Vidéo. Coronavirus: les restaurants chinois de Casablanca désertés?

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L’annonce de l’expansion du coronavirus a suscité de par le monde des réactions plus ou moins rationnelles. Les remarques ou actions xénophobes et racistes envers la communauté asiatique et en particulier chinoise ont été relayées dans la presse internationale. Qu’en est-il des restaurants chinois de Casablanca? Subissent-ils une baisse de clientèle ou des comportements soupçonneux de la part des Marocains? H24Info est allé leur poser la question. 

Quatre clients américains déjeunent ce jour-là au Shanghai Garden. A part eux, le restaurant est vide. « C’est souvent comme ça le midi », affirme Aziz, un serveur du restaurant. « Les clients abondent davantage le soir et pendant le weekend ». Le coronavirus ne semble pas avoir altéré significativement la fréquentation de ce restaurant ouvert en 2008. C’est ce que nous confirme le patron, vivant au Maroc depuis 20 ans et possédant un autre restaurant chinois à Rabat. « Pour nous, il n’y a pas de problème ».

La clientèle a baissé seulement au niveau des touristes chinois qui représentent selon le serveur environ 10% des fréquentations. « Rien que pour le mois dernier on a eu cinq annulations de groupes touristiques chinois qui devaient passer par notre établissement », confie Aziz, nous montrant les mails d’annulation de réservations des agences de voyage.

Un autre restaurateur chinois préférant garder l’anonymat témoigne également positivement. Pour lui, rien n’a changé, et c’est surtout « parce que [ses] clients [le] connaissent depuis longtemps, ce sont des habitués ». D’ailleurs, ce petit restaurant du centre-ville faisait salle quasi-comble le jour de notre passage.

 

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Ce n’est pas le cas de ce restaurant ouvert il y a trois ans dans les environs du boulevard Zerktouni. Le propriétaire préférant témoigner de façon anonyme, parle d’une baisse de 20% de sa clientèle habituelle. Encore une fois, il s’agit surtout des touristes chinois. Le reste de sa clientèle se constitue globalement d’étrangers et de Chinois résidant au Maroc, car « les Marocains n’aiment pas beaucoup la nourriture chinoise », témoigne ce restaurateur installé à Casablanca depuis 15 ans.

Non loin de là, une autre restauratrice souhaitant garder également l’anonymat s’apprête à clore son service du midi. « La plupart des clients demandent après le coronavirus », raconte une serveuse qui estime que la clientèle a baissé de 50% depuis l’annonce du coronavirus, clients chinois comme marocains. « Je ne peux pas savoir si nous avons fait un mauvais mois ou si c’est la faute du virus », tempère-t-elle.

« Les Chinois ne sont pas des virus »

Sur les réseaux sociaux, les membres de la communauté asiatique ou d’origine asiatique ont témoigné de nombreux comportements subis depuis l’apparition du coronavirus. A Prague, cette semaine, un restaurant vietnamien a interdit l’entrée aux clients chinois pour soit-disant protéger la « santé publique »Des touristes chinois se sont fait cracher dessus à Venise, selon des informations de presse. En France, la une d’un quotidien régional (Courrier picard) a fortement choqué avec son titre « Alerte jaune » et son éditorial intitulé « Le péril jaune? ». Les réactions racistes dans le métro ou dans les magasins ont décuplé à tel point qu’un internaute a lancé le hashtag #JeNeSuisPasUnVirus.

« Les Chinois ne sont pas des virus », c’est également ce que martèle le restaurateur chinois boulevard Zerktouni qui se montre en même temps compréhensif: « Si les gens paniquent, c’est normal, en raison de l’épidémie du virus en Chine ». Néanmoins au Maroc, le restaurateur rapporte ne pas avoir subi de remarques xénophobes.

Idem pour le restaurateur chinois du centre-ville qui déclare que les Marocains qu’ils croisent au quotidien n’ont pas changé de comportement à son égard. « Je pense que je suis bien perçu car je parle français et un peu arabe », dit-il en souriant. « Les gens doivent faire la différence entre les rumeurs et les faits réels », poursuit-il, évoquant la fausse alerte à Fès le 28 janvier dernier qui avait provoqué l’étonnement chez certains de ses clients.

« Je pense que le monde extérieur est beaucoup plus dangereux que la situation épidémiologique locale en Chine, alors j’espère que les gens ne craindront, ne s’inquiéteront, ni ne se mettront pas plus de pression », relate la restauratrice anonyme qui ne dit pas avoir subi de réactions xénophobes depuis l’annonce du coronavirus.

 

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C’est un autre son de cloche du côté du restaurant Yammy, dans le quartier de la Liberté. « Les Marocains ne veulent plus rentrer manger dans les restaurants chinois, ils voient des Chinois, ils disent ‘coronavirus' », raconte Asmaa Asima, responsable import-export du groupe Vancii à Casablanca, auquel appartient le restaurant Yammy. « On a perdu plus de 80% de notre clientèle en ce qui concerne les services de restauration, de voyage et d’hôtellerie », poursuit la responsable à Casablanca de ce groupe chinois qui comprend des entreprises d’aménagement, de voyage, de restauration, d’ameublement en import-export.

« Les Marocains veulent attendre le mois de mars avant de revenir au restaurant, le temps de voir les résultats en Chine », dit-elle, annonçant que les autorités chinoises ont bloqué les importations jusqu’au 8 mars minimum. Certains commerçants pourraient d’ailleurs bientôt manquer de stock. En face du restaurant Yammy, Asmaa Asima désigne la devanture d’un commerce chinois déjà fermé depuis quelques jours, ne recevant plus ses marchandises.

Importations chinoises: panique à la douane

Le groupe Vancii importe de Chine divers meubles et matériels, ainsi que certains produits alimentaires pour ses supermarchés et restaurants chinois: des sauces et des épices. « Nos produits alimentaires importés sont analysés dans un laboratoire en Chine puis ici au Maroc, donc il n’y a pas de risque de contamination », explique la responsable qui nous fait visiter leur magasin mitoyen au Yammy.

Asma Asima nous raconte par ailleurs ses déboires avec les services douaniers concernant le contrôle des derniers containers arrivés de Chine. « Les agents douaniers et les inspecteurs ne voulaient pas travailler sur les importations chinoises. Ils ne voulaient pas ouvrir les containers pour effectuer la visite, car ils avaient peur du coronavirus ».

« J’ai donc acheté un produit désinfectant que j’ai laissé dans le container deux ou trois jours avant d’effectuer la visite. J’ai également acheté des masques et des gants pour les ouvriers, sinon ils ne voulaient pas travailler. En tout, j’ai acheté plus de 1.600 cartons de masques et de gants », ajoute Asima qui réceptionne les produits du groupe dans les ports de Casablanca, Tanger, Nador et Agadir.

« Il y a eu des rumeurs qui affirmaient que le virus peut rester 14 jours dans un container, donc les ouvriers de la douane ont eu peur d’intervenir. Tout le personnel a entendu cette période d’observation. Alors qu’une fois parti de Chine, le container met un mois avant d’arriver au Maroc ». « Finalement grâce aux masques, les ouvriers ont continué à travailler. On les a rassurés et on attend de voir les solutions », conclue Asmaa Asima, ajoutant que le groupe a même exporté des masques en Chine via des associations chinoises à Casablanca pour pallier à la pénurie dans l’Empire du Milieu.

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