CNBG-Sinopharm: l’outsider au vaccin prometteur

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Vaccin anticovid Sinopharm. DR

Au milieu de l’été dernier, alors que le Maroc ne voyait aucun répit dans l’augmentation des cas de contamination au Covid-19 suite au déconfinement, la nouvelle est tombée comme une bouffée d’espoir.

Les autorités du royaume, suivant les orientations du roi, ont fait un pari audacieux mais aussi salutaire. Elles ont conclu deux accords de coopération avec le laboratoire chinois China National Biotec Group (CNBG), prévoyant notamment la participation du Maroc aux essais cliniques relatifs au candidat-vaccin anti Covid-19 et la fourniture de 10 millions de doses au royaume.

Ce choix semble bien étudié, CNBG étant une filiale du géant China National Pharmaceutical Group (Sinopharm), l’un des plus grands groupes étatiques en Chine et le sixième plus grand fabricant de vaccins au monde.

Avec 128.000 employés et une chaîne complète dans l’industrie couvrant notamment la R&D (recherche et développement), la fabrication, la logistique et la distribution, Sinopharm compte plus de 1.100 filiales et 6 sociétés cotées en bourse.

Sinopharm s’est classée 169ème au classement Fortune Global 500 et son chiffre d’affaires de 2018 s’est élevé à près de 400 milliards de yuans (plus de 61 milliards de dollars).

CNBG peut produire 50 types de vaccins humains avec une production annuelle de plus de 700 millions de doses. Il fournit plus de 80% de vaccins pour le programme national de vaccination en Chine. Actuellement, la société travaille sur deux candidats vaccins anti-Covid, les deux étant dans les dernières étapes de la phase 3 d’essais cliniques sur des humains. Pour les deux candidats vaccins, CNBG suit le procédé bien rôdé du « vaccin inactivé », lequel utilise la version tuée de l’agent pathogène qui cause une maladie. Le virus est ainsi rendu inapte à la multiplication du fait d’un traitement physique ou chimique.

Les vaccins inactivés n’offrent généralement pas une immunité (protection) aussi forte que les vaccins vivants, d’où le besoin d’inoculer plusieurs doses au fil du temps (injections de rappel) afin d’obtenir une immunité continue contre la maladie.

 

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Toutefois, cette technique offre des atouts indéniables. D’abord, en utilisant le virus tué, les vaccins inactivés ne présentent pas de risques de toxicité ou d’effets secondaires notables, le procédé étant le même en vigueur dans le développement des vaccins usuels comme l’hépatite A, la grippe, la polio et la rage.

Deuxièmement, ce genre de vaccins ne nécessite pas une logistique ou un conditionnement particuliers. Ils sont conservés dans une température allant de 2 à 8 degrés Celsius et le Maroc a déjà le dispositif rodé à cet effet du fait d’une longue expérience en termes de campagnes de vaccination. Durant les phases I et II, BBIBP-CorV, l’un des deux vaccins de CNBG, et le même utilisé dans les essais cliniques au Maroc, s’est révélé “potentiellement efficace”.

Une étude publiée en octobre dans la revue médicale The Lancet a fourni des preuves précieuses de l’innocuité et de l’immunogénicité du vaccin, suite à des essais cliniques en double aveugle et contrôlés par placebo, chez des individus en bonne santé âgés de 18 ans et plus.

Fait important, il s’agissait de la première étude sur un vaccin inactivé contre le SARS-CoV-2 à inclure des participants âgés de plus de 60 ans – le groupe d’âge le plus vulnérable à cette infection. Dans l’essai de phase I à dose croissante, le vaccin a été administré selon un schéma de deux doses à trois concentrations différentes (2 µg, 4 µg et 8 µg par dose) et a été bien toléré dans les deux groupes d’âge (18 à 59 ans et ≥60 ans).

Parallèlement, dans les deux groupes d’âge, le vaccin était également immunogène: les nombres moyens d’anticorps neutralisants mesurés 14 jours après la dose de rappel étaient de 88, 211 et 229 chez le groupe âgé de 18 à 59 ans et 81, 132 et 171 dans le groupe âgé de 60 ans et plus pour des doses de vaccin de 2 µg, 4 µg et 8 µg, respectivement.

De plus, les auteurs ont testé la réactivité croisée des anticorps neutralisants contre plusieurs isolats dérivants du coronavirus et ont montré le potentiel de leur vaccin à protéger contre les virus évolutifs divergents, s’ils apparaissent en circulation.

Les vaccins de CNBG sont actuellement dans les dernières étapes de la phase III d’essais cliniques pour confirmer leur innocuité, efficacité et leur durée de protection. Les essais impliquent 50.000 personnes dans une dizaine de pays, dont 600 volontaires au Maroc, et la société devrait être en mesure de produire 300 millions de doses par an une fois qu’elle aura mis à niveau ses techniques de fabrication, et travaille sur un plan pour augmenter sa capacité annuelle à 1 milliard de doses, a déclaré Zhang Yuntao, le vice-président de CNBG.

Le 11 novembre, Sinopharm a déclaré que les données des essais de la phase 3 étaient “meilleures que prévu”, sans fournir plus de détails. Sans attendre les résultats de la phase 3, les vaccins de CNBG avaient déjà été déployés des mois plus tôt cet été pour une “utilisation d’urgence” et ont été inoculés à des personnes que la Chine juge vulnérables au Covid-19, y compris des travailleurs médicaux de première ligne et des prestataires de services essentiels dans les grandes villes. Lors d’une conférence tenue en novembre, Liu Jingzhen, le président de Sinopharm, a déclaré que parmi les personnes vaccinées se trouvaient “des travailleurs d’entreprises d’État envoyés dans divers bureaux à l’étranger, les bureaux de Huawei dans 180 pays à travers le monde et des diplomates (chinois)”.

“La décision d’approuver l’utilisation d’urgence est intervenue après des séries et des séries de débats et d’évaluations strictes après que les règlements pertinents de l’Organisation mondiale de la santé aient été respectés”, a justifié, pour sa part, Zheng Zhongwei, directeur du Centre de contrôle des maladies (CDC) chinois. Autre fait inédit, CNBG a inoculé le vaccin à 180 dirigeants du groupe et sa société mère Sinopharm en mars, quelques jours avant l’approbation des vaccins pour des essais sur l’homme. Parmi les volontaires figuraient le président de Sinopharm Liu Jingzhen, ainsi que le président de CNBG Yang Xiaoming et le vice-président Zhang Yuntao.

 

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“Nous sommes très confiants dans nos propres vaccins”, a déclaré Zhang. “Nous sommes en charge du développement du vaccin et nous devons montrer l’exemple, nous avons donc testé le vaccin sur notre propre corps”, a indiqué le vice-président de CNBG, précisant que les 180 dirigeants ne faisaient pas partie des essais cliniques, qui sont randomisés et contrôlés, mais avaient surveillé les niveaux d’anticorps pour essayer de mesurer l’efficacité des vaccins.

“Nous n’avons pas pu tester directement le caractère protecteur des vaccins, mais nous pouvons comparer les niveaux d’anticorps avec ceux des patients atteints de Covid-19 et qui s’en sont guéris”, a ajouté Zhang, notant que “le niveau d’anticorps et la durée [du niveau élevé d’anticorps] sont encore plus élevés”. “Mon bras est devenu bleu après avoir prélevé du sang des dizaines de fois”, a-t-il confié.

Tester des médicaments sur ses employés est jugé contraire à l’éthique selon les protocoles pharmaceutiques modernes, mais parfois en Chine, cela est considéré comme un noble sacrifice. Les médias chinois ont raconté comment la lauréate du prix Nobel Tu Youyou a testé un médicament antipaludique sur elle-même en 1972 et Gu Fangzhou, un virologue chinois qui a développé un vaccin antipoliomyélitique oral domestique, l’a testé sur son bébé.

Dans le cadre des efforts des autorités en vue de sécuriser l’approvisionnement du Maroc en quantités de vaccins suffisantes, le ministère de la Santé a signé, le 18 septembre, un mémorandum d’entente pour l’acquisition de vaccins contre le Covid-19 produits par la société russe R-Pharm, sous licence du groupe britannico-suédois AstraZeneca, basé à Cambridge.

Né de la fusion en avril 1999 du Suédois Astra et de l’Anglais Zeneca, le groupe compte environ 63.000 employés dans le monde entier, dans la recherche, le développement, la fabrication, la vente des produits pharmaceutiques et dans l’approvisionnement des services pour les soins médicaux. Son vaccin, baptisé AZD1222, utilise comme vecteur un adénovirus de chimpanzé basé sur une version affaiblie d’un virus du rhume commun (adénovirus) qui contient le matériel génétique de la protéine de pointe du virus SARS-CoV-2. Après la vaccination, la protéine de pointe de surface est produite, amorçant le système immunitaire à attaquer le virus s’il infecte ultérieurement le corps.

Etant dans un stade moins avancé que ceux de Sinopharm ou des Américains Pfizer/BioNTech et Moderna qui ont fait état d’efficacité de l’ordre de 95% ces derniers jours, le vaccin d’AstraZeneca a annoncé des résultats encourageants chez les plus âgés. Selon des résultats sur des essais de phase II publiés le 19 novembre, ce vaccin, conçu selon la technique de vecteur viral non réplicatif (adénovirus de chimpanzé) provoque chez les sujets les plus âgés (plus de 56 ans) une réponse immunitaire identique à celle qu’il déclenche chez les plus jeunes (18 à 55 ans).

Par ailleurs, le chef du gouvernement Saâdine El Otmani, cité par l’agence Reuters, a indiqué que le Maroc mène des pourparlers avec l’Américain Pfizer. “Nous cherchons à acquérir des doses de trois à quatre entreprises”, a-t-il précisé.

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