Birmanie: l’armée tire sur des manifestants, « mouvements de troupes » dans le pays

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Un véhicule blindé roule à côté de la pagode Sule, après des jours de manifestations de masse contre le coup d'État militaire, à Yangon le 14 février 2021. (Photo de Thet HTOO / AFP)

Les forces de l’ordre ont tiré sur des manifestants dimanche en Birmanie, tandis que des militaires étaient en train d’être déployés, faisant craindre une répression imminente du mouvement de protestation contre le coup d’Etat.

Des chars ont été aperçus à Rangoun, la capitale économique. Des déploiements de soldats ont été constatés dans d’autres villes, d’après des images diffusées sur les réseaux sociaux.

Nous avons reçu « des indications sur des mouvements de troupes », a confirmé sur Twitter l’ambassade des Etats-Unis en Birmanie, demandant aux Américains de rester à l’abri.

« Une interruption des télécommunications est possible cette nuit de 1H00 à 9H00 », heures locales (de 18H30 à 02H30 GMT), a-t-elle ajouté.

A Myitkyina, dans le nord, il y a eu plusieurs blessés quand les forces de l’ordre ont dispersé des manifestants en tirant, d’après une journaliste locale.

« Ils ont d’abord lancé du gaz lacrymogène, puis ont tiré », a-t-elle déclaré à l’AFP, sans pouvoir préciser si des balles réelles ou des munitions en caoutchouc avaient été utilisées. Cinq journalistes ont été interpellés à cette occasion, d’après un média local.

Réagissant à cette escalade de la répression, les ambassadeurs en Birmanie des Etats-Unis, du Canada et de plusieurs pays de l’Union européenne ont diffusé une déclaration commune sur Twitter, exhortant l’armée à « ne pas recourir à la violence à l’encontre des manifestants et des civils ».

Le putsch du 1er février a renversé le gouvernement d’Aung San Suu Kyi et mis fin à une fragile transition démocratique de 10 ans.

La peur des représailles est dans tous les esprits en Birmanie, où les derniers soulèvements populaires de 1988 et 2007 ont été réprimés dans le sang par les militaires.

 

– Mobilisation massive –

 

Malgré cela, la mobilisation contre le coup d’Etat ne faiblit pas avec des fonctionnaires (enseignants, docteurs, employés de chemin de fer, etc.) en grève.

Dimanche, pour le neuvième jour consécutif, les Birmans sont descendus par dizaines de milliers dans les rues.

A Rangoun, ils se sont notamment réunis près de la célèbre pagode Shwedagon, pour réclamer la fin de la dictature et la libération de la lauréate du prix Nobel de la paix 1991, tenue au secret depuis son arrestation.

Près de la gare centrale, des habitants ont bloqué une rue à l’aide de troncs d’arbres pour empêcher la police de pénétrer dans le quartier. Ils ont ensuite reconduit des policiers qui cherchaient des employés des chemins de fer grévistes afin de les forcer à reprendre le travail.

A Dawei (sud), sept policiers ont annoncé faire défection, tandis que des médias locaux ont fait état de cas similaires ces derniers jours.

 

– Chasse aux « fugitifs » –

 

L’armée a de son côté diffusé une liste de sept militants parmi les plus renommés de Birmanie, qu’elle recherche activement pour avoir encouragé les manifestations.

« Si vous trouvez les fugitifs mentionnés ci-dessus ou si vous avez des informations à leur sujet, signalez-vous au poste de police le plus proche », a-t-elle écrit dans un communiqué publié dans les médias d’Etat. « Ceux qui les hébergent seront (confrontés) à des actions conformément à la loi ».

Depuis le putsch, quelque 400 personnes ont été arrêtées, des responsables politiques, des militants et des membres de la société civile, y compris des journalistes, des médecins et des étudiants.

Sur la liste des sept « fugitifs » figure le nom de Min Ko Naing, un leader du mouvement étudiant de 1988, qui a déjà passé plus de 10 ans en prison.

« Ils arrêtent les gens la nuit et nous devons être prudents », a-t-il déclaré quelques heures avant l’émission de son mandat d’arrêt.

« Ils pourraient sévir avec force et nous devrons être préparés » a-t-il ajouté dans une vidéo publiée sur Facebook, malgré l’interdiction faite par la junte d’utiliser cette plate-forme.

 

– Pouvoirs d’exception –

 

Le chef de la junte, Min Aung Hlaing, a doté samedi les forces de l’ordre de pouvoirs d’exception. Elles peuvent procéder à des perquisitions sans mandat ou détenir des personnes pour une courte période sans l’autorisation d’un juge.

En réaction aux arrestations, des comités de vigilance citoyenne ont vu spontanément le jour à travers la Birmanie : des habitants sont chargés de surveiller leur voisinage en cas d’opérations menées par les autorités pour arrêter des opposants.

« Nous ne faisons confiance à personne pour le moment, en particulier pas à ceux qui portent des uniformes », a déclaré Myo Ko Ko, membre d’une patrouille de rue dans un quartier du centre de Rangoun.

Certains Birmans craignent aussi que la libération massive cette semaine de plus de 23.000 prisonniers par l’armée n’ait été orchestrée pour semer le trouble en relâchant des individus peu recommandables, tout en faisant de la place dans les prisons pour les détenus politiques.

 

– Avertissement aux médias –

 

La situation a fait l’objet de nombreuses condamnations internationales depuis deux semaines, Washington détaillant une série de sanctions à l’encontre de plusieurs généraux.

Ces derniers contestent la régularité des élections de novembre, massivement remportées par la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti d’Aung San Suu Kyi.

Ils affirment avoir pris le pouvoir en respectant la Constitution et ont ordonné aux journalistes d’arrêter de parler de « coup d’Etat ».

Inculpée pour avoir importé illégalement des talkie-walkies, Aung San Suu Kyi est assignée à résidence à Naypyidaw, la capitale administrative, et est en bonne santé, d’après son parti.

La Birmanie a déjà vécu près de 50 ans sous le joug des militaires depuis son indépendance en 1948.

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