Arrêt du gazoduc Maghreb-Europe: que prévoient l’Espagne et le Maroc ?

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Photo d'illustration./Crédits : DR

La fermeture du gazoduc Maghreb-Europe, décidée unilatéralement par l’Algérie, met en mauvaise posture l’Espagne, mais aussi le Maroc. Les deux pays ont prévu plusieurs alternatives et affirment qu’ils ne seront pas affectés.

La crise diplomatique entre le Maroc et l’Algérie atteint des sommets, surtout depuis l’ultime décision du régime algérien de ne pas reconduire l’accord tripartite portant sur le gazoduc Maghreb-Europe. Une décision qui affecte également l’Espagne destinataire finale et principale acquéreuse du gaz algérien transitant par cette voie.

L’Espagne a énergiquement milité pour une reconduction du contrat, en dépêchant d’abord son ministre des Affaires étrangères, mais aussi la ministre espagnole de la transition écologique et troisième vice-présidente du gouvernement. Les visites des deux ministres n’ont rien changé quant à l’arrêt déjà programmé, mais ont tout de même obtenu «des garanties» sur l’approvisionnement en gaz.

En effet, l’Algérie fournira désormais l’Espagne à travers l’autre gazoduc, le Medgaz, inauguré en 2011 et capable de transporter 8.000 millions de mètres cubes par an directement depuis les champs algériens de Hassi r’mel à Almeria (Sud de l’Espagne). Un volume encore inférieur aux 13.500 millions de mètres cubes de gaz naturel que transportait chaque année le gazoduc Maghreb-Europe, inauguré en 1996.

L’Espagne devra donc trouver des solutions urgentes. La première sera d’augmenter les importations de gaz naturel liquéfié (GNL) grâce à des navires dédiés, les méthaniers. Une méthode loin d’être nouvelle et à laquelle l’Espagne a recours depuis des années. D’ailleurs rien qu’en septembre 2021, ce mode d’approvisionnement représentait 48,9% du total des importations, contre 61,8% durant la même période l’an dernier, explique le site Newtral.

 

Lire aussi: Tebboune scelle la fin du gazoduc transitant par le Maroc

 

Le volume du gaz diminue 600 fois lorsqu’il est liquéfié. Il doit toutefois être transformé à nouveau pour regagner son état gazier. Une tâche que six usines espagnoles se chargent de réaliser, explique la même source.

Mais cette méthode reste plus chère, d’autant plus qu’aujourd’hui les grandes puissances s’arrachent les services des méthaniers. À cela, il faut encore ajouter le prix du gaz qui est actuellement quatre fois plus cher qu’en début d’année, souligne le quotidien El Pais.

«Mais cela ne devrait pas être un problème : 60 % du gaz que l’Espagne consomme lui parvient par cette route, donc la location de bateaux se fait en continu (…) à court terme, il n’y a qu’une solution possible : importer plus de GNL », explique au quotidien espagnol Mariano Marzo, professeur émérite de sciences de la Terre à l’Université de Barcelone.

Louer des méthaniers ne sera donc pas difficile et permettra à l’Espagne d’importer du gaz d’Amérique, du Moyen-Orient ou d’Europe du Nord, affirme à El Pais, Pedro Mielgo, ancien président de Red Eléctrica, société gestionnaire du réseau de transport d’électricité à haute tension en Espagne.

Les spécialistes écartent ainsi un risque de pénurie et affirment que l’Espagne dispose de plusieurs marges de manœuvres, étant donné que «l’Algérie a fourni près de la moitié du gaz importé par l’Espagne cette année, 47 % exactement, ce qui équivaut à 15.000 millions de mètres cubes», dont 6.000 millions de mètres cubes ont été acheminés par le gazoduc Maghreb-Europe, 8.000 millions par le Medgaz et 1.000 millions par voie maritime.

Et le Maroc ?

Aucune inquiétude à court terme pour le Maroc non plus. L’Algérie a décidé de «cesser toutes relations commerciales entre la Sonatrach et l’Office marocain de l’électricité et de l’eau potable (ONEE)», en plus du non-renouvellement de l’accord portant sur le gazoduc.

L’arrêt du GME «n’aura dans l’immédiat qu’un impact insignifiant sur la performance du système électrique national», ont souligné l’ONEE et l l’Office National des hydrocarbures et des Mines (ONHYM).

«Eu égard à la nature du voisinage du Maroc et en prévision de cette décision, les dispositions nécessaires ont été prises pour assurer la continuité de l’alimentation du pays en électricité», ont affirmé les mêmes sources, notant qu’elles étudient actuellement des «alternatives durables, à moyen et long termes».

À noter que concernant ce gazoduc, le Maroc n’en récupérait que 800 millions de mètres cubes par an, mais obtenait entre 50 et 200 millions d’euros par an de «droits de passage». Ces 800 millions de mètres cubes permettaient néanmoins au royaume de produire 10% de son électricité annuelle. De plus, ce volume de gaz avait également permis au Maroc d’installer «sa première centrale à cycle combiné de 384 mégawatts (MW) à Tahaddart (Nord), opérationnelle depuis 2005, et la centrale thermo-solaire d’Aïn Beni Mathar (Oriental) de 472 MW, mise en service en 2010», rappelle Le Matin.

 

Lire aussi: L’arrêt du gazoduc Maghreb-Europe n’affectera pas le Maroc

 

L’une des alternatives évoquées n’est autre qu’un inversement du cheminement du gaz, avec l’Espagne qui en exporterait désormais au Maroc. Le tronçon du gazoduc au Maroc est d’ailleurs devenu propriété marocaine depuis le 1er novembre, après la non-reconduction de l’accord. Une possibilité qui serait négociée entre Madrid et Rabat.

Le Maroc pourrait aussi avoir recours au service des méthaniers, mais le royaume ne dispose pas des atouts nécessaires. La feuille de route nationale pour le développement du gaz naturel entre 2021-2050 prévoit de pallier à ce problème et un appel d’offre a été lancé pour la construction d’une unité flottante de stockage et de regazéification.

Le Maroc a aussi un autre projet phare: la construction du gazoduc Maroc-Nigéria de 5.660 kilomètres, mais qui ne devraient pas voir le jour avant 2030.

 

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