Nourrir les prévenus en garde à vue, nouveau casse-tête pour le Maroc

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Image d'illustration. Crédit: DR.

Les personnes en garde à vue vont bientôt pouvoir être nourries aux frais de l’Etat. Une vieille « omission » va ainsi être rattrapée, mais à quel prix et selon quelle démarche? Eléments de réponse. 

Jeudi 7 avril, le Conseil de gouvernement a adopté un projet de loi qui “vise à trouver des solutions législatives et organisationnelles à la question de l’alimentation des personnes placées en garde à vue, y compris les mineurs, de manière à renforcer les garanties de respect des droits de l’Homme, à humaniser la garde à vue et à garantir une bonne prise en charge des personnes interpellées”, comme l’a déclaré, le jour même, son porte-parole, Mustapha Baitas.

“C’est une très vieille omission que le Maroc compte rattraper et il était temps au vu de ses engagements internationaux en matière de respect des droits de l’Homme”, commente un avocat du barreau de Rabat. Pour notre interlocuteur, la personne placée en garde à vue est sous la responsabilité de l’Etat pour ce qui concerne sa sécurité, sa santé et son intégrité physique. Et nourrir les prévenus en garde à vue fait partie de cette responsabilité.

Des armées de bouches à nourrir

Fournir le couvert aux prévenus en préventive va soulager beaucoup de monde: les détenus en premier lieu et surtout les familles qui ne connaissent pas toujours les lieux de détention des leurs ou qui doivent mettre la main à la poche et taper à plusieurs portes pour leur faire parvenir des victuailles, entre autres. 

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Le gouvernement a annoncé avoir mobilisé, dans un premier temps, 60 millions de dirhams pour financer ce nouveau chantier. Un défi énorme vu les centaines de milliers de bouches à nourrir chaque année, à raison de trois repas par jour.

A titre d’exemple, pour l’année 2021, la DGSN avait interpellé plus de 1,4 million de personnes dont plus du tiers avait été placé en garde à vue. On imagine alors l’immensité de ce chantier quand on sait que d’autres services sécuritaires ont la possibilité de placer des prévenus en garde à vue comme la Gendarmerie royale, la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) et le Bureau central d’investigations judiciaires (BCIJ). Faites le calcul.

Ce que cela risque de coûter réellement

Selon une source proche du dossier, la question du coût risque de poser de sérieux problèmes. Depuis 2016, nourrir un prisonnier coûte 22 dirhams par jour, et ce, dans le cadre de la restauration collective assurée par des prestataires externes. L’administration des prisons (DGAPR) avait décidé alors de mettre fin au système du panier, source d’une série de tracas et surtout de trafic de drogues et de produits et objets illicites. 

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Selon les sources de H24Info, la même voie, à savoir le recours aux prestataires de la restauration collective, pourrait être adoptée pour nourrir les prévenus en garde à vue. Là aussi, le pari n’est pas pour autant gagné dans un pays qui compte 450 arrondissements de police et des centaines de brigades de Gendarmerie.

D’un point de vue logistique, les choses ne sont pas évidentes, le nombre de bouches à nourrir variant assez souvent. “Il arrive qu’on ait plusieurs dizaines de personnes en garde à vue le même jour, suite à des actes de hooliganisme par exemple, et une poignée d’individus un autre jour”, affirme une source sécuritaire à Casablanca.  

L’autre facteur qui complique les choses : la durée de la garde à vue qui varie selon les délits. Selon la législation nationale, cette durée est de 48 heures, mais peut atteindre 96 heures renouvelables dans les affaires liées au terrorisme. 

En attendant, Nadia Fettah Alaoui, ministre de l’Economie et des finances, et son collègue à la Justice, Abdellatif Ouahbi, auront du pain sur la planche. C’est à ceux en effet qu’incombe la mission de préparer les textes réglementaires (décrets d’application) pour faire en sorte que le nouveau projet de loi puisse aboutir sur du concret.

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