Interview. « Moi, Rachid, 41 ans, chrétien marocain »

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Il s’appelle Rachid, natif et résident d’Agadir. Quarantenaire, marié et père de cinq enfants, il se convertit au christianisme au début des années 90. Après des années de clandestinité, Rachid affiche publiquement sa religion et se sert du web pour « promouvoir le vrai christianisme » auprès des Marocains. Il se confie à H24info et revient sur sa récente rencontre avec les dirigeants du CNDH, et les célébrations du Noël, cette année au Maroc.

Comment êtes-vous devenu chrétien?

Ma conversion au christianisme remonte à 17 ans. Comme la plupart des Marocains, je me moquais de cette religion, d’autant que je venais d’une famille soufie très islamisée. Mais je m’y suis intéressé vers le début des années 90, à l’âge de 12 ans. J’écoutais une émission chrétienne sur la radio Monte-Carlo, dont l’un des animateurs parlait en darija, et c’est ce qui m’a attiré. Par la suite, j’ai découvert l’évangile en arabe, et cela m’a permis d’effacer les idées reçues que j’avais. J’ai compris que le christianisme est une religion d’amour, de paix et d’humilité, contrairement à ce que je voyais dans mon milieu et la Zaouia où j’ai grandi.

Comment votre conversion a-t-elle été accueillie par votre entourage?

J’ai perdu mon travail en tant que comptable dans une société, et je travaille actuellement en freelance. Et comme je suis connu à Agadir, je n’arrive toujours pas à trouver un travail stable, et ce, depuis des années. Avec ma famille aussi, c’était difficile, surtout que je suis issu d’un entourage très religieux. Mon père, en particulier, est un fqih connu dans la région et sa réaction était très normale. Aujourd’hui, Dieu merci, tout s’est arrangé avec mes parents, malgré la tension qui persiste avec la grande famille.

 

Vos enfants sont-ils aussi chrétiens?

Non, car dans le christianisme, nous n’imposons pas nos convictions religieuses à nos enfants. Je vais les orienter et leur expliquer ma croyance personnelle, mais sans jamais leur imposer quoi que ce soit. Ils ont le libre choix.

Comment s’est déroulée la récente rencontre entre la Coordination nationale des chrétiens marocains, dont vous faites partie, et le CNDH?

Effectivement, nous avons déposé une lettre avec une liste de revendications, dont le droit de se marier dans la tradition chrétienne, d’inhumer nos coreligionnaires, de prier dans les églises ou de porter des prénoms chrétiens. La rencontre s’est très bien déroulée, et les responsables du CNDH ont reçu notre dossier en nous assurant que nos revendications sont légitimes. Ils nous ont également incités à faire davantage de bruit pour faire valoir notre cause.

Rachid, en compagnie de l’intellectuel amazigh, Ahmed Assid. Crédit DR

Comment allez-vous célébrer Noël cette année?

Avec les frères et sœurs, nous allons nous réunir à la maison, prier, discuter, manger et passer un bon moment, comme tous ceux qui célèbrent les fêtes de fin d’année. Nous ne sommes pas des extraterrestres, nous sommes des Marocains, mais juste différents de la majorité en matière de croyance. Les gens croient que nous buvons de l’alcool, etc. Pourtant, nous sommes plus pieux que la plupart des musulmans. Le christianisme est beaucoup plus dur et strict que l’islam.

Êtes-vous protestant ou catholique?

Ni l’un ni l’autre. En effet, la plupart des chrétiens marocains sont évangéliques. Un choix bien réfléchi pour se protéger des séparations et éviter les sectes.

Comment sont vos relations avec les autorités?

Mes relations avec les autorités d’Agadir sont excellentes. Elles me respectent beaucoup, demandent souvent de mes nouvelles, et s’enquièrent de ma sécurité; il y a un climat de confiance entre nous. Et lorsque notre communauté fait des œuvres sociales ou caritatives, nous les informons. Il faut dire qu’au Maroc, le problème est surtout avec la société. Les autorités sont très compréhensives et matures.

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