Au Qatar, la vie de misère de migrants, malgré les promesses

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À dix minutes en voiture du nouveau bureau de l’Organisation internationale du travail (OIT) à Doha, Nabin explique comment son employeur n’a pas payé son salaire depuis deux mois et lui a donné seulement 55 dollars.
Il fait partie de ces centaines de travailleurs qui contribuent à transformer Mshereib, un quartier délabré de la capitale du Qatar, en un grand centre financier, entouré d’hôtels et d’appartements de luxe, pour un coût total d’environ 5,5 milliards de dollars.
Depuis qu’il a décroché l’organisation du Mondial-2022 de football, le petit émirat gazier est soumis à de fortes pressions sur le traitement des travailleurs étrangers.
Mais ce travailleur népalais, au lieu de 1.100 riyals par mois (300 USD), dit être contraint de survivre avec un revenu largement moindre, dans l’un des pays parmi les plus riches au monde.
« Quand j’étais encore dans mon pays, on m’a promis 1.100 riyals, mais ces deux derniers mois (…), ils m’ont seulement avancé 100 riyals », lâche-t-il avec tristesse.
Des problèmes au quotidien
Le jeune homme de 20 ans est en pause-déjeuner, cherchant l’ombre sur un trottoir alors que la température atteint 36 degrés.
Sans salaire décent, il est incapable d’acheter sa propre nourriture et se plaint qu’on lui ait servi du poulet périmé au travail.
À proximité, d’autres travailleurs se reposent aussi et racontent d’interminables problèmes au quotidien.
Sumon, un menuisier du Bangladesh, dit que sa société a refusé de lui remettre son permis de résidence (RP), indispensable à tout travailleur étranger au Qatar pour prouver qu’il est légalement dans l’émirat et pour accéder à tout, d’un abonnement téléphonique à un compte bancaire.
« J’ai donné 7.000 riyals pour obtenir un RP, mais la compagnie ne l’a pas fait », déplore le jeune homme de 24 ans.
Sumon, dont l’obtention du document est indispensable pour pouvoir voyager, a saisi la justice. Un an plus tard, il attend toujours.
Son collègue Ashik raconte comment il a payé 10.000 riyals (2.746 dollars), soit plus de six mois de salaire, à son parrain juste pour obtenir un certificat de non-objection, document qui permet à un travailleur de passer d’une entreprise à une autre.
Il a ensuite dû payer 10.000 riyals de plus pour obtenir son nouveau contrat, précise-t-il.
Plusieurs migrants se plaignent par ailleurs de harcèlement de la part de la police exigeant de l’argent de ceux qui n’ont pas de RP, au milieu de menaces d’expulsion.
« Ils nous jetteront » 
Le 29 avril, l’OIT a ouvert son bureau après avoir signé un accord de trois ans avec le Qatar pour superviser des réformes fondamentales dans le domaine du travail.
Mais les réformes limitées n’ont pas réussi à endiguer les critiques de groupes de défense des droits de l’Homme et de syndicats, qui accusent cet émirat du Golfe de continuer à fermer les yeux sur des cas évidents de maltraitance.
Dans le cadre de son accord avec l’OIT, Doha s’est engagé à mettre en oeuvre des changements comprenant l’introduction d’un salaire minimum, la création de comités de travailleurs et la suppression des visas de sortie lorsque les migrants ont besoin de l’autorisation de l’employeur pour quitter le pays.
Ces réformes divisent les détracteurs du Qatar. Certains, dont la Confédération syndicale internationale, soutiennent à présent Doha. D’autres, y compris des défenseurs des droits de l’Homme, restent prudents, affirmant que les réformes n’ont été que promises et s’inquiètent de la manière dont les changements seront appliqués.
Les critiques rappellent également des promesses précédentes pour les visas de sortie, qui se sont révélées infructueuses, ou une loi garantissant le versement de l’intégralité des salaires, qui n’a pas protégé les plus vulnérables.
Ashik argue que ceux qui sont les plus concernés par les dernières réformes n’en ont même pas entendu parler.
Sumon soutient que le salaire minimum doit être doublé à 1.500 riyals par mois (au lieu de 750 actuellement).
« Tout est difficile car c’est très cher », dit-il. Initialement, « nous sommes ici pour donner une vie meilleure à nos familles », restées au pays, poursuit-il.
A la fin de leur pause-déjeuner, les travailleurs reviennent lentement vers le « vieux » Mshereib, promis à un bel avenir en vue de la Coupe du monde.
Lorsqu’on leur demande s’ils s’intéressent au football, Sumon répond: « Non. Ils nous jetteront quand ce projet sera terminé. Le football n’est pas pour nous, c’est pour des gens différents ».

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