Tarik Smani, le chercheur marocain qui veut percer les mystères du cœur humain

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Crédits : Dario de Sevilla

Sur la page web de l’Institut de biomédecine de Séville (IBIS), le professeur Tarik Smani se démarque, non pas par l’exotisme de son patronyme mais par la richesse de son parcours académique. Docteur en biologie et professeur titulaire en physiologie médicale et biophysique, Pr. Smani s’applique à percer les mystères du cœur humain dans les laboratoires de l’hôpital universitaire Virgen Del Rocio de Séville, un centre hospitalier andalou de référence.
Né à Meknès en 1971, Tarik Smani s’envole vers l’Espagne après l’obtention de sa licence en biologie à la faculté des Sciences de sa ville natale, en 1993. A cette époque, la vocation scientifique des établissements universitaires espagnols était méconnue.
« Je suis un pur produit de l’école marocaine », affirme-t-il dans une déclaration à la MAP, ajoutant que « peu d’étudiants misaient sur l’Espagne et plus précisément Séville comme destination pour entreprendre des recherches scientifiques, d’autant plus que les bourses espagnoles étaient une denrée rare, voire inexistante à cette période ». « J’ai dû d’ailleurs contracter un crédit pour pouvoir mener à bout mon projet », se souvient-il.
C’est en 1995 que le jeune étudiant débarque à Séville. Plus de vingt ans après, la date est restée gravée dans sa mémoire. Dans la capitale andalouse, le jeune étudiant centre ses recherches dans le domaine de la physiologie, sous la supervision d’un professeur exigeant mais dont la réputation académique n’était plus à démontrer.
« Ma première thèse était sur les artères pulmonaires. Ce fut un grand moment d’apprentissage où j’ai approfondi mes connaissances et rencontré des personnes extraordinaires ayant marqué ma trajectoire à jamais », souligne-t-il reconnaissant. Après cinq ans où il n’a eu de cesse d’améliorer ses acquisitions scientifiques, vint l’heure du bilan.
Ne pouvant rien contre le virus des recherches scientifiques qu’il a attrapé et motivé par une quête de l’excellence, c’est aux Etats-Unis qu’il réoriente sa destinée scientifique. « J’ai reçu un appel de la part de la direction d’une université américaine où j’ai postulé. Le centre était à la recherche d’un profil comme le mien », poursuit le professeur marocain.
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C’est de la sorte qu’en février 2001, Smani entreprend un nouveau départ, direction Boston. « Il a fallu tout reprendre dès le début, mais j’étais animé par une grande force de volonté », ajoute-t-il. Ainsi, il devient chercheur postdoctorant, entre 2001 et 2004, au Whitaker Cardiovascular Institue Boston University, School of Medecine.
« Nous étions un mélange de nationalités et je me sentais bien accueilli au sein de cette communauté scientifique où je préparais mon postdoc, comme on l’appelle dans le jargon », se remémore-t-il.
Ses qualités ne tardent pas à se dévoiler au grand jour. Le postdoctorant a même publié dans l’une des prestigieuses revues scientifiques de Boston. Le sacre pour un chercheur.
Or, les sirènes en provenance de l’Espagne retentissent à nouveau. Pour attirer les profils de haut niveau dans les métiers de la science, le gouvernement espagnol d’alors lance des programmes d’excellence pour séduire les cerveaux les plus brillants.
« Il s’agissait de 250 contrats de recrutement, toutes disciplines confondues et à peine 11 au niveau de notre spécialité », précise le chercheur marocain qui n’a pas résisté à cet appel.
« Quitter Boston et revenir en Espagne n’était pas une décision facile à prendre. Cependant, j’étais arrivé à un point dans ma carrière où il fallait faire un choix », explique-t-il sa décision. Le docteur décroche haut la main une place dans ce programme d’excellence et traverse à nouveau l’Atlantique.« Je voulais être proche de mon pays, de ma famille et cette opportunité était pour moi l’occasion à saisir pour continuer à nourrir ma passion pour les recherches tout en se rapprochant de ma terre et de mes origines », précise-t-il.
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Des regrets ? « Jamais. Certes des fois je suis assailli par la nostalgie mais j’estime que j’ai fait le bon choix. Avec l’âge, nous prenons conscience des choses simples mais importantes qui font ce que nous sommes en réalité », admet-il.
Ses envies d’exceller le rattrapent. Pr. Smani met du cœur à l’ouvrage et fait appel à la quintessence de ses années de recherches et de dévouement à l’investigation, pour mettre au point un produit cardioprotecteur.
En 2007, la prestigieuse revue scientifique Circulation, spécialisée en cardiologie, publie le travail du professeur marocain Tarik Smani. Il venait de découvrir les effets cardioprotecteurs de l’hormone urocortine. En compagnie d’un chirurgien cardiovasculaire, Pr Smani met au point le procédé permettant d’optimiser les conditions de greffe d’un cœur chez un patient transplanté. La presse espagnole est fascinée par les prouesses de ce chercheur marocain.
Tout une reconnaissance pour ce Marocain dont la passion pour son métier n’a d’égale que sa détermination à porter haut les couleurs de son pays.
« Je suis redevable à mon pays et j’aimerais pouvoir rendre cette dette. Mon souhait est de contribuer à la formation des jeunes chercheurs marocains désireux de se jeter dans les bras de la science et de la recherche », espère Pr. Smani. Les murs de son bureau sont agrémentés de quelques souvenirs du pays.
« J’y vais souvent avec mon fils de 11 ans et ma femme. J’invite aussi des amis pour qu’ils découvrent la richesse de ma terre. Le Maroc est en nous, nous le portons dans nos cœurs », déclare-t-il ému.
Pr. Smani aime découvrir et nourrir sa curiosité scientifique mais aussi transmettre son savoir. A partir de 2012, Dr. Smani partage ses compétences avec des étudiants de plusieurs facultés de Séville, dont celle de médecine.
Sa trajectoire professionnelle est certes ponctuée d’allers-retours et quelques détours, mais sa direction est claire. Insatiable, le professeur Smani estime que sa mission est loin d’être accomplie. « Je pense aux prochaines solutions qui seront découvertes dans nos laboratoires et qui seront d’un grand apport au monde de sciences de la santé », affirme le chercheur marocain.

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