Histoire. Pourquoi le Maroc a attendu 1969 pour récupérer Sidi Ifni

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Bien que le Maroc ait acquis officiellement son indépendance le 2 mars 1956, plusieurs régions du royaume sont restées sous tutelle espagnole. C’est le cas du Sahara, que le Maroc récupérera après la Marche verte en 1975, mais aussi de la province de Sidi Ifni, qui se situe entre Tiznit et Guelmim, récupérée en 1969.

Située sur la côte atlantique en face des îles Canaries, la région a toujours été un lieu stratégique convoité par les Espagnols qui la considéraient comme «la porte atlantique du Sahara». En effet, la région s’étendait sur 1502 km2, et avait pour capitale la ville de Sidi Ifni. Sa côte atlantique de 20 km de long à environ 300 km des îles Canaries espagnoles, faisait de Sidi Ifni le port le plus proche de l’archipel.

La présence espagnole dans la région remonte au XVe siècle, lorsque des marins et des pêcheurs espagnols construisirent un petit bâtiment et le baptisèrent Place Santa Cruz de la Mar. En 1496, les bâtiments ont été développés et agrandis afin de les rendre plus accessible et facilement exploitables par les navires espagnols qui transportaient à l’époque des esclaves de la côte africaine à leurs colonies sur le continent américain. Cette présence des Espagnols ne durera pas. Les ibériques seront expulsés de la région en 1524 par la dynastie marocaine des Wattassides. Il faudra attendre l’an 1860 pour que les Espagnols retournent à leur «Santa Crue de la Mar», le comptoir fondé du temps d’Isabelle la Catholique.

La guerre de Tétouan et le traité de Wad-Ras

Prétextant le raid mené par des tribus rifaines contre les forces espagnoles à la suite de l’élargissement du mur de Sebta à l’été 1859, l’Espagne déclare la guerre au Maroc. Face à un royaume dont le pouvoir central ne contrôle pas l’ensemble du territoire, l’Espagne gagne facilement ce qu’elle a nommé «La Guerra de África» et oblige le Maroc à parapher le traité Wad-Ras, à Tétouan le 26 avril 1860, après près de deux ans de combats. La défaite obligera le royaume chérifien à accepter un traité de paix désavantageux, pour ne pas dire humiliant.

Le traité contraint en effet le Maroc à payer les frais de la guerre et des indemnités (400 millions de réaux) et l’Espagne occupera Tétouan jusqu’au paiement du montant. L’Espagne s’adjuge, par la même occasion, l’élargissement des territoires de Sebta et Mellilia. Et ce n’est pas tout, le traité stipule aussi que le royaume chérifien accepte de céder le territoire autour de Santa Cruz de la Mar (Sidi Ifni). Avec le soutien financier de Madrid, la ville se développe très rapidement et plusieurs Espagnols y élisent domicile. En dehors du consulat d’Espagne, le palais du gouverneur, la cathédrale et l’hôtel de ville, Sidi Ifni compte, un aéroport, quatre cinémas, un casino, un zoo et une piscine.

Pour assurer la sécurité de sa «ville», l’Espagne déploie jusqu’à 15.000 militaires. Cette situation perdurera jusqu’à la guerre civile espagnole. Par la suite, les colonies espagnoles au Maroc tombèrent sous le contrôle du camp nationaliste espagnol dirigé par un certain Francisco Franco.

La guerre d’Ifni et l’accord entre Franco et Hassan II

Les premières tentatives du Maroc pour récupérer ce territoire ont commencé en août 1957. Le royaume considérait que les traités coloniaux et ceux régissant ses frontières étaient révolus et annulés après l’indépendance du Maroc. En octobre 1957, des accrochages vont s’accentuer entre l’occupant espagnol et l’armée de libération du Sud entraînant le déclenchement de la guerre d’Ifni. La colonisation espagnole devient de plus en plus contestée par les habitants qui réclament l’indépendance.

L’Espagne fait face dès lors à la résistance tenace des tribus locales des Aït Baâmrane, connues pour leur courage et leur dévouement. Face aux assauts répétitifs de l’armée de libération du Sud, l’Espagne se rétracte et réduit ainsi considérablement la surface de son territoire jusqu’à ne représenter, dans les années 1960 que quelques kilomètres autour de la ville d’Ifni. La vie des colons espagnols devient un calvaire et les militaires espagnols ne savaient plus à quel saint se vouer.

Les revers subis par les Espagnols sur le terrain ont poussé à une relative détente des relations entre Franco et Hassan II. Le chef d’Etat espagnol songe alors à une sortie de crise et à la fin de la guerre en proposant «une paix des braves». La pression internationale sur le régime franquiste oblige les Espagnols à s’assoir à la table des négociations qui, après des mois, aboutissent à accord. Il s’agit du traité de Fès du 4 janvier 1969, qui prévoit la fin de la souveraineté espagnole sur la ville de Sidi Ifni. Les forces d’occupation quittèrent définitivement la ville le 30 juin de la même année.

Pour l’anecdote, lors de sa première visite dans la ville, Hassan II a été victime d’une tentative d’attentat le 2 février 1972, près du stade de football. Le souverain a alors précipitamment quitté la ville en hélicoptère pour ne plus jamais y remettre les pieds jusqu’à sa mort.

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