Mohamed El Guerrouj (ANRAC): les perspectives de l’industrie du cannabis au Maroc

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Immersion dans l'usine de transformation du cannabis
@DR

Le Directeur général de l’Agence nationale de réglementation des activités relatives au cannabis (ANRAC), Mohamed El Guerrouj, a souligné le rôle de l’Agence dans l’accompagnement et le contrôle de cette filière émergente pour veiller à la conformité aux normes nationales et internationales à même de faciliter l’accès des produits de cannabis au marché mondial.

Dans une interview accordée à la MAP en marge du lancement de la première usine de transformation de cannabis légal à Taounate, le responsable a mis en lumière les avancées significatives de la réglementation de la filière du cannabis licite au Maroc.

L’ANRAC joue un rôle central dans l’accompagnement et le contrôle de cette filière naissante du cannabis licite. Pourriez-vous nous présenter en détail les actions menées en ce sens?

L’ANRAC a pour mission l’accompagnement et le contrôle de la filière du cannabis licite. Notre accompagnement s’adresse à tous les acteurs de la filière, incluant les investisseurs, les cultivateurs de cannabis licite et les coopératives. Cette tâche démarre par un accompagnement administratif, en concertation avec les administrations et institutions concernées (ministère de la Santé, ministère de l’Industrie, autorités locales, ONSSA, ODECO) pour obtenir les différentes autorisations notamment celles d’exercice des activités de cannabis, d’enregistrement et d’exportation des produits de cannabis et de construction des unités de transformation et bâtiments de stockage.

Il y a également un accompagnement permanent sur le terrain par les services provinciaux de l’ANRAC qui concerne un encadrement technique et réglementaire visant à sensibiliser les bénéficiaires et les former aux bonnes pratiques culturales et de transformation, ainsi qu’aux normes et indicateurs réglementaires national et international particulièrement en matière de production, de transformation et de commercialisation des produits de cannabis.

Il est important de souligner que l’accompagnement réglementaire lié à la formalisation et à l’octroi des autorisations d’exercice des activités relatives au cannabis est une attribution exclusive à l’ANRAC, tandis que l’accompagnement administratif implique la coordination et la concertation avec d’autres partenaires et d’autres administrations.

Et pour le rôle de « contrôle » de l’ANRAC?

Effectivement, l’ANRAC a également la mission de contrôle du respect de la conformité aux dispositions réglementaires de la loi 13-21 pour chaque activité autorisée à savoir : les activités de production, de transformation, d’exportation, d’importation, de commercialisation, de transport, d’importation et d’exportation des semences et de création et d’exploitation des pépinières.

Des indicateurs et des référentiels techniques et réglementaires spécifiques doivent être respectés, notamment en ce qui concerne la teneur en THC réglementée, les normes d’étiquetage, la superficie cultivée, la tenue des registres de chaque activité, l’enregistrement des produits auprès des autorités sanitaires et le respect des normes internationales.

Vous avez inauguré mardi la première usine de fabrication de produits à base de cannabis. Qui dit usine, dit grands investisseurs. Qu’avez-vous proposé en tant qu’agence et comme alternative aux petits agriculteurs dans le cadre de cette nouvelle politique de réglementation de la filière?

La réglementation issue de la loi 13-21 vise à protéger les petits agriculteurs. Cette protection se manifeste principalement à deux niveaux. Premièrement, aucun nouvel agriculteur qui ne produisait pas de cannabis auparavant ne peut être éligible à solliciter une autorisation d’exercer l’activité de production du cannabis.

Parmi les principales pièces exigées pour exercer l’activité de culture et de production de cannabis, il y a la pièce qui doit justifier que l’agriculteur réside au niveau de la commune concernée. Il faut également avoir le lien avec la parcelle concernée et que la parcelle en question soit cultivée auparavant pour le cannabis, ce qui écarte la possibilité d’intrusion de nouveaux agriculteurs, de nouvelles parcelles et une extension incontrôlée des surfaces cultivées préservant ainsi, les cultivateurs traditionnels qui sont que de petits agriculteurs.

Deuxièmement, la loi interdit aux opérateurs et aux intermédiaires d’acheter directement la production de cannabis auprès des cultivateurs. Les opérateurs autorisés doivent obligatoirement acheter la production auprès des coopératives de production. Ceci renforce donc le pouvoir de négociation des petits agriculteurs à travers leur coopérative et permettra de leur éviter d’être exploités par des intermédiaires.

La loi exige également que les coopératives d’agriculteurs établissent une convention de vente avec l’opérateur qui achètera leur production, garantissant ainsi aux agriculteurs une meilleure visibilité sur leurs revenus et la connaissance du prix de vente dès le départ.

Les petits agriculteurs ont également la possibilité de créer des coopératives de transformation qui leur donnent le droit de construire leur propre unité de transformation pour valoriser eux-mêmes leur production et devenir eux-mêmes investisseurs, dans le cadre de coopératives, agrégeant la production de leurs membres.

A noter que la filière du cannabis s’inscrit dans le secteur agricole comme toutes autres filières agricoles et bénéficie de tous les avantages offerts aux autres filières, notamment les subventions publiques et les programmes de financement.

Comment envisagez-vous l’évolution de l’industrie du cannabis au Maroc dans les cinq prochaines années?

L’industrie du cannabis est appelée à se développer, notamment dans les domaines pharmaceutique et industriel, conformément à la réglementation en vigueur. La production de médicament à partir du cannabis est régie par la loi 17-04 portant code du médicament et de la pharmacie.

L’usage du cannabis à des fins médicales et pharmaceutiques ainsi qu’industrielles, telles que la cosmétique, les compléments alimentaires, le textile, la construction et l’agroalimentaire, passe obligatoirement par un procédé de fabrication industrielle nécessitant l’infrastructure industriel requise. Il y aura donc des usines qui doivent être construites en phase avec la production de cannabis et il y a une industrie conséquente qui doit être développé.

Ce développement industriel aura un impact significatif en termes de création d’emplois et de diversification et de valorisation du cannabis et permettra donc, de proposer sur le marché des produits marocains compétitifs, respectant les normes internationales, favorisant ainsi la compétitivité du Maroc à l’échelle mondiale.

Cette évolution industrielle est un passage normal et essentiel pour la valorisation du cannabis licite.

L’accès au marché mondial est un enjeu crucial pour la filière. Comment l’ANRAC s’assure-t-elle du respect des normes nationales et internationales en la matière?

La conformité aux normes réglementaires d’usage du cannabis est au cœur des préoccupations de l’ANRAC. Les normes de bonne pratique de production sont attestées par des certificats GACP (Good Agricultural and Collection Practices), tandis que les normes de bonne pratique de fabrication sont attestées par des certificats GMP (Good Manufacturing Practices).

L’ANRAC a organisé plusieurs sessions de formation en faveur des opérateurs autorisés et des coopératives d’agriculteurs autorisées sur la certification GACP et GMP en concertation et avec la participation d’expert nationaux et internationaux en la matière.

D’autres sessions de formation ont été également organisées par la Direction du Médicament et de la Pharmacie (DMP) en concertation avec l’ANRAC en faveur des opérateurs et des coopératives de transformation sur le protocole d’enregistrement des médicaments, des compléments alimentaires et des produits cosmétiques.

L’ANRAC travaille en étroite collaboration avec les départements ministériels concernés, notamment la DMP relevant du ministère de la Santé pour l’enregistrement des compléments alimentaires et des produits cosmétiques, et l’ONSSA pour la certification des semences et la conformité des produits agroalimentaires.

Le respect des normes techniques et réglementaires est indispensable pour obtenir la certification et l’homologation des produits de cannabis et garantir leur conformité aux normes internationales, condition sine qua non pour accéder au marché mondial et être compétitif.

Notre objectif principal est d’accompagner l’ensemble des acteurs de la filière pour qu’ils respectent scrupuleusement les normes nationales et internationales. Cet encadrement est essentiel pour garantir la qualité et la traçabilité de nos produits et nous permettre de conquérir le marché mondial en toute conformité.

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