Le rapport du CESE sur le cannabis vu par un expert et un cultivateur

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Le rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) pour l’année 2020 se focalise sur l’une des mesures phares adoptées l’année dernière ; la légalisation du cannabis dans le royaume. Khalid Mouna, anthropologue et professeur de sociologie ainsi que Hassan, cultivateur et revendeur d’huile de chanvre, reviennent pour H24info sur les principaux points de ce rapport. 

La deuxième partie du rapport annuel du CESE, soumis au roi Mohammed VI, porte sur la culture du cannabis et apporte un éclairage sur «la situation économique, sociale et environnementale dans les zones» cultivant cette plante.

Une vingtaine de pages est ainsi consacrée à cette question épineuse qui «porte préjudice aussi bien aux populations locales qu’au reste du pays», estime d’emblée le CESE, soulignant dès les premières lignes que cela «nécessite inévitablement une approche alternative globale».

Le CESE a dressé dans ce sens des recommandations en se basant sur l’avis d’experts nationaux et internationaux, d’élus, d’institutions publiques ainsi que celui d’associations et ONGs. Khalid Mouna, auteur notamment de l’ouvrage «Les nouvelles figures du pouvoir dans le Rif central du Maroc» est l’un d’eux.

Contacté par nos soins, l’anthropologue et sociologue souligne le «travail méthodique réalisé, qui a pris en considération l’avis d’un nombre importants d’acteurs, qu’ils soient associatifs, cultivateurs ou experts en la matière». À l’heure de l’élaboration du rapport, «la dimension humaine a été au centre du débat», indique-t-il.

Cela transparaît d’ailleurs dans les recommandations, dont la plus importante est sans doute celle appelant à «apaiser le climat social à travers des mesures et actes concrets, en vue de tourner la page des poursuites judiciaires à l’encontre des paysans et leurs familles», lit-on dans le rapport.

 

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«Nous ne pourrons jamais mettre en place une véritable politique de légalisation, sans relâcher un certain nombre de cultivateurs poursuivis dans le cadre de cette même affaire», souligne le chercheur pour qui «la fin des poursuites judiciaires relève du respect des droits de l’Homme».

Selon certaines estimations, le nombre total de mandats d’arrêt émis contre les cultivateurs avoisine 48.000, note le CESE. Et encore, «même libres, les cultivateurs ne le sont jamais. Ils sont harcelés et pris au piège dans un système de corruption», poursuit Khalid Mouna.

Pour y remédier il faudrait mettre en place «des mécanismes de concertation entre l’État, les collectivités territoriales et la société civile dans la région devraient être mis en place, afin de construire, ensemble, un avenir de développement et de progrès au bénéfice de tous», recommande le CESE.

«Rebâtir la confiance»

Contacté par H24info, Hassan* cultivateur et revendeur d’huile de cannabis, estime qu’il faudrait d’abord «rebâtir la confiance». «Il faudra un premier geste qui devrait à mon sens être une amnistie au profit des cultivateurs poursuivis», nous confie notre interlocuteur.

Même son de cloche du côté de l’anthropologue pour qui la confiance devra passer également par un «véritable développement de la région, qui est aujourd’hui complètement enclavée».

Le CESE estime que l’économie légale du cannabis doit d’abord bénéficier aux paysans cultivateurs. Dans ce sens, «l’État devrait aussi y favoriser l’installation d’activités de transformation de la plante et de distribution des produits dérivés», note le rapport.

Khalid Mouna nous explique que cette mesure a été plaidée par plusieurs, car «ce qui dérange les cultivateurs c’est d’être exclu de la chaîne de production justement». Mais cette ambition rencontrera plusieurs freins, note l’expert, évoquant «les routes impraticables» ou encore «les infrastructures remontant à la période coloniale».

 

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«Nous pourrons installer des usines certes, mais il faudra revoir toute l’infrastructure dans cette région», insiste-t-il.

En effet, «c’est une très bonne chose sur le papier, mais je ne serais pas étonné si un investisseur décide de s’installer dans une autre région qui remplira plus de critères», esquisse Hassan. Ce dernier évoque également le «problème du capital humain qui n’est pas forcément formé». «Nous devons alors préparer nos jeunes, les former et pourquoi pas les pousser vers le chemin de la recherche scientifique», poursuit-il.

D’ailleurs, un sondage réalisé par le CESE et dont les résultats sont publiés dans le même rapport, révèlent les mêmes inquiétudes chez les sondés. 29% de ces derniers estiment qu’afin d’aider les cultivateurs il faudrait les former dans le domaine agricole.

L’avis des sondés est très tranché et plus de 80% pense que la légalisation du cannabis (à usage thérapeutique, cosmétique ou industriel) «aura un impact positif sur les aspects économiques, notamment en ce qui concerne l’export de produits médicaux, la création d’emplois dans les territoires concernés et l’économie du Maroc en général».

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