Bidonvilles. La Cour des comptes juge « mitigées » les réalisations de l’Etat dans son rapport annuel 2019-2020

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Une zone bidonvilles à Casablanca. DR

Dans son rapport 2019-2020, la Cour des comptes revient sur les « dispositifs et interventions de l’État en matière de lutte contre l’habitat insalubre ». Quant au bilan de ces interventions, la Cour a constaté que les réalisations étaient mitigées. A ce titre, l’institution livre ses principales observations et recommandations.

Selon les données communiquées par le Département chargé de l’Habitat, près de 472.723 ménages occupaient des bidonvilles en 2018. A ceux-là s’ajoutent 84.148 ménages occupant 43.734 constructions menaçant ruine, selon le dernier recensement disponible, réalisé par le ministère de l’Intérieur en 2012, relaye le rapport annuel 2019-2020 de la Cour des comptes qui vient d’être publié le 14 mars 2022.

Conscient de l’ampleur de ce phénomène, l’État s’est engagé dans plusieurs programmes et actions de résorption de l’habitat insalubre dont principalement: le programme Villes sans bidonvilles (VSB), la restructuration des quartiers sous-équipés, les interventions sur l’habitat menaçant ruine (HMR), en plus de la promotion de l’offre en logement social ou à faible valeur immobilière.

En appui à ces programmes, l’État a mis en place des mécanismes de financement à travers notamment le Fonds spécial de solidarité habitat et intégration urbaine (FSHIU), créé en 2002 et dont l’ordonnateur est le ministre chargé de l’habitat.

Lire aussi : Cour des Comptes: publication au BO du rapport annuel pour les années 2019 et 2020

La Cour des comptes a réalisé entre 2017 et 2020 quatre missions d’évaluation liées aux interventions publiques contre l’habitat insalubre dont elle résume dans ce rapport ses principales observations et recommandations.

Il a été constaté l’existence d’un engagement politique et institutionnel de l’Etat pour résoudre ces problématiques. Pour le phénomène des bidonvilles, l’Etat a officiellement lancé en 2004 le programme VSB dont l’objectif affiché consistait en le traitement de 270.000 ménages dans 70 villes et centres urbains.

Et afin de promouvoir le logement social, le gouvernement a mis en place un produit à faible valeur immobilière (FVI) de 140.000 DH pour couvrir la période 2008 à 2012. Dès 2010, un autre dispositif à 250.000 DH destiné au logement économique a été conçu pour couvrir la période allant jusqu’à 2020.

Entre 2004 et 2018, augmentation de 75% des ménages vivant dans les bidonvilles

Quant au bilan de ces interventions, la Cour a constaté que les réalisations étaient mitigées. En effet, depuis le lancement du programme VSB en 2004, il a été constaté que le nombre des ménages concernés n’a cessé d’augmenter.

Parti d’un objectif de 270.000 ménages, ce nombre a atteint 472.723 en 2018, soit une augmentation de 75%, avec un ajout annuel moyen de plus de 10.669 ménages. Ainsi, malgré l’importance des efforts déployés par l’Etat, ayant permis le traitement de la situation de quelque 280.000 ménages entre 2004 et 2018, le programme VSB éprouve encore des difficultés à avancer avec la célérité requise en vue de réaliser ses différents objectifs et d’aboutir à l’éradication des bidonvilles.

Cette situation est due à des dysfonctionnements dans le processus d’exécution du programme: anomalies dans l’élaboration des contrats-villes, lacunes dans la gestion et le suivi, défaillances dans la maitrise des subventions du FSHIU et changements récurrents des objectifs assignés au programme.

Quant à l’apport des dispositifs de logement social, il a été significatif puisqu’il a permis, au cours des dernières années, d’accélérer le rythme de production de logements. Le parc immobilier a été renforcé jusqu’à fin 2020 par 517.201 unités de 250.000 DH et 28.053 unités de 140.000 DH.

Des logements qui n’ont profité « que partiellement aux ménages ciblés »

Il s’est avéré que cette importante production n’a profité que partiellement aux ménages ciblés, notamment ceux habitant dans les bidonvilles et dans les HMR, explique le rapport. Ceci pourrait s’expliquer par plusieurs raisons: l’absence d’études préalables au lancement des dispositifs de logement, des finalités mal définies et des incohérences en ce qui concerne la complémentarité avec les autres programmes d’habitat, ainsi que par des difficultés liées à l’exploitation du foncier et au manque de maitrise des partenariats public-privé.

A propos du fonds FSHIU, il a été constaté l’absence d’une stratégie propre pour sa gestion et que son fonctionnement dépend des programmes des différents gouvernements et des orientations des lois de finances. Il a été noté aussi la forte dépendance des projets de l’octroi des subventions du Fonds, ainsi que le non-recouvrement de l’ensemble des avances échues accordées par le Fonds aux opérateurs pour l’équipement et l’aménagement des terrains.

Tout en soulignant l’importance des réalisations en matière de lutte contre l’habitat insalubre dans ses différentes formes, la Cour estime que les interventions dans ce domaine nécessitent des synergies plus fortes entre le Département de l’Habitat et les autres intervenants publics concernés (région, communes, autorités locales, services déconcentrés de l’Habitat…).

En vue de dépasser les insuffisances relevées, la Cour a énoncé plusieurs recommandations: améliorer les phases de ciblage des interventions et des populations bénéficiaires; mieux identifier les besoins; renforcer les mécanismes de prévention contre la genèse de la prolifération de l’habitat insalubre avec notamment les nouvelles techniques (exemple: drone de surveillance); adopter une démarche intégrée de développement humain (inclusion des problématiques sociales et économiques au-delà du logement); redynamiser le rôle (trop souvent limité à l’aspect de gestion financière) d’encadrement du département chargé de l’Habitat et de ses services déconcentrés.

 

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