Mais que se cache derrière le projet de liaison maritime entre Melilla et l’Algérie?

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Emilio Guerra, député et vice-président de la société publique «Poyecto Melilla»./DR

Plébiscité chez nos voisins, le projet d’une connexion maritime entre Melilla et l’Algérie est-il vraiment viable et à quel prix? Emilio Guerra, député et vice-président de la société publique «Poyecto Melilla», qui œuvre pour la promotion du développement socio-économique de Melilla, répond à H24 Info.

Le projet pour l’ouverture d’une liaison maritime entre Melilla et le port de Ghazaouet en Algérie semble se concrétiser. Vue «d’un bon œil» par Madrid, ce projet est dans les cartons depuis une dizaine d’années, mais n’a jamais pu aboutir.

En 2012 déjà, l’autorité portuaire de Melilla affirmait qu’elle travaillait «activement sur cette nouvelle ligne maritime». À cette époque déjà, des opposants au projet avaient évoque notamment «les problèmes d’immigration qu’elle pourrait causer», écrivait ICEX, entité publique pour la promotion et l’internationalisation des entreprises espagnoles.

Mais voilà que huit ans après cette première tentative, l’actuel président de l’autorité portuaire de Melilla, Víctor Gamero, a adressé une lettre en novembre dernier au gouvernement local pour demander «son soutien express pour promouvoir une nouvelle ligne maritime entre Melilla et le port algérien de Ghazaouet».

 

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Contacté par nos soins, Víctor Gamero n’a pas daigné répondre à nos sollicitations. Il expliquait toutefois dans cette lettre datant de novembre dernier que l’ambition derrière ce projet est de «récupérer le marché algérien que Melilla possédait dans les années 1980 (…) en installant le même régime que nous avons maintenant avec le Maroc», c’est-à-dire, en octroyant une exemption de visa pour les Algériens de la ville portuaire.

Le président affirme également que l’entité «travaillait sur ce projet avant la pandémie du Covid-19» alors que se faisait sentir l’urgence de trouver de nouveaux marchés après notamment la fermeture de la frontière avec le Maroc par décision unilatérale en 2018.

Mais le projet ne revêt pas seulement un intérêt économique, mais également politique. Nous avons donc contacté Emilio Guerra, candidat au Sénat pour le parti Coalition pour Melilla (CpM), deuxième force politique de Melilla, et vice-président de «Poyecto Melilla», qui œuvre pour la promotion du développement socio-économique de Melilla, en soutenant les investissements, la création d’emplois et la formation.

«Trouver des solutions d’urgence»

Ce dernier explique que le projet «émane de notre gouvernement local, qui dans cette conjoncture doit faire face à des évènements exceptionnels, d’une part la pandémie mondiale du Covid-19 et puis d’une autre, la fermeture unilatérale de la frontière de la part du Maroc».

«Melilla est crucifiée (…) Nous ne savons pas quand est-ce que cette pandémie prendra fin et nous ne savons pas non plus ce qui adviendra de notre frontière avec le Maroc», poursuit-il. Ce pourquoi, «Melilla doit trouver de nouvelles voies (…) et nous en tant que responsables, nous devons trouver des solutions à court, moyen et long terme», confie Emilio Guerra.

Le choix de se tourner vers l’Algérie est une des solutions estiment les responsables locaux. «Nous sommes donc en train d’élaborer un plan stratégique pour mettre en avant les potentiels de Melilla et quels seront les effets indésirables que nous pourrions rencontrer avec cette nouvelle connexion», poursuit-il, soulignant toutefois que «(nous) sommes à peine en train de tâter le terrain et ce n’est pas chose faite».

 

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Pour le moment, aucune étude n’a été publiée par les autorités locales pour vanter l’apport économique qu’engendrerait l’ouverture de cette ligne. Pour le député, «tout type de relation commerciale est salutaire (…) l’évaluer dans un premier temps c’est facile, mais reste à savoir quels seront les conséquences quand elle sera réellement établie».

À titre de rappel, selon l’Association pour les droits humains d’Andalousie (APDHA) le commerce transfrontalier entre le Maroc et Melilla génère environ 1,4 milliard de dirhams de recette annuellement. «Cette frontière est notre plus grand apport économique, social et évidemment humain car les relations avec le pays voisin (le Maroc) sont très intimes», souligne Emilio Guerra.

«Nous sommes dans une situation d’étouffement et dans l’incapacité d’y remédier (…) Nous essayons de prendre des décisions d’urgence pour sortir de cette situation. Mais l’idéal pour nous et ce dont nous avons vraiment besoin, c’est de reprendre nos relations de bon voisinage avec le Maroc», confie le député.

Bien avant la propagation du Covid-19 à travers le monde, le Maroc avait décidé en 2018 de fermer son passage frontalier avec Melilla, qui sera suivi un an plus tard par celui de l’autre enclave Sebta.

Le pays a créé une mission parlementaire de prospection sur la «situation des enfants négligés et des femmes-mulets au point de passage de Bab Sebta». Le but étant d’éradiquer le phénomène de la contrebande vivrière, en mettant en place plusieurs projets alternatifs pour les communes limitrophes des deux enclaves.

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