Tourisme national: «Ntla9aw fbladna», oui mais à quel prix ?

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Toujours frappé par la crise sanitaire, le secteur du tourisme, mise cette saison encore sur les touristes nationaux pour sauver les meubles, avec notamment la campagne «Ntla9awfbladna». Pourtant pour de nombreuses personnes, les séjours au Maroc riment souvent avec «déception», «cherté» et «arnaques». Témoignages.

La saison estivale pointe le bout du nez, et pour le moment l’ouverture des frontières demeure incertaine. Tout comme l’année dernière, de nombreux Marocains se préparent à passer leur été au royaume. Une chance diraient certains, au vu des plages, du beau temps et de la gastronomie marocaine à la renommée mondiale.

Pourtant, nombreux sont ceux qui gardent un goût amer de leurs séjours obligés passés dans le royaume. C’est le cas de Hajar, installée à Rabat et qui après la fermeture des frontières a dû renoncer à ses escapades habituelles en Asie. «Je cherchais toujours à passer mes vacances à l’étranger plutôt qu’ici», confie-t-elle.

Il y a quatre ans, elle opte pour un séjour d’une semaine à Dakhla dont elle garde un bon souvenir, mais qui lui aura coûté 14.000 DH. L’année suivante, elle opte pour un voyage organisé en Thaïlande, proposé à 16.000 DH par une agence de voyages française.

«Tant qu’à faire je préfère payer légèrement plus, mais au moins le dépaysement est garanti», confie Hajar, qui depuis a visité l’Indonésie et la Malaisie, avec des formules qui lui offraient «ce luxe d’adapter au millimètre son séjour, comme le choix d’un spa, d’une journée en bateau ou à la montagne».

En 2020, fermeture des frontières oblige, Hajar a dû se passer de ses escapades asiatiques pour se rabattre sur des vacances d’été au royaume. Avec le même budget annuel, elle s’est offert deux escapades, à Nador et à El Jadida. «J’ai déboursé un peu moins de 20.000 DH pour un cadre moyen, des chambres veilliottes et des services standards dans des hôtels dits de grand luxe», confie-t-elle. Le tout avec des prix entre 2.000 et 3.000 DH la nuit.

 

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Des tarifs souvent scandaleux vu le service pas toujours à la hauteur. Et notre interlocutrice de se demander comment fait «un cadre moyen qui ne peut pas se permettre de rester 10 jours dans ces hôtels, encore moins en famille».

Des ses recherches pour planifier son voyage, Hajar a pu observer «qu’il n’y a pas de juste milieu et les destinations prisées au royaume sont hors de prix». «Avec le même budget, j’aurais pu aller en Asie ou en Europe, en profitant réellement de mes vacances, car au final je n’ai pas pu quitter l’hôtel, étant donné les rares activités proposées dans l’hôtel ou aux alentours»,  affirme-t-elle.

Déception sur déception

Ayoub et Kenza, un jeune couple fraichement marié a également dû renoncer à leur voyage à l’étranger après la fermeture des frontières. Ils sont passés par un grand site de réservation en ligne et ont opté pour Agadir. Leur mésaventure débute à l’arrivée lorsqu’il découvrent un hôtel «délabré et où aucune distanciation n’est respectée».

«Nous sommes arrivés vers 14h. D’entrée, on nous annonce que notre chambre ne sera libre que dans trois heures, mais qu’ils pouvaient nous en proposer une dans l’immédiat, qu’on a fini par accepter», nous expliquent-ils. «Avant de voir notre chambre, on nous a forcés à payer, mais par la suite, j’ai beaucoup regretté d’avoir accepté», confie Ayoub.

Le couple a été conduit par la suite, «dans une chambre aménagée à la cave», alors qu’ils avaient réservé une chambre avec vue sur piscine. «Pire encore, on nous a donné deux lits séparés d’une taille ridicule et lorsqu’on a exigé un lit décent, leur réponse a été de rapprocher les deux lits, une aberration !», affirme Ayoub.

«L’hôtel ne mérite aucune des quatre étoiles qu’on lui a attribuées», surenchérit Kenza. «Nous ne pouvions pas rester dans de telles conditions et j’ai donc demandé à être remboursé», poursuit Ayoub.

Remboursé en partie, le couple cherche alors un deuxième hôtel dans la ville. «Tous me disaient qu’ils ne disposaient que de ce qu’ils appellent des lits à l’italienne, c’est-à-dire deux lits simples qu’on peut rapprocher», explique Ayoub.

«On a fini par trouver un hôtel à 1.500 DH la nuit, un prix correct. Mais on a vite compris l’entourloupe. La chambre était juste au-dessus de leur boîte de nuit et donc impossible de fermer l’œil, bien qu’heureusement un couvre-feu était instauré à l’époque», poursuit le couple.

 

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«La piscine n’est plus accessible à 18h et c’est au même moment que le boucan de la boîte de nuit commence. On sortait afin d’éviter tout ce bruit. Et bien que je sois de la région, on s’est vite ennuyés, car il n’y a pas grand-chose à faire en ville», confie Kenza.

«Notre expérience a été terrible vraiment. On regrette encore d’y être allés», disent-ils déçus.

Safia et Hachim, un couple cinquantenaire a attendu le mois de septembre pour s’offrir quelques vacances avec leurs deux enfants installés à l’étranger. Ces derniers ont profité de l’ouverture partielle des frontières pour rejoindre leurs parents, avec qui ils avaient pris pour habitude de passer leurs vacances en Europe.

La famille a loué sur le même site de réservation en ligne une villa pour six nuits. L’addition a été salée, confie Safia, mais «nous savions déjà que nous payerons beaucoup plus que ce nous avions l’habitude de payer pour un séjour dans le sud de l’Espagne ou au Portugal, même en plein mois d’août».

« Offre inadaptés aux besoins des Marocains »

A l’arrivée, pour une location d’une semaine, la famille a dû payer quelque 22.000 DH, «pour une villa très bien équipée et avec une belle piscine», nuance Hachim. Mais évidemment, il faut encore ajouter à cela, tous les repas et extras que nous avons dû dépenser pour ce séjour de moins d’une semaine, poursuit Safia.

«Ce voyage, nous auras au moins ouvert les yeux (…) et sincèrement si les frontières ouvrent cette année, nous irons sans la moindre hésitation à l’étranger», s’accordent-ils.

Ces quelques témoignages ne reflètent évidemment pas l’appréciation de tous les vacanciers nationaux. Et pourtant, le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) a déjà pointé dans un rapport, tous ces reproches de nos touristes nationaux.

En effet, dans son rapport sur le secteur touristique publié l’an dernier, le CESE évoque d’abord une «une attractivité et compétitivité insuffisante», qui n’est pas «alignée à l’offre touristique internationale».

Le CESE notait également le «manque d’équipements en animation, notamment culturelle et sportive, dans la plupart des destinations et pour toute la chaîne de valeur». Ainsi qu’un «capital humain peu qualifié».

Le « Plan Biladi », qui avait pour ambition de proposer une «série de stations touristiques assortie de produits et de prix adaptés au profil des voyageurs nationaux», n’a pas abouti. «Le taux de concrétisation du plan Biladi se situe à moins de 30% et reste en deçà des espérances à cause de la proposition d’une panoplie de produits peu animés et inadaptés aux besoins des Marocains», soulignait le CESE.

 

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