Journée internationale des droits de l’Homme: « Le Maroc est très loin de ses engagements »

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A l’occasion de la Journée internationale des droits de l’Homme célébrée chaque année le 10 décembre, Khadija Ryadi, ancienne présidente de l’Association marocaine des droits humains (AMDH), dresse le bilan de l’exercice des libertés au Maroc. Entretien. 

Où en est le Maroc dans le domaine des droits de l’homme ?

Malheureusement, – on le répète chaque année – le Maroc est très loin de ses engagements, et pour cause, il n’y a aucune volonté politique de faire changer les choses. Depuis 2014, on assiste à une répression scandaleuse qu’il s’agisse des libertés de réunion, d’association…à partir du moment où le ministre de l’Intérieur de l’époque, Mohamed Hassad avait accusé les ONG de répondre à un agenda étranger et d’entraver la lutte contre le terrorisme, toutes nos actions ont été entravées. Sans même parler du droit international, les lois marocaines sont bafouées chaque jour.

On peut donc parler de « recul » ?

Oui, il y a un recul. Actuellement, il existe même des logiciels d’espionnage (importés d’Israël d’ailleurs) qui sont utilisés pour surveiller les activistes (exemple: l’historien Maâti Monjib poursuivi fallacieusement depuis 2014 pour « atteinte à la sécurité de l’Etat »), c’est une atteinte à la vie privée. On a aussi ce qu’on appelle la « presse diffamation », c’est-à-dire qu’il y a des sites financés expressément pour diffamer les activistes et enclencher de faux procès. Avec les moyens technologiques actuels, on assiste à l’usage de nouveaux moyens de répression. De plus, il y a également une hégémonie et une impunité totale des institutions sécuritaires.

Que doit faire le gouvernement ?

Le gouvernement ne gouverne pas, il n’a pas de pouvoir, seulement un rôle de figurant. Il est complice du vrai pouvoir qui exerce cette répression. On ne sait pas vraiment qui tire les ficelles. Le Maroc est devenu un Etat-policier sans reddition des comptes, sans séparation des pouvoirs…on est bien loin d’un Etat de droits, on en a juste l’image. Donc si le gouvernement n’a pas de pouvoir concret, au moins qu’il arrête de justifier ces violations graves car il reste responsables de les cacher, d’être complice.

Que pensez-vous du débat sur les libertés individuelles ?

Déjà, il n’y a pas de débat au Maroc. Les espaces de débat sont fermés. Les personnes indépendantes (artistes, activistes, etc.) ne sont jamais invitées. Depuis 2011, l’AMDH n’a jamais été invitée à un débat, c’est-à-dire depuis le jour où on a dit à la télévision qu’il fallait bannir les traditions rétrogrades de la monarchie comme le baisemain et le rituel de la prosternation. Tant qu’on n’invite pas les gens qui critiquent, on n’aura pas de débat contradictoire.

Et d’une réforme du code pénal ? 

On a déjà demandé la dépénalisation de toute une série de libertés individuelles telles que les rapports sexuels hors-mariage, l’homosexualité, l’avortement. Le sujet tel qu’il est centré actuellement est une façon de cacher l’importance des libertés en général. Le droit ne doit pas être un code qui protège l’ordre social comme on peut le remarquer avec les affaires récentes de Moul Lkaskita ou le rappeur L’Gnawi qui ont été inquiétés pour la diffusion de leur contenu sur internet. Et cela touche en priorité les catégories défavorisées. Au final, je ne pense pas que l’Etat ni le gouvernement ne mettront en place une réforme du code pénal car il n’y a pas de vraie volonté politique de changer. De plus, l’Etat se base sur la religion et refuse la séparation du religieux et du politique.

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