Quand Abdelkrim El Khattabi voulait déstabiliser la monarchie marocaine

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Le roi Mohammed V et le leader rifain Abdelkrim Al Khattabi. Crédit: DR

Comprenant des lettres d’Abdelkrim et d’autres documents, un nouveau livre révèle que le célèbre résistant rifain a essayé de déstabiliser le régime monarchique marocain en 1955 et 1956.
Mohamed ben Abdelkrim al-Khattabi, fréquemment appelé Abdelkrim, était un résistant féroce, héros de la lutte anticoloniale dans le Rif. L’homme a mené un mouvement de résistance qui a combattu les armées espagnole et française lors de la guerre du Rif (1921-1926). Mais l’on ignorait que le célèbre résistant a tenté de déstabiliser le système monarchique marocain. C’est ce que révèle Comité rifeno, un livre récemment publié au Maroc, et qui rassemble plus de 30 lettres d’Abdelkrim dévoilées par l’ancien résistant Mohamed Bensaid Ait Yedder.

Abdelkrim et son frère avec Mohammed V. Crédit: AFP

Selon l’ouvrage, le résistant a fondé une organisation armée appelée le «Comité rifain» afin de mener une révolution contre le règne de Mohammed V. Il voulait ainsi s’opposer à la stratégie du monarque de s’appuyer sur une élite française pour donner forme au nouvel Etat indépendant. «C’est la France qui commande, et elle s’immisce dans les affaires internes et externes du Maroc, tout en utilisant des soldats marocains et tunisiens pour combattre (la résistance) en Algérie. Puis, elle prétend avoir cédé l’indépendance au Maroc et à la Tunisie. N’est-ce pas étrange?», s’interroge Abdlekrim dans l’une des lettres, lue par l’agence Efe.

Un portrait d’Abdelkrim brandi par des manifestants du Hirak dans le Rif. Crédit: AFP

L’opposition d’Abdelkrim à la direction que prenait l’indépendance n’était pas seulement idéologique, car il était contre le fait que les groupes qui combattaient les Français et les Espagnols laissent les armes ou soient intégrées dans les Forces armées royales (FAR).
Dans une lettre envoyée le 16 mai 1956, Abdelkrim informe l’un de ses collaborateurs, appelé «colonel Ahmed», que les activités de l’«armée» (de sa région) seront contrôlées par un «conseil national», formé par des notables rifains. Le nouveau groupe armé a pour rôle de «défendre le pays, expulser l’ennemi et ses alliés, et mettre fin à l’injustice», continue Efe.

Crédit: AFP

Abdelkrim va jusqu’à proposer des stratégies pour une action militaire, et dans l’une d’elles, le résistant établit un plan très détaillé pour attaquer l’infrastructure de transport des armes et acquérir ainsi des armes pour la nouvelle organisation armée. Selon un allié d’Albedlakrim à l’époque, cité dans le livre, Ibrahim Wazzani, le «Comité rifain» disposait de «500 éléments» équipés de «2.000 mitrailleuses et de 7.000 fusils et pistolets».
Les lettres d’Abdelkrim et les autres documents du nouveau livre révèlent par ailleurs que le leader rifain se méfiait non seulement de l’armée marocaine, mais également de l’«armée de libération», qui comptaient pourtant un bon nombre de combattants anti-français, car il la disait «contaminée» par le Parti de l’Istiqlal (PI). Il accusait cette formation de vouloir monopoliser la scène politique du Maroc indépendant et continuer les politiques «colonialistes françaises».
Abdelkrim n’a finalement réalisé aucun de ces objectifs; le pacte signé avec la France a vu le jour et le PI a intégré le nouveau système. Le résistant a vécu ses derniers jours en Egypte, promettant de ne revenir au Maroc que lorsque le Maroc serait totalement libéré de ses occupants étrangers.

Abdelkrim et quelques membres du Bureau du Maghreb arabe, dont Allal El-Fassi, leader du Parti de l’Istiqlal. Crédit: DR

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