La Colombie reconnait-elle ou pas la marocanité du Sahara?

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Les propos de la ministre colombienne des Affaires extérieures, en visite au Maroc, ont suscité un imbroglio sur la reconnaissance par son pays du Sahara marocain. Si elle a affirmé avoir donné ses instructions pour étendre la juridiction consulaire colombienne sur « tout le territoire marocain, y compris le Sahara », Marta Lucia Ramirez assure qu’elle a été mal interprétée par la presse marocaine et internationale. Vraiment ?

La Colombie reconnait-elle ou pas la marocanité du Sahara ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que la position du pays sur cette question n’est pas claire, malgré plusieurs tentatives de la diplomatie colombienne de l’éclaircir. En visite officielle au Maroc, la ministre des Relations extérieures de Colombie, Marta Lucia Ramirez a informé Nasser Bourita des « instructions données » au nouvel ambassadeur de la Colombie à Rabat, pour « étendre la juridiction consulaire de l’ambassade de Colombie au Royaume du Maroc sur tout le territoire marocain, incluant le Sahara », lit-on dans un premier communiqué conjoint daté du 28 octobre.

A la lecture de ces lignes, plusieurs médias et observateurs nationaux et internationaux, dont H24 Info, ont conclu à une reconnaissance de la Colombie de la souveraineté marocaine sur son Sahara. « Officiel. La Colombie reconnaît la marocanité du Sahara », a titré notamment Le360. « Diplomatie: la Colombie reconnaît la marocanité du Sahara », a écrit Medi1, alors que Le Matin estime que « La reconnaissance colombienne du Sahara » est « une avancée considérable qu’il faut immuniser ». On retrouve aussi des titres similaires du côté de la presse colombienne et espagnole notamment.

« En pratique, le message de Ramírez s’inscrit dans la voie tracée par l’ancien président des États-Unis, Donald Trump, lorsqu’il a décrété le 10 décembre la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, en échange de la normalisation des relations du Maroc avec Israël. Depuis, Rabat a tenté d’amener les pays de l’Union européenne, comme l’Espagne, à s’exprimer dans le même sens que l’administration Trump. C’est la Colombie qui a montré le soutien le plus explicite à Rabat », conclut le quotidien espagnol El Pais.

« Interprétations erronées » ?

Mais pour la diplomatie colombienne, les propos de la ministre ont été mal interprétés. Dans un communiqué publié le 30 octobre, celle-ci énumère trois points :

1. Face aux interprétations erronées qui ont été publiées par certains médias, la Colombie, comme l’a déclaré la vice-présidente et ministre des Relations extérieures dans le communiqué conjoint avec le Maroc, maintient sa position historique de soutien aux différentes résolutions du Conseil de sécurité et reconnaît les efforts du Maroc dans la recherche d’une solution politique, pragmatique, réaliste et durable à ce différend, sous les auspices exclusifs de l’ONU. Dans cette déclaration, la vice-présidente a salué la nomination du nouvel envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara, Staffan de Mistura.

2. De la même manière, il est faux d’inférer des conséquences différentes à la phrase de la vice-présidente et ministre sur l’extension de l’assistance consulaire, afin de garantir une meilleure et plus large assistance aux Colombiens, qui est régie par la Convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963 et n’implique en aucun cas des effets de reconnaissance de souveraineté. L’assistance consulaire est traduite dans les actes administratifs effectués par les ressortissants à l’étranger et la mention du Sahara est incluse aux fins de cette assistance consulaire

3. Enfin, la Colombie réaffirme que la visite au Maroc répond à l’excellent état des relations bilatérales après 42 ans de leur établissement en 1979. La Colombie et le Maroc sont des partenaires stratégiques et ensemble nous travaillerons pour réaliser de plus grandes opportunités de développement économique et de création de l’emploi au profit de nos concitoyens, ainsi que pour le renforcement des relations entre l’Amérique latine et l’Afrique, comme nous en avons discuté avec le gouvernement et les hommes d’affaires au cours de cette visite ».

« Ce n’est pas sérieux »

La mise au point de la diplomatie colombienne assure qu’il ne faut pas déduire une reconnaissance de la souveraineté marocaine sur son Sahara. Vraiment ? « Ce n’est pas sérieux. Quand on dit que la juridiction consulaire va être élargie à tout le territoire, y compris le Sahara, ça inclut forcément une reconnaissance du Sahara marocain. Les pays qui ne reconnaissent pas la souveraineté du Maroc sur le Sahara ne font pas ça », explique Jawad Kerdoudi, président de l’Institut marocain des relations internationales (IMRI).

« Si ce n’était pas le cas, pourquoi alors préciser que c’est sur tout le territoire, y compris le Sahara ? », s’interroge encore notre interlocuteur. A titre d’exemple, le président de l’IMRA cite un forum à Dakhla où plusieurs ambassadeurs avaient été invités à venir y assister. « Certains ont refusé, expliquant que les instructions qui leur ont été données par leurs ministères des Affaires étrangères c’est de ne pas se rendre dans les provinces du Sud, tant que la souveraineté du Maroc n’est pas reconnue par l’ONU », poursuit-il.

Pourquoi la Colombie préfère alors parler d’extension de sa juridiction consulaire ? « Comme vous savez, les pays sont représentés soit par des ambassades, soit par des consulats qui sont dans des villes autres que la capitale. Des fois, le consulat est dans les mêmes locaux que les ambassades à Rabat. C’est le cas de la Colombie », explique Jawad Kerdoudi.

La Convention de Vienne, elle, citée par la diplomatie colombienne ne définit pas une « juridiction consulaire », encore moins son extension. « Peut-être qu’il y a un problème en interne au niveau de la diplomatie colombienne ou qu’elle a reçu des pressions de l’Algérie ou du Polisario », avance encore notre interlocuteur.

 

Lire aussi: Lucia-Ramirez réaffirme la décision d’étendre la juridiction consulaire de la Colombie dans le royaume pour inclure le Sahara marocain

 

Moins de 24 heures après son communiqué, Marta Lucia Ramirez a accordé une interview à l’agence officielle MAP, avant de quitter le Maroc « Je réitère que les services consulaires fournis par l’ambassade de Colombie au Maroc seront réalisés en coordination avec les autorités marocaines et couvriront l’ensemble du territoire marocain, y compris le Sahara », a-t-elle assuré.

Elle a ajouté que cette « étendue de l’assistance consulaire n’a aucun impact sur les relations diplomatiques ou consulaires du Maroc et de la Colombie avec des pays tiers », et qu’en tant que ministre des Relations extérieures de la Colombie, sa responsabilité « est de veiller à ce que chaque Colombien à l’étranger sache qu’il peut se rendre à l’ambassade ou au consulat colombien le plus proche en cas de besoin ». Le flou cependant persiste.

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