Coronavirus: qu’attend le Maroc pour désengorger les prisons?

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Alors que plusieurs pays dans le monde ont libéré des détenus pour éviter la propagation du coronavirus en milieu carcéral, le Maroc n’a encore rien entrepris dans ce sens.

Quel est le point commun, en ces temps marqués par la crise du coronavirus, entre la France, l’Iran ou encore la Turquie? Ces trois pays ont décidé de libérer un nombre considérable de prisonniers pour éviter la propagation du covid-19 en milieu carcéral. A elle seule, l’Iran a libéré 85.000 détenus pour renforcer la lutte contre le coronavirus. Plusieurs pays dans le monde ont adopté des mesures similaires, vivement encouragées par l’ONU, signe que la question est prise très au sérieux.

La Haut-commissaire aux droits de l’Homme des Nations-unies, Michelle Bachelet, avait d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme la semaine dernière, appelant à libérer des détenus à travers le monde pour éviter des «ravages» dans le milieu carcéral. L’ancienne présidente chilienne avait exhorté «les gouvernements et les autorités compétentes à travailler rapidement en ce sens pour réduire le nombre de personnes en détention» et proposé de libérer «les détenus les plus âgés et les malades, ainsi que les délinquants présentant un risque faible de récidive».

Taux d’occupation de 300%

Au Maroc, rien de tel n’a encore été annoncé par les autorités. La situation carcérale dans le royaume est pourtant alarmante. Le taux d’occupation des prisons dépasse les 300% et le pays ne compte que 82 établissements pénitentiaires pour plus de 80.000 détenus. Les appels à libérer certaines catégories de prisonniers se sont pourtant multipliés ces derniers jours, à l’instar de celui publié par l’Observatoire marocain des prisons (OMP). L’ONG estime en effet urgent de libérer plusieurs détenus, compte tenu de la «vulnérabilité des populations carcérales de par leur confinement et leur promiscuité, aggravée par la carence criante d’infrastructures et de personnels soignants dans les établissements pénitentiaires».

 

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L’ONP recommande notamment de libérer immédiatement les détenus devant sortir en mars 2020, de libérer les mineurs en attente de procès, de libérer les personnes âgées de plus de 65 ans ou encore de «libérer les prisonniers d’opinion et les militants pacifiques». Cet appel a été partagé par plusieurs acteurs de la société civile marocaine, à l’instar de l’ancienne présidente de l’AMDH, Khadija Riyadi. Contactée par H24info, la droit-de-l’hommiste ne cache pas son inquiétude. «Les conditions d’incarcération sont très mauvaises. Nos prisons sont surpeuplées. Nous soutenons à 100% les recommandations émises par l’OMP et nous estimons qu’il faut absolument donner la priorité aux prisonniers politiques et aux prisonniers d’opinion».

Pour Riyadi, ce sont des milliers de détenus que le Maroc devrait libérer, d’autant que selon elle, «la moitié des prisonniers sont des détenus en attente de jugement». «Nous pensons que toute personne de plus de 60 ans doit être relâchée, idem pour les personnes malades ou encore les personnes en fin de peine. Bien entendu, ces mesures ne doivent pas concerner les personnes jugées pour des crimes de sang, des homicides, des faits liés au terrorisme, des agressions sur les mineurs ou encore les personnes jugées pour trafic de drogue», précise l’activiste.

Projet de loi

La question se pose aussi chez certains hommes politiques. C’est le cas du député de la Fédération de la gauche démocratique (FGD, opposition), Omar Balafrej. «Nous n’avons pas arrêté de dire que le gouvernement a fait de bonnes choses depuis deux semaines, y compris sur le plan économique et social. Mais nous voulons aussi que le gouvernement évolue sur la question des prisonniers», déclare le député de la Chambre des représentants à H24info. Pour Balafrej, «il en va de la santé publique des prisonniers, aussi bien de ceux qui, espérons-le, serons libérés, mais également de ceux qui vont rester en détention».

 

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Si le député souhaite que le gouvernement prenne les devants et annonce des mesures de libération de prisonniers, il révèle à H24info qu’il prépare «un projet de loi» avec Mohammed Chennaoui (Député FGD) qui vise à permettre la libération exceptionnelle d’une catégorie spécifique de prisonniers. «Il faut réagir rapidement pour ne pas qu’on se retrouve à gérer des foyers de développement de la maladie en milieu carcéral», avertit le député de Rabat, qui estime qu’il est temps pour l’Etat marocain de «faire des gestes».

Des gestes, on l’aura compris, envers les dizaines de détenus du Hirak d’Al Hoceima qualifiés par plusieurs ONG de prisonniers d’opinion, au même titre que certains journalistes ou blogueurs, pour qui la justice a eu la main lourde ces dernières années. L’Etat va-t-il saisir l’occasion apportée par l’épidémie du coronavirus pour ouvrir une nouvelle page en matière de droits humains et de politique carcérale? L’avenir (proche) nous le dira.

 

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