« Maalina », le projet citoyen qui dérange

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Il y a une dizaine de jours, Ibtissam Fajar a repeint cette façade anciennement délabrée, située sur le boulevard Yaqoub Al Mansour. Crédits: Ibtissam Fajar

Le 13 mai dernier, Ibtissam Fajar, à l’initiative du projet « Maalina » a partagé sur ses réseaux sociaux une vidéo dans laquelle, elle et son ami Mehdi Naoume, nettoient et repeignent un coin du boulevard Yaqoub Al Mansour, à Casablanca. Une initiative aux réactions multiples, qui replace au cœur de la société la responsabilité du citoyen.

Initié sur Youtube en 2014, « Maalina » consiste en une série de vidéos sensibilisant sur les thèmes du savoir-être, la communication, la tolérance…en somme, « des sujets en rapport avec la culture et la société et qui espèrent apporter une touche constructive et positive », nous explique l’auteur du projet, Ibtissam Fajar.

Un projet citoyen qui aujourd’hui n’est plus seulement digital, mais inclue surtout des actions sociales et culturelles. Comme cette façade délabrée au niveau du boulevard Yaqoub Al Mansour qu’Ibtissam, elle-même habitante du quartier, a nettoyé et repeinte il y a une dizaine de jours, avec l’aide de son ami Mehdi Nouame.

Alors que cette action positive devrait réjouir tout un chacun, les petits cœurs rouge et soleils sur le mur fraîchement blanchi n’ont pas été du goût du moqqaddem qui s’est interposé de façon « désagréable et irrespectueuse », sommant les jeunes de s’arrêter sous prétexte qu’ils n’avaient pas d’autorisation.

 

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« On n’a pas voulu arrêter », raconte Ibtissam, « on était certain qu’on faisait quelque chose de bien. Les habitants du quartier étaient d’ailleurs enchantés de ce qu’on faisait. Tout le monde était là pour nous soutenir et demander au moqqaddem de partir ». Ce qu’il a fait, mais c’était sans compter la reprise de l’affaire par « son n+1 », le sheikh. « Même si ce dernier nous a rappelé sur un ton plus humain notre absence d’autorisation, nous n’avons rien arrêté et tout le quartier était content », déclare la jeune femme de 25 ans, déterminée.

 

Auto-sabotage ? 

La propreté et l’harmonie du lieu n’auront malheureusement pas fait long feu. 48h après l’initiative, le mur a été retrouvé tagué (avec l’inscription « à vendre ») et saccagé. Sur les raisons de cet acte destructeur, Ibtissam a sa petite idée et invoque « cette charge de négativité que nous avons tous, peuple marocain ». Et d’ajouter « je crois que c’est une réaction qui n’est pas choquante, qui est attendue tant qu’on n’a pas appris les bonnes manières, tant qu’on néglige encore l’importance de l’éducation et de la psychologie positive ».

Ibtissam prend alors la caméra pour interroger les gens du quartiers sur cet incident. Même si la plupart ont salué le nouveau décor, leurs discours laisse transparaître pessimisme et désespoir. « Tu peux toujours nettoyer, ça sert à rien », énonce Khalid, 29 ans, gardien d’immeuble, « le Maroc ne va jamais s’améliorer, ce ne sera jamais comme en Europe ». Ce à quoi lui répond Ibtissam « mais on ne veut pas partir en Europe, on veut vivre bien ici ».

Anouar, 28 ans, est sans-abri et s’installe régulièrement au niveau de la façade renfoncée concernée. « Si j’avais les moyens, j’aurais nettoyé cet endroit moi-même car l’espace où tu t’assoies doit être propre », déclare-t-il. Et quand Ibtissam lui rappelle le rôle de l’Etat dans la prise en charge de sa précarité, celui-ci lui répond, sarcastique, « L’État, si ce n’est pour m’envoyer en prison, il n’interviendra pas ».

Une responsabilité partagée

La responsabilité de ce genre de problématiques sociétales se rejette entre plusieurs acteurs comme une patate chaude.  « Tout le monde remet la faute sur l’autre, et du coup personne ne fait rien, et rien ne change », regrette Ibtissam, qui travaille en tant qu’auto-entrepreneur en développement humain et social. « On doit encourager les gens qui font de belles actions pour les autres. On doit s’entraider pour que nos rapports soient meilleurs, qu’on soit de simples citoyens, des politiciens ou qui que ce soit » déclare-t-elle dans cette vidéo.

 

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Même si Ibtissam comprend les gens qui rejettent cette initiative pour marquer le fait que c’est aux autorités de s’en charger, elle-même ne souhaite pas attendre et a donc pris l’initiative de changer en créant le projet « Maalina ». « On doit se sentir tous responsable de ce qu’il se passe. C’est aussi la responsabilité du citoyen que de choisir les bons responsables et de faire un suivi, c’est une responsabilité partagée », affirme-t-elle.

Toutefois, l’initiatrice reconnaît son erreur de ne pas avoir demandé au préalable l’autorisation pour traiter cet endroit. Pour parer à l’avenir à ce genre de désagrément, elle confie avoir lancé une procédure de constitution d’association via laquelle elle continuera ses actions, qui n’auront pas trait qu’à la propreté, mais aussi au développement humain et social en général.

 

 

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