Vidéo. Comment Sebta et Melilla sont devenues les nouvelles pépinières du jihadisme international

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Capture vidéo. ©Antena 3

Avec les attentats de Catalogne, le nom de Melilla se retrouve une fois de plus lié à une affaire de terrorisme islamiste d’envergure. L’occasion de revenir sur comment le préside occupé s’est imposé, avec Sebta, comme une plaque tournante du terrorisme islamiste.

Il y a une dizaine de jours, l’Espagne a été frappée par la deuxième attaque terroriste la plus sanglante de son histoire, après les attentats de Madrid du 11 mars 2004. Un véhicule a foncé dans la nuit du 17 août sur la nombreuse foule qui allait sur la célèbre avenue barcelonaise des Ramblas. Bilan: 15 morts et plus de 100 blessés. Quelques heures plus tard, c’est dans l’autre ville catalane de Cambrils qu’un autre véhicule répétait le même scénario, faisant un mort et plusieurs blessés.

Les deux attentats, revendiqués par le groupe terroriste Daech, ont été perpétrés par une cellule jihadiste composée de 12 membres, dont quatre sont encore en vie. Deux d’entre eux ont été écroués, et les deux autres relâchés sous contrôle judiciaire. Les autres suspects ont été abattus par les Mossos d’Esquadra ou ont péri dans l’explosion d’une maison où ils préparaient des explosifs, à Alcanar (Catalogne). Les suspects encore en vie sont trois Marocains et un Espagnol né à Melilla.

Pépinières du jihadisme

Une fois de plus, le nom du préside occupé situé au nord du Maroc est lié à une affaire de terrorisme. En effet, avec Sebta, les deux villes sont depuis quelques années connues pour constituer un vivier important du jihadisme, ayant vu de nombreux jeunes partir renforcer les rangs de Daech dans les zones de combat. A titre d’exemple, la majorité des 20 jihadistes qui ont quitté l’Espagne en 2014 pour rejoindre le Front Al-Nosra, Daech et Harakat Sham al-Islam en Syrie tait originaire des deux villes, selon un rapport du très sérieux Institut royal Elcano.

«La plupart des onze Espagnols qui ont rejoint des groupes jihadistes en Syrie sont originaires de la ville de Sebta. […] Les neuf Marocains qui ont rejoint eux aussi les groupes jihadistes en Syrie vivaient à Ceuta, ainsi que dans des localités de la péninsule ibérique comme Gérone en Catalogne ou Malaga en Andalousie», précisait le rapport.

Egalement, entre 2012 et 2014, Melilla servait de base au Belgo-espagnol Mustapha Maya Amaya pour le recrutement de nouveaux combattants dans des pays comme le Maroc, l’Espagne, la France, la Belgique, la Tunisie, la Turquie et même l’Indonésie. Ces jihadistes étaient ensuite envoyés combattre au Mali, en Libye, en Syrie et en Irak. Amaya a été arrêté fin mai 2014, à l’issue d’une opération conjointe maroco-espagnole.

En plus des nombreux coups de filet antiterroristes opérés à Sebta et Melilla au cours des dernières années, la majorité des auteurs des attentats de Paris en 2015 et Bruxelles en 2016 avaient également des liens avec ces territoires, comme nous le rappelle franceinfo. Alors, comment ces deux villes, longtemps prisées par les migrants comme la porte sur «l’eldorado» européen, sont devenues des plaques tournantes du terrorisme international?

Influence du Rif

Diverses raisons sont évoquées. L’une d’elles est la proximité de Sebta et Melilla avec un autre vivier plus important du jihadisme: le Rif, et plus précisément le triangle Tétouan-Tanger-Fnidek. En effet, selon l’Institut royal Elcano, 35% des plus de 800 jihadistes marocains qui ont voyagé en Syrie, à la fin 2013, venaient de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima. On a surtout encore en mémoire le carnage du 11 mars 2004, dont la plupart des auteurs étaient originaires de la région du nord du Maroc.

Quand le journal français Libération souligne que Sebta subit l’influence de Tétouan et de Fnideq, «très touchées par le salafisme et d’où des dizaines de radicaux sont partis nourrir les rangs de l’EI en Syrie», El Pais rappelle qu’en juin 2012, un imam originaire de Tétouan et condamné pour avoir été l’un des «penseurs» des attentats de Casablanca en 2003, prêchait dans la mosquée Al Tauba à Sebta.

«La Vallée de la Mort»

Une autre raison est que les populations musulmanes de Sebta et Melilla souffrent d’inégalités sociales criantes. On y a en effet des centres-villes riches, d’une part, opposé des quartiers plus défavorisés, à majorité musulmane. A Sebta, par exemple, le quartier d’El Príncipe est décrit par Jeune Afrique comme un «bout du Maroc», où on parle principalement le darija, et où il n’y a «ni cafés ni commerces à l’occidentale». Avec ses 12.000 habitants quasiment tous musulmans, l’endroit est considéré par l’Etat espagnol comme l’un des quartiers les plus dangereux.

Du côté de Melilla également, nous avons un quartier très chaud, où les habitants n’hésitent pas à cautionner les attentats terroristes. Il s’agit de la Cañada de Hidum (la Vallée d’Hidum), aussi appelé «la Cañada de la Muerte» (la Vallée de la Mort). La chaîne espagnole Antena 3 y a effectué un reportage en juin dernier, avant les attaques terroristes en Catalogne. Les images sont choquantes. Certains habitants justifient les attentats terroristes en Europe par le fait que «les musulmans en ont assez des chrétiens, qui leur rendent la vie impossible». L’un des intervenants va même jusqu’à faire une menace effrayante, devant la caméra: «Je peux prendre un camion et aller commettre une bêtise, parce que regarde comme ils nous traitent, piégés ici».

https://www.youtube.com/watch?v=B8GmM6qsyoU

 

La précarité économique dans les deux villes (le taux de chômage dépasse 30% à Sebta) semble donc favorable à la radicalisation religieuse de certains habitants. Et l’historien spécialiste du Maghreb pierre Vermeren d’ajouter au micro de franceinfo: «Il est sans doute plus facile, pour les recruteurs, d’agir dans ces villes qui rencontrent une circulation maritime, aérienne et terrestre intense».

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