Choléra: dans un hôpital algérien, malades et proches se parlent à bonne distance

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AFP PHOTO / Ryad KRAMDI

Dans l’aile d’un hôpital au sud d’Alger où sont isolés les malades du choléra, réapparu début août en Algérie, les patients du rez-de-chaussée sont les plus chanceux car ils peuvent échanger avec leurs proches à travers les fenêtres.
L’accès au service des maladies infectieuses de l’hôpital de Boufarik n’est autorisé qu’au seul personnel et les visites aux 91 malades –cas confirmés de choléra ou cas suspects– qui y sont placés en quarantaine sont « formellement interdites », explique à l’AFP le directeur, Reda Daghbouche.
Chaque jour, des proches viennent pourtant tenter, depuis la cour de l’hôpital, d’apercevoir un patient et d’échanger quelques mots de loin.
Devant une fenêtre ouverte du rez-de-chaussée, trois femmes se couvrent la bouche de leur voile ou d’un mouchoir, sans trop s’approcher, pour échanger quelques mots avec un proche.
Les malades les mieux portants quittent leur lit pour rejoindre les fenêtres aux volets de bois bleus. Ceux du premier étage échangent par gestes ou en criant, depuis les petits balcons des chambres de cet hôpital construit en 1870.
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De l’autre côté d’une porte grillagée et verrouillée du rez-de-chaussée, dont il reste prudemment à distance, Fatah, chauffeur routier d’une trentaine d’années, discute avec sa mère qui fait partie des 59 cas confirmés de choléra en Algérie.
Disparue depuis 22 ans, la maladie est réapparue début août dans le pays et a tué deux personnes.
« Grâce à Dieu, elle est maintenant sur ses deux pieds; quand on l’a amenée à l’hôpital elle était dans un état grave, on a cru qu’on allait la perdre », raconte-t-il.
Il vient la voir quotidiennement depuis douze jours et « espère sa sortie très prochainement ».
Saïd, 34 ans, lui, enrage: « Je veux rendre visite à ma mère », hospitalisée depuis dix jours, « mais ils ne me laissent pas accéder au service, je suis fatigué et vraiment pas bien moralement ».
Peu d’informations 
Les malades arrivant à l’hôpital avec diarrhées aiguës et vomissements, symptômes du choléra, sont immédiatement placés à l’isolement. Des prélèvements sont envoyés à l’Institut Pasteur d’Algérie (IPA) pour confirmer ou non la présence du vibrion du choléra.
En attendant les résultats, les malades restent à l’isolement et sont réhydratés. « Les analyses de l’IPA prennent de 3 à 7 jours », explique M. Daghbouche. Les cas négatifs sont renvoyés chez eux, les autres restent hospitalisés jusqu’à ce que des analyses périodiques confirment la disparition du vibrion de leur organisme.
Dans la cour, un homme de 35 ans attend lui aussi. Il est guéri, après huit jours d’hospitalisation, raconte-t-il à l’AFP, sans vouloir donner son nom, mais une dizaine de membres de sa famille atteints du choléra sont toujours hospitalisés.
Les habitants de Boufarik, notamment ceux vivant aux alentours de l’hôpital, cachent mal leur inquiétude. Très peu sont correctement informés sur la maladie et ses modes de transmission.
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Un épicier a enfilé des gants médicaux, au cas où les « billets sont contaminés », dit-il.
En attendant, la maladie ne fait pas le malheur de tous: les autorités assurent que l’eau du robinet est potable et saine, mais le prix de l’eau minérale a grimpé en flèche et le gel désinfectant est en rupture de stock, a constaté un journaliste de l’AFP.
En revanche, la pastèque, accusée d’être à l’origine de l’épidémie, ne se vend plus, malgré un prix désormais dérisoire.
Mardi, à l’hôpital de Boufarik, la bonne nouvelle est tombée pour 16 malades, autorisés à rentrer chez eux.
Un vieil homme saute de joie et embrasse les agents de sécurité qui peu avant lui barraient fermement l’accès, en voyant sa fille passer la porte, guérie après 10 jours d’hospitalisation.
Les sortants courent vers les voitures de leurs proches, pressés de s’en aller. Les malades en quarantaine sont comme « des prisonniers qui attendent d’être graciés », commente Fatah, déçu que sa mère ne soit pas parmi les heureux élus.

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