Stop panique: « Le masque chirurgical ne protège pas du coronavirus »

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Face à la panique, les professionnels de santé rappellent que «le masque chirurgical ne protège pas du coronavirus», selon les recommandations mêmes de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

A Casablanca, les pharmacies ont récemment été prises d’assaut par les citoyens affolés par l’expansion mondiale du coronavirus. Le masque chirurgical – ou médical – est devenu malgré lui l’ultime achat pour s’armer contre le virus COVID-19 dont 95% des contaminés se situent en Chine, dans la province de Hubei. Les professionnels de santé tiennent à rappeler que «le masque chirurgical ne protège pas du coronavirus», selon les recommandations mêmes de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

La demande de masques dans les pharmacies s’est accentuée à partir de mardi dernier, lorsqu’un cas positif a été avéré en Algérie, s’accordent à dire certains professionnels interrogés. «A partir de ce moment, mon stock de 100 masques s’est écoulé en seulement deux heures», témoigne Chama Khalil, pharmacienne à Hay Moulay Rachid. «Les gens commencent vraiment à paniquer, ils me demandent de leur vendre 15, 20 pièces voire tout mon stock! Mais par éthique, je refuse d’en vendre plus de trois à une même personne», poursuit-elle.

«Un masque chirurgical ne protège pas du coronavirus. Il permet à une personne infectée de ne pas contaminer les autres, mais si une personne non malade porte un masque dans une atmosphère qui contient des germes, elle sera certes un peu plus protégée, mais ce n’est pas fiable à 100%», explique notre interlocutrice.

 

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Seuls les agents de santé, les personnes qui s’occupent de malades et les personnes qui présentent des symptômes respiratoires (fièvre et toux) doivent porter un masque, lit-on sur le site de l’OMS qui «recommande de faire un usage rationnel des masques médicaux afin d’éviter le gaspillage de ressources précieuses et les risques de mauvaise utilisation des masques». «Si vous êtes en bonne santé, vous ne devez utiliser un masque que si vous vous occupez d’une personne présumée infectée par le 2019‑nCoV», insiste l’institution.

«Sur le plan technique, un masque chirurgical a un pourcentage de filtration qui peut varier entre 20 à 99%. Sur le plan visuel, c’est le même masque, mais sur le plan qualitatif, c’est totalement différent en fonction du filtre utilisé. Avoir un masque à filtration de 23% jusqu’à 40 ou 50%, c’est comme ne rien porter», abonde Anouar Yadini, président de l’Association marocaine des professionnels des dispositifs médicaux (AMPDM). Il rappelle aussi que «le simple masque ne protège pas de la contamination», que son efficacité est d’une durée de 3-4h, et qu’il existe «tout un protocole hygiénique à respecter» comme le lavage des mains fréquent avec une solution hydroalcoolique ou à l’eau et au savon, l’usage unique de mouchoirs jetables, etc.

Panique et spéculation

Il faut bien faire la différence entre le masque chirurgical et le masque de type FFP2 qui lui, sert à protéger les personnes non infectées. Il est recommandé dans certains contextes: au personnel soignant et à l’entourage proche des patients hospitalisés suspectés d’être contaminés par le coronavirus.

Aucun cas de coronavirus n’a pour le moment été enregistré sur le territoire marocain. L’achat précautionneux de la bavette apparaît ainsi injustifié et irrationnel. Cette hausse soudaine de la demande a provoqué la rareté du produit dans les pharmacies d’officine. Certains revendeurs informels ont profité de cette panique pour constituer un marché noir avec des prix exorbitants.

«Une boîte de 50 masques que j’achète habituellement à 180 DH est passée à plus de 600 DH auprès de certains fournisseurs. A l’achat, un masque me revient habituellement à 1,80 DH, il est passé à 15 DH. Sur le marché noir, les prix flambent jusqu’à quintupler. Certains revendent même des masques de peintres ou d’ouvrier», détaille la pharmacienne à Hay Moulay Rachid. «Certains revendent n’importe quoi, on ne sait même pas les masques qui sont sur le marché, on n’a pas de visibilité sur leur qualité, d’où ils ont été fabriqués», renchérit Yadini.

«Il y a eu ces derniers temps des commerçants qui sont entrés dans la sphère en essayant de racheter les stocks qui étaient sur le marché local chez des sociétés de dispositifs médicaux, en souhaitant les revendre à des prix élevés», explique Anouar Yadini qui précise que le circuit de distribution des bavettes en pharmacie se distingue de celui des établissements et cabinets médicaux qui sont fournis par les sociétés de distribution de dispositifs médicaux. Les pharmacies se dotent quant à elles chez des grossistes. «Ce ne sont pas des produits vendus en pharmacies d’officine d’habitude, donc il n’y a pas un circuit rodé de distribution de ces masques-là», énonce Yadini.

«Certaines sociétés de dispositifs médicaux ont raflé tout le stock existant sur le marché pour spéculer», livre à son tour Mohamed Lahbabi, président de la confédération des syndicats des pharmaciens. «A titre d’exemple, dans ma pharmacie, j’avais fait une commande de masques FFP2 à 8 DH pour les vendre 12 DH TTC. Une fois mon stock écoulé, j’ai recommandé à la même société et j’ai été surpris de voir que le prix était de 129 DH, soit une hausse vertigineuse», rapporte le professionnel. «Sans aucun scrupule, on nous explique que ce sont les prix du marché noir», ajoute-t-il.

De son côté, Anouar Yadini, président de l’AMPDM assure qu’ «il y a eu une prise de conscience de la part des sociétés de dispositifs médicaux qui ont arrêté de vendre de manière massive à de simples commerçants». Il mentionne également que sur le circuit officiel des dispositifs médicaux adressés aux établissements et cabinets, « l y a eu une augmentation non significative du prix des masques médicaux». «Le paquet de 50 est vendu selon la marque de 30 à 100 DH, actuellement le prix élevé chez ces sociétés est de 150 DH».

Les importations facilitées par le ministère de la Santé

Ce phénomène spéculatif a eu lieu alors même que la Confédération des syndicats des pharmaciens se bat pour faire respecter la loi 17-04 du code du médicament et de la pharmacie, accordant notamment aux pharmaciens d’officine le monopole de la dispensation des dispositifs médicaux. «Où est le ministère ? Si ce monopole était respecté, que le circuit était légal, aucun pharmacien ou vendeur ne pourrait spéculer car c’est prohibé par la loi», s’indigne Mohamed Lahbabi, président de la confédération des syndicats des pharmaciens. «Aujourd’hui, tout le monde vend des dispositifs médicaux stériles sauf les pharmaciens d’officine. Si on a créé cette loi, c’est justement pour ne pas tomber dans la spéculation».

Au niveau national, il y a deux usines de production de masques chirurgicaux, une publique au niveau de la gendarmerie nationale, et une privée avec la société Pharcomedic qui tourne actuellement à plein régime, nous informe Anouar Yadini de l’AMPDM. La production nationale assure 15 à 20% du marché local. Une grande partie de cette production a récemment été exportée en Chine et certains pays européens. «On a été rassuré par le fait que l’établissement public produit un stock stratégique de ces masques. Par ailleurs, les importateurs ont commencé à prendre contact avec des fabricants d’autres pays producteurs tels que la Tunisie, la Turquie et l’Espagne en ce qui concerne les masques FFP2 qui ne sont pas produits au Maroc.»

Yadini affirme pour autant qu’il n’y a pas de pénurie: «Jusqu’à présent, il n’y a pas une vraie demande d’usage des masques de la part du grand public. Les sociétés ont encore des stocks sur le plan national et l’écoulent de manière progressive auprès des professionnels de santé sans faire de spéculation».

 

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«Aujourd’hui, on tourne à 100%, 7 j/7, 24h/24 pour répondre à la hausse de la demande. Nous avons réussi à investir dans des machines très difficiles à trouver que nous recevrons d’ici trois mois», certifie Hassan Ziyat, DG de Pharcomedic qui confie que ses prix ont été revus à la hausse «à cause de plusieurs phénomènes». «D’abord, c’est la loi de l’offre et de la demande et d’autre part, le prix de nos matières premières importées habituellement de Chine a été multiplié par six ou sept car nous nous sommes tournés vers des marchés européens».

Pour faciliter les démarches d’importation des masques de tous types qui prennent minimum quatre mois, l’AMPDM a demandé au ministère de la Santé une autorisation spéciale permettant de déroger au certificat d’enregistrement auprès de la Direction de la pharmacie et des médicaments.

«Le ministère a accepté l’idée, nous avons une réunion avec eux début de semaine prochaine pour finaliser les modalités de cette autorisation spécifique puisqu’il faut maintenir la traçabilité des produits», révèle le président de l’AMPDM. Cette réunion avec le ministère de la Santé aura lieu en prévision de demandes réelles pour combler le manque sur le moyen terme d’approvisionnement des fournisseurs chinois qui occupent normalement plus de 70% des importations locales de masques.

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