Affaire Benalla en France: le ministre de l'Intérieur charge les services de Macron
Publié leLe ministre français de l’Intérieur Gérard Collomb, soumis à un barrage de questions d’une commission d’enquête parlementaire sur l’affaire Benalla, s’est défaussé lundi sur les services du président Emmanuel Macron, confronté à la plus grave crise depuis son élection, estimant qu’il leur incombait d’informer la justice des violences commises par ce proche collaborateur du chef d’État.
Coïncidence ou lien de cause à effet, le président a annoncé qu’il ne participerait pas à une étape du Tour de France mercredi dans les Pyrénées (Sud-Ouest). Ce changement de programme est lié au fait que le Premier ministre Edouard Philippe a déjà assisté la semaine dernière à une étape du Tour et n’a « rien à voir » avec l’affaire Benalla, a affirmé l’entourage du président.
S’exprimant sous serment devant des députés réunis en commission d’enquête, Gérard Collomb a déclaré qu’il avait été informé des violences par son cabinet le 2 mai, au lendemain de la manifestation du 1er mai durant laquelle Alexandre Benalla, qui n’était pourtant là en tant que simple « observateur », est filmé frappant et molestant deux personnes.
M. Collomb a assuré que ses services avaient transmis l’information à l’Élysée, la présidence française, et qu’il s’était lui-même « assuré que le directeur de cabinet de la présidence, employeur de M Benalla, avait été informé de la situation et que celle-ci était prise en compte ».
L’information a également été transmise au préfet de police, Michel Delpuech, numéro un des forces policières dans Paris, qui sera également entendu à l’Assemblée à partir de 12H00 GMT.
« Je considère que c’est à ceux qui sont en responsabilité dans leurs administrations (…) de recueillir les éléments permettant de justifier la transmission d’un signalement » à la justice, comme l’exige l’article 40 du code de procédure pénale. Ce dernier impose à tout fonctionnaire de signaler un délit ou crime au procureur quand il en a connaissance.
« Ce n’est pas au ministre qu’il appartient de le faire », a insisté M. Collomb au cours d’une audition de deux heures trente environ, retransmise en direct sur plusieurs chaînes de télévision.
Alexandre Benalla, chargé de mission à la présidence de la République de 26 ans, n’avait été que suspendu deux semaines début mai, après les faits. A la suite des révélations dans la presse, il a été licencié et inculpé, notamment pour « violences en réunion », tout comme Vincent Crase, un employé de LREM, le parti présidentiel, qui était avec lui au moment des faits. Trois hauts gradés de la police soupçonnés d’avoir transmis au conseiller de l’Élysée des images de vidéosurveillance de l’incident ont également été inculpés.
Le scandale a déclenché l’ouverture de trois enquêtes: judiciaire, parlementaire et administrative. Cette dernière a été confiée à la « police des polices » qui devrait remettre son rapport à la fin de cette semaine.
« Benallagate »
Les déclarations de M. Collomb ne devraient pas manquer d’accentuer la pression sur Emmanuel Macron, alors que la presse voit dans le « benallagate » la déchéance du « Nouveau monde » promis par le jeune président, et en particulier sa volonté d’instaurer une « République exemplaire », loin des écarts du passé.
Le chef de l’État est « impliqué dans cette affaire » et « doit répondre, doit s’expliquer » personnellement, estime Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste (opposition).
« C’est l’Élysée qui doit apporter une explication », a estimé la cheffe du Rassemblement national (extrême droite), Marine Le Pen.
Peu avant l’audition, le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux a assuré que le président était « extrêmement déterminé à ce que la vérité puisse être établie ». Dimanche soir, l’entourage d’Emmanuel Macron, a fait savoir que le chef de l’État avait promis qu’il n’y aurait « pas d’impunité ».
Le président lui-même ne s’est toujours pas directement exprimé, faisant simplement savoir qu’il parlerait publiquement « quand il le jugera(it) utile ».
Mais, avec les auditions au Parlement et les enquêtes judiciaires en cours, « il est plus compliqué pour le président de prendre la parole », estime Bruno Jeanbart, directeur des études d’OpinionWay.
Selon cet expert, il « aurait dû probablement parler tout de suite » en « reconnaissant une erreur sur la première sanction » infligée à Alexandre Benalla pour avoir frappé un manifestant le 1er mai. « Reconnaître ses erreurs n’est pas infamant du point de vue de l’opinion publique, c’est même plutôt une attitude qui serait attendue », estime-t-il.