Vidéo. Gestion des déchets au Maroc: quelles solutions durables ?

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Salaheddine Mezouar, en introduction de la table ronde sur la valorisation des déchets au Maroc, à la CGEM, le 27 février 2019. DR

Mercredi 27 février, la COVAD (Coalition pour la Valorisation des Déchets) a organisé une table-ronde en partenariat avec la CGEM, l’AMCDD (Alliance Marocaine pour le Climat et le Développement Durable) et l’AESVT (Association des Enseignants de Sciences et Vie de la Terre) sur le thème de « Valorisation des déchets au Maroc: quels choix durables et à forts impacts pour nos villes? ».

En introduction, Salaheddine Mezouar a présenté les enjeux du sujet tout en dressant le bilan de l’état actuel de la gestion des déchets au Maroc. « Beaucoup d’acteurs font des choses mais l’efficacité n’est pas encore là », a énoncé le président de la CGEM, regrettant le manque de structure et l’importance du secteur de l’informel.

Il a rappelé la nécessité de « faire des choix », ainsi que celle de respecter « son rôle dans la valorisation des déchets », qu’on soit « un acteur associatif, économique ou politique ». Il a affirmé qu’il y a aujourd’hui « une démarche et une volonté de participer activement à la résolution de ce problème-là ».

 

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Mustapha Bakkoury, président du Conseil de la région de Settat-Casablanca a quant à lui soulevé « la complexité institutionnel qui entoure le problème des déchets ». Certaines communes sont si petites qu’elles ne peuvent aborder ce sujet de façon pertinente sans envisager l’intercommunalité, a-t-il expliqué, ajoutant que « personne ne veut recevoir les déchets chez lui ».

Le Maroc en transition vers une économie verte ?

A ce titre, le président de la COVAD, Mohamed Chaïbi, a énoncé l’ambition de la Coalition de transformer les déchets en ressources énergétiques, affirmant que la gestion des déchets doit être considérée par toutes les composantes de la société.

Différents panélistes de la société civile ont ensuite émis leurs remarques, à l’instar de Hassan Chouaouta, président de l’AMEDE (Association Marocaine des Experts en gestion des Déchets et en Environnement). L’expert international dans la gestion des déchets a évoqué le renforcement de la politique nationale de gestion des déchets depuis la loi 28-00, notamment avec la mise en place du Programme national des déchets ménagers (PNDM).

Ce programme appuie les collectivités territoriales et prévoit une valorisation des déchets de 20% d’ici 2022. « Actuellement, on n’est qu’à 7% de valorisation, donc même avec toute la bonne volonté du monde, on n’atteindra pas l’objectif prévu », regrette-t-il.

En parallèle, quelques 80 plans provinciaux et préfectoraux ont été adoptés « mais seulement 10 ont été mis en application, ce qui remet en cause l’utilité de ces plans », déclare l’expert. « Aujourd’hui, les solutions dégagées par les élus ne tiennent pas compte de ces plans provinciaux », déplore-t-il.

La région Casablanca-Settat accumule à elle seule 40% des déchets industriels au niveau national. Le Maroc importe 1.1 million de tonnes de déchets plastiques par an soit 25 milliards de dirhams, alors que nous enfouissons pratiquement 600 000 tonnes de déchets plastiques.

Le constat pessimiste de l’expert se poursuit quant aux engagements internationaux auxquels a pris part le Maroc, comme l’Accord de Paris sur le climat qui l’engage à réduire sa production de déchets de 42% d’ici 2030 pendant que le secteur des déchets représente 8% des émissions de gaz à effets de serre. 12% de la réduction de ces émissions sont liés à la réduction des déchets.

 

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Chouaouta cite alors les exemples européens de gestion des déchets. 51% des déchets ménagers en Europe sont recyclés et 13% sont valorisés. La mise en décharge ne représente que 26% tandis qu’au Maroc 90% des déchets finissent en décharge.

« On n’a pas de vision et pas de stratégie adaptée », enchérit Abderrahim Ksiri, coordinateur national de l’AMCDD.

Quelles sont les alternatives à la mise en décharge, d’autant plus lorsqu’on sait que 65% des déchets marocains sont organiques et pourraient donc bénéficier d’un recyclage énergétique?

Non à l’incinération

Tous les panélistes s’accordent pour dire que l’incinération n’est pas une solution favorable. Les cendres issues de la combustion des déchets sont fortement chargées en métaux lourds qui, pour éviter la pollution de la nappe phréatique, nécessitent un enfouissement en décharges de type III, que le Maroc ne possède pas encore.

Mamoun Ghallab, président de l’association Zero Zbel, abonde en ce sens. « L’incinération est une grosse erreur », assure-t-il, rappelant qu’aux Etats-Unis, aucun incinérateur n’a plus été construit depuis 1997 car les communautés le refusent pour des questions de santé publique. Ghallab conseille de se pencher davantage vers la méthanisation.

Cette méthode de production de biogaz s’opère déjà dans les décharges d’Oujda et de Fès dont la moitié des besoins en électricité est approvisionnée par son moteur au biogaz. Quant à la solution du compostage, elle est pour sa part évincée car nécessite trop d’espace – une ville comme Casablanca et sa région auraient besoin d’un espace de 500 hectares.

Côté tri sélectif, on en est seulement au stade de projets-pilote, énonce Ghallab. « Il manque de la volonté politique », confie-t-il, citant l’exemple de l’interdiction des sacs plastiques en 2016 mais qui n’est toujours pas complètement respectée, au vu de la production informelle qui sévit dans ce secteur. Zero Zbel a d’ailleurs formulé un rapport sur ces dérives afin que les autorités renforcent leur dispositif; Ghallab assure que les choses sont en train de s’améliorer.

Mediouna, la décharge infernale

Depuis l’appel à manifestation d’intérêt datant de juin dernier, silence radio. Bakkoury, président du Conseil de la région Casablanca-Settat promet pourtant de « mobiliser sur Mediouna tous les moyens que nous pourrons mobiliser pour aider à la solution institutionnelle, économique et technique ».

En attendant, les élus de la ville ont brillé par leur absence lors de cette rencontre qui avait notamment mis à l’ordre du jour le cas particulier de la ville de Casablanca et sa décharge à Mediouna.

La directrice régionale de l’environnement de la région de Casablanca-Settat et représentante du Secrétariat d’Etat chargé du Développement durable, Seloua Senoussi, a confié qu’une somme d’environ un milliard de dirhams devrait être accordée au projet de la nouvelle décharge de Mediouna, « mais rien n’est encore signé, c’est simplement planifié », précise-t-elle.

Mamoun Ghallab rappelle que c’est un problème politique. « On est face à une énorme décharge au milieu d’une économie informelle avec divers intérêts économiques et politiques », pointant du doigt le cas des quelques 4000 chiffonniers qui vivent du trafic de cette décharge. « Au final, les seuls qui font le tri et le recyclage, ce sont eux », constate le président de Zero Zbel qui pense qu’« il n’y a pas encore la volonté politique suffisante de donner réellement leur place aux chiffonniers ».

Le panéliste invite à s’inspirer de modèles étrangers d’intégration des chiffonniers comme au Chili où ces derniers bénéficient d’une formation avec une certification étatique, ou encore en Colombie, où la décharge de Bogotá accumule près de 20 000 chiffonniers officiellement intégrés via des coopératives, et payés le même tarif que des prestataires.

Cette collaboration entre délégataire et chiffonniers fournit plus de 60% des matières recyclables de Colombie, détaille Ghallab. Au Maroc, la seule décharge qui inclut les chiffonniers dans un système formel est celle de Rabat, via son centre de tri Oum Azza qui forme les chiffonniers comme ouvriers-trieurs.

Pour rappel, Casablanca produit 7 millions de tonnes de déchets par an.

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