A Had Brachoua, la permaculture fait des miracles

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Crédit Stéphane Ferrer Yulianti

Développer l’activité économique tout en menant un mode de vie sain et respectueux de l’environnement, tel est le défi relevé par les habitants d’un douar situé près de la commune rurale de Had Brachoua (province de Khémisset), à une cinquantaine de kilomètres au sud-est de la ville de Rabat. Une ambition collective qui a complétement transformé le village en l’espace de quelques années.
Juché au milieu d’une nature vierge entre les montagnes et à quelques encablures de la rivière Krifla, douar Lambarkiyine avait tous les atouts pour garantir une vie décente à ses habitants, et pourtant la précarité y régnait en maître. La découverte du concept de la permaculture fut ainsi une révélation salvatrice pour cette petite communauté constituée d’une soixantaine de ménages.

Reportage vidéo réalisé en octobre 2017
Aujourd’hui, comme une vraie fourmilière, l’activité au sein de cette communauté se poursuit pendant toute la journée. Des femmes qui s’activent à produire différents types de couscous, des agriculteurs qui cultivent la terre, des jeunes filles qui nourrissent les poules et les vaches ou qui se chargent d’entretenir les ruches d’abeilles et des enfants qui parcourent les champs en poussant des cris de bonheur. Apparemment, chacun s’acquitte de son rôle avec passion et détermination.
Se rappelant les tous débuts de cette expérience pionnière au Maroc, Laarbi Chaoubi, président de l’association de l’agriculteur moderne, initiatrice du projet, confie à la MAP: « avant 2013, le douar manquait d’eau, d’électricité et le travail n’était pas structuré et valorisé. Mais ceci a beaucoup changé depuis la mise en place de ce projet et les résultats dépassent de loin nos attentes ».
Aujourd’hui, les femmes sont devenues plus indépendantes, leurs revenus ont augmenté et la région est désormais réputée pour son tourisme solidaire et écologique et ses produits bio, s’est réjoui Chaoubi, ajoutant que le projet a créé des opportunités d’emploi au profit des jeunes et leur a évité l’amertume d’un exode qui pourrait les exposer à la délinquance ou à des problèmes d’intégration.
Le cofondateur du concept de la permaculture, l’Australien Bill Mollison, a forgé ce terme dans les années 1970 par une contraction de « permanent » et « agriculture », signifiant ainsi la volonté d’adopter une « culture de la permanence ». Dans l’un de ses ouvrages, il écrit: « le but est de développer des modes de vie et de fonctionnement qui ne nuisent pas à l’environnement et qui soient viables économiquement, qui subviennent à leurs propres besoins, qui n’abusent ni des humains ni du vivant, qui ne polluent pas la terre ».
Quant à Chaoubi, il considère que « la permaculture n’est qu’un retour aux origines, en ressuscitant les méthodes agricoles efficientes utilisées jadis par nos ancêtres ». Ainsi, en vue de créer un écosystème intégré conciliant l’Homme et la nature, le projet mené par l’Association de l’agriculteur moderne est articulé autour de deux piliers principaux qui se complètent: l’écotourisme et les produits de terroir biologiques.
La création d’une coopérative féminine de produits de terroir constitue ainsi le couronnement de cette expérience. Elle propose déjà une riche variété de produits dont notamment le couscous à base de lentilles, qui reste le plat typique de la région. Elle compte aussi dans ses rayons le couscous d’orge, de maïs, de blé et d’avoine, la semoule d’orge (belboula), la semoule de blé (berkoukech), zammita (un mélange de farines et de plantes aromatiques), le caroube, le jujube, l’origan, le fenugrec, les petits pois et les légumineuses.
Selon Bouchra Khettabi, présidente de la coopérative des femmes de Brachoua, la difficulté rencontrée au départ résidait dans le fait de convaincre les femmes du village d’adhérer au projet. « Elles n’avaient jamais imaginé qu’un jour elles pourraient travailler et devenir productives. Mais une fois passée cette étape, on s’est mis au travail de manière graduelle et aujourd’hui nous arrivons à livrer de grandes quantités de produits ».
La coopérative a commencé, en effet, à distribuer aux marchés de Rabat et à participer aux expositions nationales, comme elle a été choisie pour exposer ses produits biologiques dans le marché solidaire de Casablanca qui a ouvert ses portes en mars 2017. « Notre produit est très prisé et jouit d’une très bonne réputation grâce sa qualité, son respect des normes d’hygiène ainsi que l’absence de produits chimiques », s’est félicitée Khettabi.
Quant à l’écotourisme, les visiteurs du village qui affluent de différents pays du globe, passent « des moments précieux de liberté dans la nature », selon Chaoubi. Ils y trouvent un environnement convivial, une vie simple et décontractée, et se délectent d’une nourriture biologique saine, comme ils bénéficient de randonnées dans les montagnes et même de formations sur la permaculture.
« Ce volet appuie la commercialisation du produit local d’une manière peu coûteuse comme il contribue à la promotion de l’image de la région aux niveaux national et international », explique-il.
Grâce aux relations entretenues avec d’autres associations, les habitants du douar ont bénéficié de formations dans les domaines de la permaculture, l’agriculture biologique et le tourisme (hygiène, accueil, cuisine, etc.). Par la suite, et pour étendre le périmètre de cette expérience, les jeunes de la région sont devenus à leur tour des formateurs dans d’autres régions du Royaume.
Et ce n’est pas tout, car après la réussite de cette première expérience, d’autres horizons semblent s’ouvrir devant cette association innovante. Elle pense désormais à créer d’autres coopératives dédiées à l’artisanat et la fabrication des tapis, l’élevage caprin et l’aviculture.
En démontrant concrètement que la permaculture est un savoir-faire et un mode de vie qui constitue le chemin le plus court vers une vie prospère, pérenne et respectueuse de la diversité, cette expérience inspirante mérite d’être dupliquée sur une plus grande échelle afin de promouvoir le développement socioéconomique et préserver les écosystèmes locaux.

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