À quoi sert vraiment l'Assemblée générale de l'ONU?

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À l'Assemblée générale de l'ONU, le principe est «Un Etat, une voix». AFP

L’ambiance n’est pas à la fête pour la 73e session de cet organe onusien où tous les Etats sont sur un pied d’égalité. Ayant eu par le passé un rôle important, l’Assemblée générale fait l’objet de critiques depuis des années. Face à la diplomatie musclée de Trump, ses dysfonctionnements reflètent la crise du multilatéralisme.

Le mois de septembre voit s’ouvrir comme chaque année une nouvelle session de l’Assemblée générale des Nations unies, cette année la 73e depuis sa création par la Charte des Nations unies. Dédiée à la délibération et garante d’une forme d’égalité entre les Etats, cette institution est centrale dans le dispositif onusien. Elle figure ainsi au premier rang des «organes principaux» de l’ONU cités dans l’article 8 du texte fondateur de 1945.

Trump, critique virulent de l’ONU. AFP

L’Assemblée générale vit pourtant sous le poids de critiques récurrentes, à l’image du Général de Gaulle qui en dénonçait déjà en 1965 «les séances tumultueuses et scandaleuses où il n’y a pas moyen d’organiser un débat objectif». L’an passé, le président américain a lui-même qualifié l’ONU de «club pour papoter et prendre du bon temps». Plus encore que ces critiques, c’est la méthode diplomatique de Donald Trump, fondée sur les relations bilatérales et le rapport de force, qui fragilise plus encore ce temple du multilatéralisme. Une actualité qui est l’occasion pour nous de faire le tour des questions qui entourent cet organe onusien.
Qu’est-ce que l’Assemblée générale de l’ONU?
Même si l’ouverture de chaque session, avec les discours des chefs d’État et de gouvernement, est le moment le plus médiatisé, il ne s’agit pas seulement d’une semaine par an où les États membres de l’ONU se réunissent pour faire le bilan de l’année écoulée et répondre aux enjeux à venir.
Certes moins connue que le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale est surtout l’organe onusien où les représentants des 193 États membres délibèrent lors de sessions annuelles qui se tiennent du mois de septembre à la fin du mois de décembre.
Quel est son rôle?
Elle émet des recommandations aux États sur différents sujets, comme la coopération internationale, le maintien de la paix, le désarmement, les enjeux climatiques, éducatifs ou sociaux et lance des initiatives pour encourager les États à aller dans la direction qu’elle souhaite. Ce fut ainsi le cas des «objectifs du millénaire pour le développement» adoptés en 2000, destinés notamment à lutter contre l’extrême pauvreté, ou des 17 objectifs de développement durables, adoptés en septembre 2015. Contrairement à celles du Conseil de sécurité, ses résolutions sont non contraignantes.
Si ce pouvoir de délibération est le cœur des activités de l’Assemblée générale, celle-ci se charge aussi du bon fonctionnement de l’ONU. Entre autres, elle fixe et répartit le budget, élit les membres non permanents du Conseil de sécurité et nomme le secrétaire général de l’ONU, sur recommandation du Conseil.
● Comment fonctionne-t-elle?
«Il est vrai que les représentants aiment passer du temps à New York. Mais l’essentiel se passe moins dans les couloirs de l’ONU, que dans ceux des grands hôtels où les dirigeants se rencontrent», raconte l’ancien ambassadeur Alain Dejammet, auteur de L’incendie planétaire, que fait l’ONU? aux éditions du Cerf. Alain Pellet, professeur émérite de Droit international à l’Université Paris-Nanterre, d’ajouter: «On cause et c’est déjà beaucoup, d’autant plus qu’à côté des discours publics assez contraints et formels, il y a les contacts bilatéraux en coulisse».
Alain Dejammet, qui fut le représentant de la France à l’ONU, considère que le rôle de l’Assemblée générale n’est pas vain: «Les discours lors de l’ouverture de la session annuelle servent à marquer l’esprit du temps». «Même si les résolutions ne sont pas contraignantes, les États se sentent néanmoins engagés», estime-t-il, citant le cas de la décolonisation lors des années 1950-1960 ou plus récemment celui du climat, même si le retrait américain de l’accord de Paris ratifié en 2015 montrent toutes les limites de l’exercice.
● Un gage de légitimité démocratique?
Fort du principe «un État, une voix», la particularité de l’Assemblée générale est de mettre les pays membres de l’ONU à égalité. «Qu’on soit la Chine ou Barbuda!», lance Alain Dejammet. Selon lui, l’organe délibérant des Nations unies a permis historiquement d’accorder une voix aux pays africains puis latino-américains. C’est précisément la raison pour laquelle le Général de Gaulle, qui qualifiait l’ONU de «machin», estima néanmoins lors de son second mandat qu’elle était utile. «Il constate une évolution intéressante: de plus en plus d’États font partie de l’ONU et s’opposent aux superpuissances», écrit Maurice Vaïsse, professeur à Sciences Po Paris. L’Assemblée générale permet ainsi en théorie de lutter contre l’hégémonie éventuelle de grandes puissances.

L’ONU, un «machin», mais utile, selon le Général de Gaulle . AFP

Faut-il parler d’une sorte de «Parlement des peuples», gage de démocratie, comme pourrait le laisser penser les premiers mots de la Charte de 1945: «Nous, peuples des Nations unies…»? «Non, la démocratie, c’est un être humain/une voix. Un État/une voix à l’Assemblée générale, cela répond simplement aux exigences de l’égalité souveraine des États», assure Alain Pellet, qui ajoute qu’elle n’est pas non plus un parlement puisqu’elle ne dispose pas du pouvoir législatif.
● Est-elle efficace?
«Elle fut le véritable centre de gravité des Nations unies jusqu’au début des années quatre-vingt», reconnaît Alain Pellet. Mais l’ancien président de la Commission du droit international des Nations unies écrivait avec sévérité en 2004 dans la revue Pouvoirs : «Avec la fin de la Guerre froide et la globalisation libérale, elle a sombré dans une logorrhée morose sans prise sur le réel. Elle n’est cependant pas dépourvue d’atouts, mais la volonté politique a manqué». Rien qu’en 2016, l’Assemblée générale a voté 329 résolutions. «La grande majorité de celles-ci passent, en général à juste titre, inaperçues», estime le publiciste.
Une inflation de textes, nourrie par une machine bureaucratique, qui fonde les critiques de Donald Trump et motive le souhait d’une réforme profonde de l’ONU émis par le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, dès sa nomination en 2017. «L’orientation générale me paraît positive mais ça doit être la trentième tentative…», s’exclamait alors Alain Pellet. Le professeur d’en conclure: «[Avec Donald Trump, mais aussi la Russie et la Chine] on assiste surtout au retour du souverainisme. Il est clair que le multilatéralisme a du plomb dans l’aile».

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