Cigarettes électroniques taxées à 40%: les commerçants sous le choc

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Illustration. DR

A partir de l’année prochaine, les cigarettes électroniques devraient connaître une augmentation importante de leurs droits d’importation, passant de 2,5 à 40%. Pour les commerçants, c’est le début de la fin. De son côté, un psychologue spécialiste des addictions incite l’acteur politique à prendre des mesures de soutien au citoyen dépendant au tabac, et non à « lui prendre son argent ». Témoignages.

« On est sous le choc. Cela va avoir un gros impact sur l’avenir de la cigarette électronique. L’avenir est incertain pour la cigarette électronique au Maroc. Economiquement, ça va être très dur. Beaucoup vont y laisser beaucoup de plumes. La cigarette électronique deviendra sûrement un produit de luxe pour certaines personnes, pas pour tout le monde », témoigne une commerçante de cigarettes électroniques dans le quartier du Maârif à Casablanca. Faisant un rapide calcul, elle prévoit que cela conduira à ajouter 300 dirhams au prix de vente actuel d’une cigarette électronique moyenne.

Mercredi, la Commission des Finances au sein de la Chambre des représentants a adopté un amendement du PLF-2023 prévoyant une augmentation des droits d’importation des cigarettes électroniques de 40% au lieu de 2,5% jusqu’à présent. « Vont-ils aller jusqu’au bout? On espère que non », s’interroge-t-elle, le texte devant encore être validé en deuxième lecture.

Cet amendement, justifié par les risques sanitaires et la hausse de l’utilisation des cigarettes électroniques au Maroc, risque de provoquer une hausse sans précédent des prix des cigarettes électroniques et appareils individuels pour tabacs dès le premier janvier 2023. Pour les commerçants interrogés, c’est le début de la fin.

« C’est le coup de grâce »

« Nous ne résisterons pas à cette énorme augmentation. De plus, nous ne savons pas si cela va être appliqué sur le matériel, les résistances, les liquides… Nous attendons début janvier pour voir ce qu’il va se passer mais je crois que c’est la fin », estime à son tour Najoua Dhamny, gérante de E-vap.

Pour la commerçante, « ce sont les lobbys de la cigarette qui essayent au maximum de casser le marché de la cigarette électronique ». « Cette augmentation n’intervient pas pour raison de santé. Avec la cigarette, on est sûr et certain qu’il y aura des morts mais avec l’électronique on a seulement 5% de risques. On préfère pénaliser ce 5% plutôt que le 95% de risques », s’indigne-t-elle.

« C’est le coup de grâce », renchérit à son tour un vendeur mitoyen. « Je pense que le consommateur va suivre difficilement. Ils n’ont pas augmenté de la même manière pour les cigarettes. S’ils voulaient sauver les Marocains, ils les auraient augmenté aussi de 40%, car niveau risque sur la santé, c’est incomparable », développe-t-il. « Toutes les études montrent que la cigarette électronique est moins nocive de 95 à 98% que la cigarette classique. Certaines mutuelles en Europe la remboursent même ».

Lire aussi : Cigarettes électroniques: hausse vertigineuse des prix attendue en 2023

En France, le débat est vif sur la possibilité de promouvoir la cigarette électronique comme solution de sevrage au tabac. Dans un avis publié le 4 janvier dernier, le Haut Conseil de la santé publique (HSCP) a indiqué que la cigarette électronique ne doit pas être proposée comme outil de sevrage du tabac par les professionnels de santé, faute de recul sur ses bénéfices et ses risques.

Un avis qui a suscité les oppositions de nombreux addictologues qui estiment que la cigarette électronique est un moindre mal et une solution transitoire pour arrêter de fumer à prendre en compte dans la réalité. La consommation de tabac est responsable de huit millions de morts dans le monde chaque année, dont 75 000 en France. L’un des moyens les plus efficaces de substitution nicotinique est la cigarette électronique, autrement appelé vapoteuse. D’autres scientifiques refusent de concevoir la vapoteuse comme solution pertinente de sevrage, au nom du principe de précaution invoqué par le HSCP.

700 000 Français ont arrêté de fumer des cigarettes classiques en vapotant, selon Santé Publique France. En moyenne, chaque jour, les « vapofumeurs » fument dix cigarettes en moins depuis qu’ils utilisent une cigarette électronique. Il faudrait néanmoins attendre le résultat d’études sur les éventuels effets néfastes de la cigarette électronique, éléments que nous n’avons pas encore, rappelle Reda Mhasni, psychologue, notamment spécialiste des addictions.

« Solution transitoire »

Pour le thérapeute clinicien, la cigarette électronique « pourrait être une solution transitoire pour diminuer les dégâts que l’on connaît déjà avec la cigarette normale », « mais de là à l’édifier comme une solution thérapeutique, je pense que c’est exagéré », tempère-t-il. « A mon humble avis, la cigarette électronique est encore une addiction. A ce niveau-là, tout porte à croire que ce n’est pas si différent de la cigarette classique. »

Néanmoins, le spécialiste ne trouve pas pertinente l’augmentation importante des droits d’importation de la cigarette électronique. « Je pense que cette mesure d’augmentation ne va absolument pas faire baisser la consommation des citoyens et citoyennes, encore moins des plus jeunes. L’expérience nous a montrés que les augmentations en impôt ou en prix des cigarettes n’ont pas fait chuter la consommation mais ont juste encouragé la population à chercher des moyens autres, notamment via la contrebande », poursuit-il.

« Je pense que l’Etat passe par une très mauvaise phase financière et cherche désespérément à renflouer ses caisses et la solution de facilité est encore de se diriger vers le petit citoyen au lieu d’aller chercher des ressources viables, légitimes. Au lieu d’imposer les grosses fortunes, les évasions fiscales, on prélève sur les produits de base du consommateur », abonde-t-il, encourageant plutôt l’apport par l’Etat d’un « soutien thérapeutique ou psychologique pour arriver à mieux gérer cette maladie ».

Et de conclure: « Il y a un effort de sensibilisation à faire, au niveau aussi des conditions de persuasion, pour faire comprendre à l’acteur politique que si l’on considère que l’addiction au tabac est une maladie, c’est donc du ressort de la Santé. La tutelle de l’Etat doit soutenir le citoyen pris dans les mailles de l’addiction avec des solutions pour s’en sortir, et non lui prendre son argent. »

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