les plus probables.

1. Démission de Giuseppe Conte et vote de défiance

Dès ce vendredi 9 août ou dans les jours qui viennent, le président du Conseil – le «Premier ministre italien» -Giuseppe Conte ira formaliser la crise gouvernementale devant le président de la République Sergio Matarella et lui présenter, probablement, sa démission.

À cet instant, Sergio Materella devrait demander à Giuseppe Conte de retourner devant le Parlement afin d’y ouvrir un débat parlementaire suivi d’un vote de confiance au gouvernement. Là, le Parlement devrait très certainement voter la défiance au gouvernement.

«La Constitution italienne prévoit qu’une crise gouvernementale ne soit ouverte qu’au Parlement, explique Alberto Toscano, journaliste, écrivain et politologue italien. Mais depuis son entrée en vigueur en 1948, les crises ont toujours été ouvertes par la démission du président du Conseil devant le président de la République». Toutefois, le vote de confiance au Parlement revêt plus qu’un caractère symbolique, insiste Alberto Toscano: «il oblige les responsables de la crise à se découvrir, c’est-à-dire à voter contre le gouvernement. C’est une façon d’obliger Salvini à voter la défiance au gouvernement». Ce vote, qui consacrera la fin de la majorité, aura probablement lieu à la fin du mois d’août, le temps de convoquer parlementaires et ministres partis en vacances.

Pour montrer sa détermination, la Ligue a toutefois annoncé vendredi en fin de matinée avoir déposé une motion de censure au Sénat contre le gouvernement. Les présidents de groupes de la chambre haute se réuniront lundi afin de fixer une date pour le vote de cette motion, a annoncé le bureau de presse du Sénat dans un communiqué.

2. Le choix d’un nouveau chef de gouvernement

Une fois la défiance au gouvernement votée, la balle sera dans le camp du président de la République. Sergio Matarella devrait alors consulter les parlementaires afin de voir s’il peut trouver un nouveau chef de gouvernement. Théoriquement, il peut choisir une personne qui serait chargée de former une nouvelle majorité dans ce Parlement (qui n’est pas – encore – dissous). Sauf que la réalité est plus compliquée.

«Il faudrait un miracle pour trouver une majorité dans ce Parlement. Tout le monde, en Italie, sait qu’il y aura des élections anticipées à l’automne, assure Alberto Toscano. En effet, l’Italie doit se presser, car elle a besoin d’un nouveau gouvernement capable de voter un budget de finances avant le 31 décembre 2019».

3. Un gouvernement technique

Les élections anticipées auront donc lieu. Mais l’enjeu est de savoir quel sera le gouvernement qui dirigera l’Italie entre la démission officielle de Conte et le jour des élections. «Selon moi, Matarella souhaitera que la campagne électorale soit gérée par un gouvernement neutre. En pratique, c’est le ministre de l’Intérieur qui organise les élections. Il ne souhaitera pas que ce soit Salvini. Il y aura donc probablement un gouvernement technique».

Ce gouvernement «technique» ne devrait pas avoir de majorité (il se présentera devant le Parlement qui votera probablement contre), mais il resterait au pouvoir jusqu’aux élections afin de garantir la neutralité jusqu’à la période électorale.

À ce moment-là, le président de la République pourrait alors dissoudre le Parlement en vue des nouvelles élections législatives.

4. Les élections législatives anticipées: Salvini obtiendra-t-il une majorité?

Arriveraient alors les législatives anticipées, probablement entre octobre et novembre 2019. Pourquoi cette date est-elle la plus probable, selon les politologues italiens? Encore une fois, le calendrier parlementaire dépend énormément du vote de la loi des finances. «Un exercice extrêmement compliqué en Italie, estime Alberto Toscano. Un gouvernement sans majorité ne peut pas faire passer cette loi.»

Il est très compliqué de prévoir ce que seront les résultats de ces législatives anticipées, notamment en raison de la complexité de la nouvelle loi électorale italienne, votée en 2017, qui mêle systène uninominal à un tour, système proportionnel et coalitions. En Italie, des spécialistes estiment qu’avec 42 – 43% des voix, on peut arriver à obtenir environ 50% des sièges. Or, la Ligue est actuellement créditée, dans les sondages, de 36 – 37% des voix. En s’alliant avec le parti d’extrême droite Fratelli d’Italia, lui-même crédité de 6 – 7%, elle pourrait donc obtenir la majorité des sièges.

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Cette stratégie, toutefois, demeurerait risquée selon Alberto Toscano. C’est une chose de faire campagne, une autre de gouverner. Or, «pour gouverner, Salvini aurait besoin d’un parti avec un ancrage européen. Son gouvernement doit être présentable, sinon il risque d’être vraiment marginalisé: l’Italie est un pays très endetté et dépend aussi des taux d’intérêt des bons du Trésor italien». Pour ce faire, Salvini aurait donc intérêt à former une alliance avec le parti de Berlusconi Forza Italia (9%). Seul inconvénient: être taxé d’incohérence par ses opposants du M5S et du centre gauche… Forza Italia et la Ligue étant en désaccord sur nombre de sujets, à commencer par l’Europe.

5. Quid du M5S et du Parti démocrate?

Luigi di Maio, chef du M5S et allié de la Ligue au gouvernement, n’a cessé d’être éclipsé par Matteo Salvini qui s’est imposé comme «l’homme fort» du pays. Ses dissensions avec le ministre de l’Intérieur et son incapacité à imposer ses réformes ont de fait affaibli le mouvement. Le score du M5S aux législatives anticipées devrait probablement être plus faible que celui enregistré en mars 2018, «mais plus fort que les 17% des élections européennes», prévoit Alberto Toscano.

En effet, le M5S pourra faire campagne en insistant sur le fait que le gouvernement est tombé à cause de Matteo Salvini. Par ailleurs, note le journaliste et écrivain italien, dans la péninsule, l’histoire a montré que «le parti politique qui fait tomber un gouvernement perd souvent les élections… Il y a comme un “impôt” à payer.» (voir l’étude d’Alberto Toscano pour la Fondapol: «Un an de populisme italien»).

Quant au Parti démocrate (PD), grand perdant des législatives de mars 2018, il pourrait profiter de cette crise politique pour revenir sur le devant de la scène comme principal parti d’opposition… à condition, là encore, de former une alliance avec les autres petits partis de centre gauche.

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