Coronavirus: trouver l’animal coupable, un jeu du chat et de la souris

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Des techniciens de laboratoire travaillent sur des échantillons prélevés sur des personnes à tester pour le nouveau coronavirus, le 6 février 2020 à Wuhan (AFP / STRSTR)

Quel est l’animal qui a transmis le nouveau coronavirus à l’homme? Pour identifier le suspect, les chercheurs se sont lancés dans une traque méthodique, digne d’une enquête de police scientifique.

Un chaînon manquant?

L’animal qui héberge un virus sans être malade et peut le transmettre à d’autres espèces est appelé « réservoir ». Dans le cas du nouveau coronavirus, il s’agit certainement de la chauve-souris: selon une récente étude, les génomes de ce virus et de ceux qui circulent chez cet animal sont identiques à 96%.

Pour autant, « on pense qu’il y a un autre animal intermédiaire » qui a transmis le virus à l’homme, explique à l’AFP Arnaud Fontanet, de l’institut Pasteur. En effet, les analyses montrent que le virus de chauve-souris n’était pas équipé pour se fixer sur les récepteurs humains. Il est donc sans doute passé par une autre espèce pour s’adapter à l’homme.

On ignore encore quel animal a joué ce rôle d’intermédiaire. L’hypothèse du serpent, d’abord avancée par des chercheurs chinois, a vite été balayée.

Vu la nature de ce coronavirus, « l’hôte intermédiaire doit probablement être un mammifère, peut-être un rongeur ou un animal de la famille des blaireaux », selon le Pr Fontanet.

Les chercheurs pensent que cet animal était vendu dans le marché de Wuhan, ville chinoise d’où est partie l’épidémie. Malgré son nom de « Marché de fruits de mer », nombre d’autres animaux, dont des mammifères sauvages, y étaient vendus pour être mangés.

Lors de l’épidémie de Sras (2002-03), également causée par un coronavirus, l’intermédiaire était la civette, mammifère dont la viande est appréciée en Chine.

Comment le retrouver?

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Schéma explicatif de la transmission d’un coronavirus des animaux à l’homme puis entre humains (AFP )

Il faut recenser tous les types d’animaux vendus dans le marché, et faire des tests pour voir s’ils sont porteurs du virus. Pour cela, on réalise « un prélèvement pharyngé (dans la gorge, ndlr) et un prélèvement de selles », selon le Pr Fontanet.

La virologue Martine Peeters, de l’IRD (Institut de recherche pour le développement), a enquêté en Afrique pour trouver l’animal réservoir du virus Ebola. Là aussi, la chauve-souris est en cause. La chercheuse décrit des prélèvements sur cet animal: « On leur passe un écouvillon dans la bouche et un autre dans le rectum ».

A défaut de disposer de l’animal lui-même, il faut aussi prélever des excréments dans la nature. « On a collecté des milliers de crottes dans de nombreux sites en Afrique », raconte Martine Peeters à l’AFP.

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Des techniciens de laboratoire travaillent sur des échantillons prélevés sur des personnes à tester pour le nouveau coronavirus, le 6 février 2020 à Wuhan (AFP / STRSTR)

C’est sans doute aussi ce qu’ont fait les chercheurs chinois pour le nouveau coronavirus, d’autant que le marché de Wuhan a été fermé au début de l’épidémie. Fin janvier, ils ont dit « avoir réalisé 585 prélèvements sur des étals et dans un camion poubelle » du marché, et « avoir retrouvé le coronavirus dans 33 d’entre eux », indique le Pr Fontanet. « Ils ne disent pas de quels échantillons il s’agissait, mais je pense que c’était des excréments qui traînaient sur les établis. »

Pourquoi est-ce important?

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Un biologiste à l’Institut Pasteur, le 28 janvier 2020 à Paris (AFP/Thomas SAMSON)

Car cela pourra permettre d’empêcher le virus de réapparaître, une fois que l’épidémie aura été jugulée.

« C’est en interdisant la consommation des civettes et en fermant les fermes d’élevage qu’on avait pu prévenir toute réintroduction » du virus du Sras chez l’humain, rappelle le Pr Fontanet.

Combien de temps cela prendra-il?

« Ça peut être très rapide, comme pour le Sras, mais ça peut être très long », dit à l’AFP Eric Leroy, virologue et vétérinaire de l’IRD.

« Dans le cas d’Ebola, les recherches du réservoir ont commencé en 1976 et les premiers résultats ont été publiés en 2005 », souligne-t-il.

Pour le virus du sida, le VIH, « l’enquête a duré vingt ans » avant de pointer les grands singes, relève Martine Peeters.

Parmi les facteurs importants, il y a la proportion d’animaux infectés au sein d’une même espèce.

« Si elle est très faible, moins de 1% par exemple, ça diminue évidemment les chances de tomber sur un animal infecté », note Leroy.

Et après?

« Ce sont des contacts animaux sauvages-hommes qui sont à l’origine de ces transmissions, donc il faudrait laisser les animaux sauvages où ils sont », estime le Pr Fontanet.

En conclusion d’une étude publiée lundi dans la revue médicale Nature, des chercheurs chinois ont préconisé « l’instauration d’une législation stricte contre l’élevage et la consommation des animaux sauvages ».

Une mesure transitoire a d’ailleurs déjà été prise: fin janvier, la Chine a interdit le commerce de tous les animaux sauvages en attendant la fin de l’épidémie.

« A chaque fois, on cherche à éteindre un incendie et, quand il est éteint, on attend le suivant », déplore quant à lui François Renaud, chercheur au CNRS.

Selon lui, il faudrait mettre en place une « veille » pour « cartographier tout ce qui est potentiellement susceptible de transmettre des agents infectieux à l’homme », afin d’avoir « une sorte d’inventaire des risques ».

« Il faut prévenir les épidémies et donc travailler en amont », poursuit-il, en concédant qu’une telle « base de données mondiale » représenterait « un énorme travail » et nécessiterait d’importants financements.

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