Immigration clandestine en Europe: les Marocains sur la route des Balkans

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De plus en plus de Marocains souhaitant émigrer clandestinement en Europe envisagent la route des Balkans comme possibilité d’atteindre le vieux continent. 

Si le détroit de Gibraltar ne mesure que 14 km, le danger pour le traverser clandestinement est aussi grand que la distance minime. C’est pourquoi certains n’hésitent pas à parcourir 200 fois plus de kilomètres pour tenter par voies terrestres de rejoindre l’Union Européenne (UE) – voies terrestres qui présentent également leur lot d’obstacles.

Première étape: prendre un vol pour Istanbul, l’entrée en Turquie ne nécessitant pas de visas pour les Marocains. La route dite des Balkans commence alors ici, pour traverser ensuite la Grèce, la Macédoine, la Serbie, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie et enfin tenter de passer la frontière en Slovénie, premier pays des Balkans membre de l’espace Schengen. Une fois cet espace de libre circulation intégré, les migrants peuvent se déplacer à leur guise à l’intérieur des pays membres qui gardent leurs frontières ouvertes (soit la majeure partie des pays de l’UE).

La Slovénie, une porte d’entrée dans l’espace Schengen

Le passage en Slovénie s’apparente ainsi à une zone des plus sensibles, où l’enjeu dans le parcours migratoire est décisif. En 2018, 318 Marocains ont tenté de traverser la frontière slovène contre 952 cette année (au 30 septembre), soit une augmentation de plus de 65% en une année, rapporte le site Info Migrants. Si les autorités de Ljubljana notent une forte augmentation de Maghrébins à ses frontières cette année, les Marocains sont ceux qui parmi eux enregistrent la hausse la plus forte.

D’un point de vue global, les Marocains (952) arrivent en 4e position des migrants les plus nombreux à tenter de passer en Slovénie en 2019, précédés des Afghans (1.263), des Algériens (1.593) et des Pakistanais (3.012) en tête du recensement.

 

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Passer par la terre plutôt que par la mer semble moins dangereux, et moins cher, pour ceux qui s’exilent au péril de leur vie. C’est ce qui ressort du témoignage d’Amir*: « Les passeurs me demandaient plus de 5.000 euros. Je ne les avais pas », explique-t-il auprès de nos confrères. « Passer par les Balkans ne me coûte presque rien. J’ai fait la route seul, caché sous un bus pour arriver jusqu’ici [à Ljubljana, la capitale slovène]« . Ce Marocain de 33 ans aimerait rejoindre la ville de Bordeaux en France, où vit une partie de sa famille.

De son côté, Amin* raconte avoir perdu un frère, noyé en Méditerranée alors qu’il tentait de gagner l’Espagne. Il lui était donc impensable d’émigrer par la mer à son tour. « Je ne pouvais pas prendre la mer. J’ai marché pour traverser les Balkans », explique le jeune homme de 23 ans hébergé dans l’unique centre de demandeurs d’asile du pays, à Vič, dans la capitale slovène. Fatigué, il raconte son périple pour arriver jusqu’ici: « J’ai été repoussé plusieurs fois à la frontière croate. Les policiers m’ont frappé, ont pris mes affaires, ont cassé mon portable… ».

Principale difficulté: les violences policières aux frontières

Les migrants sont régulièrement confrontés à des violences policières au sein des différents pays qu’ils parviennent à traverser. Beaucoup témoignent de coups de matraques, de téléphones confisqués et cassés, d’argent volé… Dans cette vidéo partagée par Aj+ arabe en 2015, on observe des centaines de Marocains détenus dans des prisons en Grèce. « Mes frères, nous sommes venus en Grèce, nous avons cru que c’était un pays européen! Ils nous ont arrêtés et mis en prison. Ils ne nous donnent ni à manger ni à boire », s’exclame l’un d’eux face caméra. « Si on a fait quelques choses de contraire à la loi, qu’ils nous le disent ou qu’ils nous laissent retourner dans notre pays ».

D’autres images datant de 2016 corroborent les faits de mauvais traitements infligés par les polices locales aux migrants en transit. Badaoui Miloud, un Marocain de 50 ans, raconte sa triste expérience, en compagnie de ses codétenus dans une prison grecque. « Ils m’ont tué », déclare-t-il, « ils nous ont maltraités, jeté des bombes lacrymogène. Ils ont coupé l’eau et l’électricité. Il y avait des jeunes asphyxiés, des Marocains et des Algériens ». Et un autre d’ajouter: « Nous ne demandons que nos droits. On a besoin d’une intervention. Il faut qu’ils nous trouvent une solution ».

Leurs droits, cela consiste en premier lieu à accéder aux procédures de demande d’asile auprès de l’ « asylum office » soit le Bureau européen d’appui en matière d’asile. Même si généralement les migrants sont en transit dans les pays traversés et ne souhaitent pas s’y installer (ils visent entre autres l’Italie, l’Allemagne ou encore la France), un dépôt de dossier de demande d’asile leur permet d’avoir droit à un hébergement. Une opportunité que la plupart saisissent – quand elle leur est proposée – pour reprendre des forces avant la suite du voyage.

Renforcement du contrôle aux frontières

Ces migrants passent des jours à marcher sur des chemins plus ou moins praticables mais la ténacité et la solidarité de groupe les aident à surmonter les conditions les plus extrêmes, comme on peut le voir dans cette vidéo datant d’il y a quelques jours. Des Marocains et Algériens vivant dans les forêts grecques donnent des conseils à ceux qui souhaitent atteindre pacifiquement l’Italie. Parmi les valeurs citées, le courage et la patience. Chaque frontière présente le risque d’être renvoyé dans le pays précédent et ainsi de suite. Certains en sont à plus d’une dizaine de tentatives.

 

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Depuis le début de l’année, sur un total de 14.000 traversées illégales recensées par les autorités slovènes, plus de 9.000 migrants ont été renvoyés vers le dernier pays traversé, généralement la Croatie, 4.000 autres ont déposé un dossier d’asile, rapporte nos confrères d’Info Migrants.

Outre les problèmes d’argent liés aux services d’un éventuel passeur, les migrants doivent faire face à des contrôles de plus en plus performants (utilisation de caméras thermiques, de drones haute technologie, petit avion de surveillance) aux frontières, élaborés notamment par l’Agence européenne de garde‑frontières et de garde‑côtes, communément appelé « Frontex ». Submergée par l’afflux de réfugiés, la Croatie a fermé une partie de ses frontières avec la Serbie en 2015 et une partie supplémentaire en mai dernier; la Slovénie faisant de même avec une partie de sa frontière avec la Croatie (clôture barbelée).

Les Balkans face à une crise humanitaire

Médecins sans frontières (MSF) a lancé plusieurs alertes quant à la menace d’une « crise humanitaire » en Bosnie-Herzégovine où les migrants de plus en plus nombreux mettent en place des camps de fortune et vivent dans des conditions sanitaires extrêmement précaires. 8.200 personnes sont entrées dans le pays au 15 juin dernier d’après le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), lit-on dans un article de France Terre Asile. Les camps de transit y sont saturés et les maladies infectieuses se propagent (notamment rougeole, gale).

En attendant les prochaines politiques des frontières, les Marocains qui entreprennent une migration vers l’Europe par la mer restent les plus nombreux. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de 6.000 Marocains sont arrivés en Espagne par la mer, au 9 septembre 2018, relate Medias24. Ils étaient 2.683 au 10 septembre 2017, soit une hausse de 123%. Selon l’OIM, l’Espagne reste la première porte d’entrée pour l’immigration clandestine en Europe, notamment pour les Marocains.

 

*Les prénoms ont été modifiés.

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