Comment l'Ukraine a mis en scène l'assassinat d'un journaliste russe

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Arkadi Babtchenko, journaliste très critique à l’encontre du Kremlin, annoncé mort, mardi, par les services spéciaux ukrainiens est bien vivant. L’opération a été montée de toutes pièces pour déjouer un assassinat commandité par la Russie, selon Kiev.

L’imagination des services spéciaux ukrainiens n’a pas de limites: les agents du contre-espionnage à Kiev se sont associés à un journaliste russe renommé – farouche contempteur du Kremlin – pour mettre en scène l’assassinat de ce dernier et pouvoir, in fine, imputer cette tentative de meurtre à la Russie. Ce scénario rocambolesque s’est achevé ce mercredi après-midi – quelques heures après que plusieurs grands médias aient fait leur une sur l’assassinat d’Arkadi Babtchenko – avec l’apparition, devant la presse, tout sourire, de la fausse victime, visiblement satisfaite de s’être prêtée à ce simulacre.
«Grâce à cette opération, nous avons réussi à déjouer une provocation cynique et à documenter les préparatifs de ce crime par les services spéciaux russes», s’est félicité le chef des services ukrainiens (SBU), Vassyl Grytsak, à l’occasion de cette conférence de presse. Parallèlement, une vidéo a été projetée à l’intention des journalistes montrant l’arrestation, à Kiev, d’un citoyen ukrainien, menotté par la police et présenté comme l’organisateur de la tentative de meurtre, manipulé par Moscou.
Selon Arkadi Babtchenko, l’opération aurait été conçue par le SBU il y a deux mois lorsque les services ukrainiens ont appris qu’une «commande russe» avait été passée sur sa personne et l’argent – environ 40.000 dollars – transféré à l’exécutant ukrainien. «On m’a proposé de prendre part à cette opération… Les gars (du SBU) travaillaient comme des buffles et de l’autre côté (russe, NDLR), ils mettaient la pression pour réaliser le meurtre au plus vite, peut-être au moment de la finale de la Ligue des champions. J’ai accepté. Il n’y avait pas d’autre choix», a expliqué le journaliste qui a simulé une fracture de la jambe et le port d’un plâtre – l’obligeant à rester chez lui – pour retarder l’opération et mieux confondre ses commanditaires.
«Provocation»
Après avoir couvert les deux conflits tchétchènes comme soldat dans l’armée russe, Arkadi Babtchenko était devenu un journaliste réputé et très critique à l’encontre du Kremlin. En 2017, menacé de mort, il avait fui la Russie pour finalement se réfugier en Ukraine où il dénonçait notamment le soutien militaire apporté par Moscou aux rebelles séparatistes dans le Donbass. Mercredi, il s’est excusé devant sa femme et ses amis pour l’émotion que l’affaire a suscité chez eux.
Selon la version diffusée mardi soir par les agences ukrainiennes et russes sur la foi des services spéciaux (SBU), son épouse l’avait découvert ensanglanté à la porte de son domicile, d’où il avait été transféré à l’hôpital et où son décès avait été constaté. D’autres témoins ont corroboré la scène – qui s’est avérée finalement être un faux.
Dans la foulée, Kiev et Moscou s’étaient mutuellement accusé, le chef du FSB russe, Alexandre Bortnikov, dénonçant les autorités ukrainiennes d’avoir monté une «provocation». Mercredi matin, le Premier ministre ukrainien, Volodymyr Groïssman, avait mis en cause «la machine totalitaire russe» pour avoir commandité le meurtre, sans que l’on sache si le chef du gouvernement, à ce moment précis, a sciemment menti ou a été lui-même abusé par ses services.
«Il est dommage que Babtchenko ait pris part à cette provocation», a regretté le président du Comité des Affaires étrangères du Sénat russe, Konstantin Kossatchev. «Les Ukrainiens n’auront plus besoin d’aller au cirque pour rigoler car le cirque montré par le pouvoir de Kiev dépasse désormais toutes les limites», a déclaré pour sa part le sénateur Frantz Klinssevitich, membre du Comité de la Défense.

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