Analyse. Sur le Web, l’autre guerre que mène l’Algérie contre le Maroc

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Depuis quelques semaines, l’Algérie mène une guerre virtuelle contre le Maroc. Sur le Web et les réseaux sociaux, le pays voisin n’hésite plus à propager des fake news, y compris dans les médias, pour désigner le royaume comme responsable de tous les maux. Décryptage.

Depuis quelques semaines, la tension entre le Maroc et l’Algérie est montée d’un cran. Sur le Web, cette tension est encore plus palpable, surtout du côté algérien. Le dernier évènement controversé qui a fait réagir le pays voisin, avec qui les relations diplomatiques sont rompues depuis août dernier, concerne un incident où trois Algériens présentés comme « civils » ont péri.

Dans un communiqué diffusé le 3 novembre, la présidence algérienne a directement accusé le Maroc d’être à l’origine du bombardement de leurs camions entre Nouakchott et Ouargla : « Plusieurs facteurs désignent les forces d’occupation marocaines au Sahara Occidental comme ayant commis avec un armement sophistiqué ce lâche assassinat à travers cette nouvelle manifestation d’agressivité brutale qui est caractéristique d’une politique connue d’expansion territoriale et de terreur ».

Le communiqué, repris par la presse algérienne, marocaine et internationale, omettait cependant de préciser le lieu exact où l’incident a eu lieu. La Mauritanie n’a pas tardé à diffuser un démenti, précisant que l’attaque n’a pas eu lieu sur son sol.

Si le Maroc n’a jusqu’ici pas officiellement réagi, plusieurs sources marocaines ont fait savoir que les trois ressortissants en question se trouvaient dans la zone tampon. Le 5 novembre, l’adjoint du porte-parole du secrétaire général des Nations Unies a confirmé que les deux véhicules à bord desquels se trouvaient les trois ressortissants algériens morts quatre jours auparavant, étaient bel et bien à Bir Lahlou, près du mur marocain.

« Terrorisme d’Etat »

Les trois ressortissants en question se trouvaient donc dans une zone militaire. Un détail que l’Algérie a omis de préciser dans ses accusations. Mais certains médias algériens continuent de nourrir la désinformation à ce sujet. « L’Algérie saisit l’ONU et l’Union africaine : Haro sur le terrorisme d’Etat du Maroc », a titré notamment El Watan, dans un article publié le 6 novembre.

Mais ce n’est pas tout. Des photos datant d’août dernier ont été utilisées par certains médias algériens pour illustrer l’attaque en question.

Cet exemple est loin d’être isolé. Pas plus tard qu’en début du mois, l’Algérie a annoncé qu’elle ne reconduira pas le contrat du gazoduc alimentant l’Espagne parce qu’il passe par le Maroc. Une décision prise selon Abdelmadjid Tebboune « au vu des pratiques à caractère hostile du royaume qui portent atteinte à l’unité nationale ». Mais selon l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE) marocain, cette décision « n’aura dans l’immédiat qu’un impact insignifiant sur la performance du système électrique national ».

Sur les réseaux sociaux, plusieurs ont ironisé sur cette décision.

Une guerre de quatrième génération

« Aujourd’hui, nous parlons d’une guerre de quatrième génération. Elle comprend plusieurs aspects dont le cyber terrorisme et la diffusion de campagnes de dénigrement. Depuis quelques semaines, on est dans une situation de cyberguerre », analyse Marouane Harmach, fondateur de Consultor, un cabinet de consulting en dématérialisation et communication digitale.

Selon le spécialiste, différents types d’acteurs participent à cette guerre du côté algérien. Elle se fait via une protestation utilisant « des termes très forts, peu diplomatiques et qui pointent du doigt le Maroc, en le citant indirectement comme ‘pays voisin’ ou, comme on a vu dans le dernier communiqué de la présidence algérienne, qui nomme directement le Maroc ».

« On l’a vu aussi récemment dans une conférence de presse de Ramtane Lamamra, qui a évoqué plusieurs choses pour justifier et donner un soubassement historique à ce pseudo conflit algéro-marocain », poursuit-il.

Le 24 août dernier, le MAE algérien avait annoncé la rupture des relations entre son pays et le Maroc, évoquant une « guerre d’agression ouverte de 1963 » et une « collaboration active et documentée du royaume du Maroc avec deux organisations terroristes dites MAK et RACHAD », ainsi qu’une « guerre médiatique de bas niveau et de grande envergure contre l’Algérie, son peuple et ses dirigeants » menée par les « appareils sécuritaires et de propagande du royaume du Maroc ».

Récemment, le 18 octobre dernier exactement, un article du journal algérien Echorouk affirmait que l’Algérie était « au centre d’une crise houleuse entre le Maroc et la Russie». Une fake news qui n’a pas manqué de faire réagir le ministère russe des Affaires étrangères. « La pratique du bourrage à travers la désinformation, largement utilisée par les médias occidentaux, tente d’être adoptée par certains collègues maghrébins, qui ne veulent céder en rien à leurs camarades chevronnés, ni dans la manipulation des faits, ni dans la propagation de mensonges éhontés », a écrit le ministère russe.

Fake news, etc.

Pour Marouane Harmach, au premier rang des acteurs de cette guerre virtuelle, il y a les « institutionnels qui sont engagés depuis plusieurs mois dans ce sens, et dernièrement de manière très directe. Les deuxièmes acteurs, ce sont les médias algériens qui ont des liens avec le régime, que ce soit à travers les différentes chaines de télévision, les sites d’information et la presse écrite pour qui le Maroc est un sujet récurrent depuis toujours. Mais l’intensité de cette couverture et l’agressivité de ce langage peut surprendre les Marocains. Il suffit de voir n’importe quel journal télévisé algérien, vous allez voir que le Maroc est présent d’une manière ou d’une autre ».

En troisième place, « il y a leurs services à eux et les activistes qui sont liés d’une manière ou d’une autre au système algérien qui menèrent une sorte de guérilla numérique ou digitale. On y retrouve tout ce qui est propagation des fake news, d’images photoshopées ou des montages de vidéos », souligne notre interlocuteur.

L’objectif est selon lui, d’arriver à une « mobilisation de l’opinion publique algérienne pour faire en sorte que le Maroc soit perçu comme l’ennemi ».

« Si on analyse ce discours, on est vraiment dans une communication type Corée du Nord. C’est-à-dire que l’Algérie veut faire croire qu’elle est la plus forte et que le Maroc vit une pénurie d’électricité et des moyens de première nécessité ». Le but est aussi selon Marouane Harmach de « cacher les avancées notables qu’a réalisées le Maroc dans différents domaines ».

En août dernier, l’Algérie avait également accusé le Maroc d’avoir déclenché des feux de forêts dans le pays, qui avaient fait près de 90 morts. Pourtant, le royaume, dès les premiers dégâts provoqués par l’incendie, avait proposé son aide au voisin, mettant à sa disposition deux Canadairs sur instruction du roi Mohammed VI.

Dans son discours de commémoration de la Marche verte et se plaçant en porte à faux du discours belliciste algérien, le souverain a adressé « aux cinq peuples du Maghreb, (ses) vœux les plus sincères d’unité et de stabilité, de progrès et de prospérité ».

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