Vidéo. Piratage de livres: les professionnels tirent la sonnette d'alarme

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Les livres piratés prolifèrent dans plusieurs villes du royaume et inquiètent éditeurs et libraires. Ces ouvrages, généralement best-sellers sont vendus des fois jusqu’à dix fois moins cher que les originaux. Un phénomène pris à la légère, mais qui représente une véritable menace pour la chaîne du livre. Reportage.

Bichr Bennani est directeur de la maison d’édition «Tarik Editions». Un travail qu’il occupe surtout par passion, vu l’état actuel du secteur du livre au Maroc. Bichr Bennani affirme que les ventes des livres ont régressé depuis une dizaine d’années poussant une cinquantaine de libraires à baisser le rideau.
Et pour cause, le manque de sensibilisation à l’importance de la culture en général et de la lecture en particulier, mais également l’apparition de vendeurs ambulants de livres piratés qui menacent le marché des livres. Bichr Bennani en a d’ailleurs bien pâti. Durant plusieurs années, chaque fois qu’une nouvelle édition de son titre «Tazmamart Cellule 10 » sortait, elle était tout de suite piratée et vendue à des prix dérisoires.
«Les lecteurs non avisés croient que les libraires les arnaquent, ces derniers se retrouvent par défaut à vendre beaucoup moins… Et quand les libraires sont affaiblis, c’est toute la chaîne du livre qui se casse. Les distributeurs en paient les conséquences, mais également les auteurs qui hésitent par la suite à produire…», déclare Bichr Bennani.
Selon cet éditeur, cette situation nuit à la réputation du marché du livre marocain à l’étranger. «Ceci donne une image très négative du pays. Certains fournisseurs français se demandent c’est quoi l’intérêt à envoyer des livres au Maroc si ces derniers vont finir piratés. Résultat, ils fournissent aujourd’hui une quantité limitée aux libraires».
Abdelkader Retnani, président de l’Union Professionnelle des Éditeurs du Maroc (UPEM) du Maroc nous explique que l’expansion de ce phénomène a eu lieu en 2017. «Bien sûr, la contrefaçon des livres existait bien avant, mais à une petite échelle. Aujourd’hui, les livres piratés sont étalés sur les grandes avenues et vendus à la vue de tous», explique Retnani.
L’origine du mal
Pour connaître la provenance de ces livres, nous avons interpellé plusieurs «libraires ambulants» exerçant leur commerce à Casablanca. Si la plupart d’entre eux se sont montrés méfiants et ont refusé de répondre à nos questions, l’un d’eux a finalement bien voulu en parler. «Nos fournisseurs sont derrière les barreaux, la police a saisi leur stock. Aujourd’hui je me retrouve à vendre des livres à 30 DH alors que je les vendais à 20 voire à 15 DH parce que j’ai plus de mal à me les procurer», confie l’un des vendeurs.
Une information qui rejoint les déclarations de Retnani. Selon lui, ces livres sont piratés et imprimés en Égypte. Un Égyptien et trois Marocains ont d’ailleurs été arrêtés et des tonnes de livres (voir images ci-dessous), dont des best-sellers arabes et français et des dictionnaires Larousse ont été saisis en avril dernier. Les mis en cause ont avoué avoir fait entrer des dizaines de containers de livres, soit des milliers d’ouvrages.

Bien sûr, ceci n’exclut pas l’existence d’un circuit local. Ceux qui en bénéficient envoient les livres piratés à des petits imprimeurs et copient à l’identique les livres profitant de l’absence des frais en dehors des frais du tirage. «Ils n’ont ni frais de fabrication, ni celles de la mise en page ou de la couverture, ils ne payent pas de droits d’auteur. C’est donc normal que cela leur revienne moins cher», ironise Bichr Bennani.
Les professionnels cherchent l’intervention urgente des pouvoirs publics
Afin de faire front face à ce phénomène, Abdelkader Retnani, Bichr Bennani et certains libraires interrogés, dont Yacine Retnani, partagent le même avis. Intervention en urgence des autorités et sanctions très sévères sont la formule gagnante pour éradiquer le piratage des livres.
«On prend le code-barre, on prend l’ISBN (International Standard Book Number) on fait à l’identique et c’est passible de prison. Mais les pouvoirs publics, et c’est là où je me pose des questions, ont laissé ces vendeurs se transformer de vendeurs à la sauvette en vendeurs qui ont pignon sur rue. Il y a quelque chose qui n’est pas claire… Il faut que le ministère de l’Intérieur s’intéresse à ce problème», déclare Retnani.
Et d’ajouter «J’ai personnellement sensibilisé le ministre de la Culture et de la Communication qui a dit qu’il allait faire une enquête pour arrêter ce système néfaste. On parle des droits d’auteurs et de propriété intellectuelle là ! Il faut donner un châtiment très dur pour qu’ils ne reviennent pas sur le terrain une deuxième fois», Retnani affirme que les autorités égyptiennes ont également été mises au courant.
« J’ai rencontré le président des éditeurs égyptiens à Francfort. Il m’a dit qu’il a avisé le parquet et qu’ils étaient en train de faire le nécessaire pour freiner l’hémorragie … Je ne sais pas si ce sera vraiment fait, mais une chose est sûre, les responsables égyptiens sont gênés parce qu’un de leurs citoyens est impliqué dans cette opération… Ils ont exprimé explicitement se désolidariser de ces actes-là».

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