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Maroc: les libertés individuelles, sujet confidentiel du débat électoral
Publié leEn campagne électorale, la majorité des partis politiques marocains, tous bords confondus, boudent les questions de libertés individuelles, ignorant en particulier l’appel d’un collectif pour décriminaliser les relations sexuelles « hors mariage », un sujet clivant au Maroc.
« Que les politiques ignorent notre appel est décevant mais pas étonnant », affirme Sonia Terrab, cofondatrice du collectif des « Hors la loi », à l’origine de l’appel.
« Il devient urgent que la parole politique sur les libertés individuelles soit libérée et en phase avec l’évolution de la société », dit-elle à l’AFP.
Dans le royaume, où l’islam est religion d’Etat, l’article 490 du Code pénal punit « d’un mois à un an » de prison « toutes personnes de sexe différent qui, n’étant pas unies par les liens du mariage, ont entre elles des relations sexuelles ».
D’autres textes de loi sanctionnent l’adultère et l’avortement illégal d’un à deux ans de prison et l’homosexualité de six mois à trois ans.
Ces lois, qui ne sont pas systématiquement appliquées, déchaînent souvent les passions.
Le camp progressiste milite depuis des années pour leur abrogation tandis que les conservateurs s’opposent à tout assouplissement des moeurs.
– « Lois liberticides » –
La Fédération de la gauche démocratique (FGD, gauche) et le Parti du Progrès et du Socialisme (PPS, centre-gauche) sont les seules formations politiques à avoir répondu favorablement à l’appel des « Hors la loi ».
Mais seule la FGD a inclus la dépénalisation des relations sexuelles « hors mariage » dans son programme électoral, précise Mme Terrab.
A ce propos, le politologue Mohamed Tozy note que durant la campagne électorale, « les partis politiques évitent les sujets clivants comme les débats sociétaux ».
« Interpeller les partis politiques en période électorale est une manière d’attirer l’attention sur ces questions absentes du débat politique », plaide Sonia Terrab.
Les « Hors la loi » vont lancer une série de discussions sur les réseaux sociaux sous le thème « vote4love » (Voter pour l’amour) avant les élections législatives et locales du 8 septembre.
Le collectif s’est formé en 2019 pour protester contre l’arrestation de la journaliste Hajar Raissouni, condamnée à un an de prison ferme pour « avortement illégal » et « sexe hors mariage ». Elle a été graciée par le roi Mohammed VI.
A l’époque, un manifeste en faveur de l’abrogation de « lois liberticides » punissant de prison aussi bien l’adultère que l’avortement avait été signé par des centaines de personnes qui déclaraient publiquement avoir elle-mêmes outrepassé ces interdits « obsolètes ».
Les affaires de moeurs agitent régulièrement l’opinion publique.
Plusieurs ONG de défense des droits humains s’en saisissent et exhortent à adopter des lois en phase avec l’évolution de la société.
– « Renforcement des libertés » –
Une institution officielle, le Conseil national des droits humains (CNDH) a également plaidé pour le respect des libertés individuelles dans un mémorandum adressé aux parlementaires en 2019, au moment de l’examen du projet de réforme du Code pénal.
Le CNDH préconisait une dépénalisation des relations sexuelles, y compris homosexuelles, entre adultes consentants, et un élargissement du droit à l’avortement, non seulement dans le cas où la grossesse constitue un danger pour la vie de la mère, mais aussi en cas de menace pour sa « santé mentale et sociale ».
Bloqué au Parlement depuis 2016, l’actuelle version du texte n’apporte pas de changements sur la question des moeurs, hormis un assouplissement de l’interruption volontaire de grossesse, qui serait autorisée en cas de viol, d’inceste et de malformation du foetus, si la nouvelle loi est votée.
Selon les derniers chiffres officiels, en 2019, la justice marocaine a poursuivi 15.192 personnes pour « débauche », 3.270 pour adultère, 283 pour homosexualité et 107 pour avortement.
Récemment, un rapport officiel prônant un « nouveau modèle de développement », esquissant plusieurs pistes de réformes, a recommandé le « renforcement des libertés individuelles et publiques et leur protection par le système judiciaire » comme « une condition nécessaire à la création d’un climat de confiance et à la libération des énergies ».
« Sur les libertés individuelles, ce rapport présente certes une avancée mais ne dit pas les choses clairement », regrette Sonia Terrab.
« Une raison qui nous a conduits à lancer prochainement de grandes consultations sur ces questions qui feront l’objet d’un rapport », explique-t-elle.